En Afrique, la discrimination genrée pénalise les rendements agricoles
Le rôle des
femmes dans l'agriculture africaine est essentiel. Pourtant, une femme
agricultrice obtient un rendement pouvant être jusqu'à 30% inférieur à celui
d'un homme, juste parce qu'elle est une femme.
Dans les régions
les plus rurales du monde, et en particulier en Afrique, les femmes tiennent
une place essentielle dans l'alimentation du foyer. Elles en assurent les trois
quarts de la production de denrées alimentaires. Elles passent chaque semaine
douze heures de plus que les hommes dans les champs. Et pourtant, ce rôle
essentiel est bridé par une discrimination. Parce qu'elle est femme, une
agricultrice récoltera moins qu'un homme. Bien que l'organisation de la société
repose sur ses épaules, elle est cantonnée à un rôle de main d'œuvre et ses
capacités décisionnelles sont rejetées.
Manque d'accès au savoir
Une étude menée dans le sud de la Tanzanie depuis 2016
montre que la productivité de champs de haricots est de 6% plus faible pour une
agricultrice que pour son homologue masculin. Et cela ne réside pas dans un
manque de travail, mais dans un moindre accès à la formation. Elle n'a pas
connaissance des meilleures pratiques agricoles, ni du choix de semences pour
un meilleur rendement. "L'étude montre qu'avec un accès à la bonne
information et aux bonnes ressources (...) les femmes peuvent accroître
significativement leurs récoltes", explique Eileen Nchanji de l'ONG
The Alliance.
Pour preuve, des
études menées au Burundi et au Zimbabwe ont montré que les récoltes menées par
des femmes ont doublé grâce à l'emploi de meilleures semences et une bonne
information. Cela tombe sous le sens, mais les autorités ne se préoccupent pas
de réduire ce fossé entre les deux sexes.
Aucun pouvoir décisionnaire
Le rôle de la
femme en agriculture est ignoré, alors même qu'elle passe moitié plus de temps
que les hommes dans les champs. Un rapport de la Banque mondiale précise qu'au
Nigeria, même si les femmes représentent entre 60 et 80% de la main d'œuvre
agricole, les décisions importantes sont prises par les hommes. "De
ce fait, les services de vulgarisation agricole du pays se concentrent
habituellement sur les hommes et leurs besoins en matière de production".
En fait, pour
avoir leur mot à dire, les agricultrices doivent être propriétaires des terres
qu'elles cultivent. Et là encore, les obstacles sont de tailles, en particulier
pour obtenir un crédit pour acheter des terres ou du matériel. Certaines
banques ne facilitent pas l’accès au capital nécessaire. Elles demandent
notamment un garant de sexe masculin ou exigent du bénéficiaire qu’il sache
lire et écrire, note la Banque mondiale. Et lorsque cette épreuve est passée,
l'étude a montré que les femmes obtiennent en général les terres les moins
productives.
Un levier de développement
Selon Oxfam,
environ 80% de la production alimentaire mondiale provient de l’agriculture
familiale et paysanne, et l'Afrique n'y fait pas exception. L'ONG affirme que
de meilleurs rendements dans ce secteur sont le moyen le plus efficace pour réduire la faim et la
pauvreté. Et les agricultrices y jouent un rôle essentiel, puisqu'elles
assurent 80% de l'apport alimentaire du foyer. "Si on veut
éliminer la pauvreté, les femmes doivent pouvoir prendre leurs propres
décisions", affirme Enid Katungi, économiste de The Alliance.
Oxfam met en
avant le programme que l'ONG a déployé au nord du Ghana. Ainsi, grâce à une
formation ad hoc dans une école pratique d'agriculture, Mary qui cultive un
lopin de terre a doublé sa production de maïs. Une sécurité pour les longues
périodes de soudure que connaît la région.
Sécurité alimentaire
Toute
transformation agricole en Afrique passera par la participation des femmes,
affirme l'ONU. "Investir dans l’autonomisation économique des
femmes est un investissement à haut rendement, qui aura des effets multiples
sur la productivité, l’efficacité et la croissance inclusive du continent",
explique Kathleen Lay de l'ONG ONE.
Mais pour y
parvenir, il faut combler de nombreuses lacunes. En particulier permettre aux
femmes un accès à l'éducation qui leurs est souvent refusé. Il faudra également
remettre en cause le poids de la tradition qui souvent les exclut du pouvoir
décisionnaire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire