Sénégal: Vers une disparition du poisson ?
@UNESCO |
AGM - Sénégal Alors même que le Thiebou
Djeun (« riz au poisson ») s’est vu entré au patrimoine mondial de l’Unesco en décembre
dernier, le pays est lourdement éprouvé par la rareté du poisson de ses eaux et
menace le principal revenu de milliers de familles sénégalaises.
En termes d’emploi, les activités de pêche et de la
transformation ont mobilisé un effectif de quelques 600 000 personnes qui en
vivent : pêcheurs, transformatrices, mareyeurs, micro-mareyeuses,
intermédiaires, transporteurs, etc … en 2019. Sur le quai du port de Joal
(principal port de pêche du pays) pas moins de 30 métiers sont générés/tournent
autour des activités de pêche et de vente de poisson. Un peu plus de 6 000
personnes sont employés dans ce secteur. La pèche représente le premier secteur
d’exportation du pays, d’ailleurs le poisson est l’un des aliments principaux
des populations représentant plus de 70 % des apports en protéines. Un
sénégalais mange en moyenne 28 kilos de poisson par an pour une population de plus
de 16 millions d’habitants. Il constitue la principale source de protéine
animalière.
Sardinelle @pixabay |
Quand bien même l’inflation ébranle fortement le panier de la
ménagère, le pays fait face à une pénurie de cette matière première. Et les
répercussions se font ressentir sur les coûts, en 2020 le prix du poisson frais
a augmenté de plus de 11%. Selon l’ANSD (Agence sénégalaise de la statistique
et de la démographie) cette augmentation s’expliquerait par une drastique
diminution du poisson dans les eaux sénégalaises.
Qu’est ce qui explique
cette rareté du poisson ?
Elles sont plusieurs,
les ONG qui tirent la sonnette d’alarme pour dénoncer les pillages qui se font
sur les côtes sénégalaises. Parmi elles, Greenpeace Afrique, l’organisation signale
ce qu’elle appelle le « détournement » de poisson par les géants de
l’industrie et n’hésite pas à mener des actions afin de dissuader les gros
chalutiers de laisser le poisson dans les eaux. Une grande partie du poisson
destiné à nourrir la population sénégalaise est récupérer par des usines de
transformation de farine et d’huile de poisson. Ce qui explique l’épuisement de
cette ressource, alors même que le pays à une époque pensait ces stocks
inépuisables.
Cette mauvaise gestion de la ressource partagée est également
une des raisons de l’immigration clandestine. En effet, les eaux ouest
africaines sont exploitées par les pays côtiers sous la juridiction de la
commission sous régionale des pêches mais les actions de celle-ci restent
limitées sans mandat de gestion de ce territoire marin. Par ailleurs, les jeunes,
face à la raréfaction du poisson et le manque d’emploi sectorielle se tournent
vers l’occident dans l’espoir d’un avenir meilleur. Un effet boomerang face à
ce pillage de masse.
Ibrahima Cisse de
Greenpeace appelle à «ne plus octroyer
des nouvelles installations d’usines de farine de poisson et à suspendre les
approvisionnements de celles qui sont déjà installés sur la côte pour les
remplacer par des usines de déchets agroalimentaires comme auparavant ».
Il pense que les stratégies d’économie bleue devraient être orientées vers la
durabilité et le besoin des populations.
La Sardinelle qui intéresse les russes, les espagnoles et les
chinois est en surexploitation selon la dernière évaluation du centre
océanographique. Certaines entreprises contournent les politiques, ne signent
pas d’accords, installent leur bateau sur les côtes et des usines de transformation,
produisent de la farine de poisson qu’ils importent dans leurs pays pour
nourrir du bétail.
Le système de règlementation de la pêche est sans cesse violé «
Jadis, cela ne causait pas de problème
parce que ces usines utilisaient seulement les déchets issus de la transformation
industrielle et artisanale ou encore ceux issues du filtrage ou des conserveries.
Ces déchets-là, s’ils sont transformés en farine de poisson est acceptable. Cependant,
dès l’instant qu’ils commencent à utiliser les poissons frais dont
principalement la sardinelle … les ressources péchées en général qui
devraient servir à nourrir les populations et à être une source de revenu pour femmes
transformatrices car ces ressources sont utilisées directement pour faire de la
farine et l'huile de poisson. Ce qui cause d’énormes problèmes. »
En effet, outre la surexploitation des ces espèces, les
mareyeurs et mareyeuses mais aussi les femmes transformatrices, qui achetaient
le poisson directement aux pêcheurs, se voient aujourd’hui concurrencées par
des usines en capacité d’acheter à un meilleur prix.
Il semblerait que ces usines bien que légale pille les eaux de
sardinelles pour la fabrication d’huile et de produits cosmétiques mais ne sont
que très peu génératrices d’emploi. Cette pêche illégale favorise la pollution
et détruit la biodiversité.
De l’autre côté, certaines coopératives ont vu le jour afin de
palier au problème de l’épuisement des stocks. Dans le Sine Saloum, certaines
ont commencé à procéder à des reboisements afin de rétablir la mangrove. Cette
même mangrove dans laquelle les poissons vont pour se reproduire.
L’initiative est très louable seulement le pillage est
tellement grand que ces opérations restent insuffisantes. Les pécheurs du
Sénégal sont très inquiets et se demandent s’ils seront encore capables de
nourrir leur famille sur l’exploitation de cette ressource.
Si rien n’est fait d’ici quelques années, pourrions-nous
encore manger le Thiebou djeun ?
Princesse PAMOUANDE
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