LES
DECHETS : UNE MINE D’OR QUE L’ON IGNORE
Désirer, acheter, consommer, jeter et de recommencer. Voici
un automatisme simple et commun à l’homme qu’il reproduit tous les jours sans
même s’en rendre compte. Les pertes
et gaspillages alimentaires sont définis par la FAO comme « une diminution de
la masse, à toutes les étapes de la chaîne alimentaire, de la récolte à la
consommation, de la nourriture comestible initialement destinée à
l’alimentation humaine, quel qu’en soit la cause » (Organisation des Nations
Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 2012). La FAO distingue de plus le
gaspillage en tant que tel, qui concerne plus spécifiquement le stade de la
distribution et de la consommation.
A une échelle inférieure, au niveau
européen, des études plus précises de la Commission Européenne sur les déchets
alimentaires estiment quant à elles que les européens produisent en moyenne sur
la totalité des 28 pays, 140 Kg/habitant/an de déchets, sans prendre en compte
les déchets issus de la production des aliments. (Garot, 2015). Aujourd’hui,
dans le monde, en un an, plusieurs milliards de tonnes de déchets sont
produites. Si la grande majorité des pays développés a fait du traitement des
ordures une priorité environnementale, politique et économique, d’autres
nations beaucoup plus vulnérables n’arrivent pas à tenir le rythme et croulent
sous les montagnes de détritus.
Le dernier rapport de la Banque
mondiale, "What a Waste 2.0" ou "Quel Gâchis 2.0", publié
en 2018, alerte sur la situation qui devient catastrophique, du fait de
l'urbanisation rapide des pays en développement. Dans ce rapport, la Banque mondiale
stipule que le monde produit un peu plus de 2 milliards de tonnes de déchets
solides par an. Il en produira 3,4 milliards de tonnes en 2050. Loin d’être
uniforme, la masse de déchets émise par chaque Terrien est fortement corrélée à
son revenu moyen.
Les Américains du Nord en jettent en moyenne 2,21 kg par
jour, les Africains subsahariens 0,46 kg. La qualité de la gestion de ces
déchets est inversement corrélée à ce revenu, avec 2 % jetés dans la nature
dans les pays les plus riches, contre 93 % dans les régions à bas revenu.
Cette augmentation de la production des
déchets devrait donner lieu à de nouveaux défis pour les réseaux municipaux de
gestion des déchets, puisque le rythme fulgurant de l’urbanisation continuera
de mettre à rude épreuve les efforts de réduction, ainsi que les réseaux de
collecte, de traitement et d’élimination des déchets.
Les déchets
alimentaires ou
végétaux représentent la plus grosse partie (44 %) du volume total. Là
encore, de fortes disparités sont observables en fonction du
niveau de développement. Les pays à faible revenu produisent davantage de
déchets alimentaires, tandis que les pays développés produisent davantage de
déchets « secs » (plastique, papier, métal, ou verre), issus notamment de
l'industrie et des produits de consommation.
D’après les rapports existants initiés
par la FAO, qui tentent de chiffrer les pertes et gaspillages, au niveau mondial
l’Amérique du Nord et l’Europe sont les régions où elles sont les plus
importantes avec 280 à 300 Kg/habitant/an de nourriture gaspillée ; dans les
pays d’Asie et d’Afrique le total se situe entre 120 et 220 Kg/habitant/an avec
une variation en fonction des régions. Il est intéressant de noter que, de
façon globale, les pertes n’interviennent pas aux mêmes stades de la production
en fonction des régions. En effet, les pertes ont lieu majoritairement
post-récolte dans les pays du Sud, alors qu’elles concernent plutôt les étapes de transformation et
distribution dans les pays du Nord. Le gaspillage par les consommateurs est
bien plus élevé en Europe avec 90 à 120 Kg/habitant/an d’aliments perdus contre
seulement 10 à 40 Kg/habitant/an dans les pays d’Afrique ou d’Asie.
Ainsi, le gaspillage alimentaire au
stade de la consommation dans les pays du Nord est d’environ 222 millions de
tonnes ce qui équivaut quasiment au total de la production alimentaire nette en
Afrique subsaharienne (230 millions de tonnes) (FAO, 2012). Devant
l’existence d’un tel gaspillage de nourriture mais aussi de ressources, il est
capital de mettre en œuvre des actions afin de le limiter. Ce sujet d’actualité
est ainsi de plus en plus au cœur des débats, et des solutions, que ce soit logistiques,
réglementaires, techniques ou sociales, commencent à voir le jour de plus en
plus dans des pays qui se préoccupent et se saisissent de ce problème.
La limitation du gaspillage est en
effet une question importante à prendre en compte pour assurer la durabilité
des systèmes alimentaires qui font face à 2 problématiques principales :
l’augmentation de la population et les problèmes de sécurité alimentaire
qu’elle soulève, et d’autre part le réchauffement climatique qui impacte ou
risque d’impacter la production alimentaire et les rendements agricoles.
A partir de l’étude de centaines
d’initiatives menées dans le monde, des actions-clés ont été analysées pour
agir à la fois sur la prévention mais aussi sur la valorisation des biodéchets
alimentaires et ceci en fonction de différents scénarios croisés sur
l’évolution des villes et des systèmes alimentaires à l’échelle des 15-20
prochaines années. Ces pistes d’action ont pour but de cerner les besoins de
connaissances et les recherches à mener afin de permettre une réduction
efficace des pertes et gaspillage tout au long de la chaîne alimentaire.
En effet, la France a mis en place des
réglementations concernant plus particulièrement la gestion des déchets. La
directive européenne du 19 novembre 2008 au sujet des déchets prévoit le
développement du tri et de la valorisation des biodéchets. Cette directive a
été transposée en France et inscrite dans le droit de l’environnement par la
loi Grenelle 2 de 2010. Celle-ci impose aux détenteurs de déchets de mettre en
place un tri à la source des biodéchets pour assurer une valorisation
biologique, ou une collecte sélective en vue d’une valorisation biologique, par
exemple par voie de méthanisation ou de compostage. Les producteurs de déchets
concernés sont définis par des seuils décroissants de quantités produites par
an.
Ce pendant en Afrique, La
croissance économique, si elle s’accompagne d’une exploitation accélérée des
ressources naturelles, son corollaire, la production des déchets est par définition
inévitable. Plus qu’une question théorique, cela pose un énorme problème
logistique et économique aux administrateurs des villes surtout dans les pays
en développement.
La production des déchets solides
ménagers (DSM) augmente partout dans le monde à cause des modifications des
styles de vie, surtout dérivés de l’industrialisation à travers l’incitation à
la consommation, l’augmentation du pouvoir d’achat et l’individualisation des
produits grâce aux emballages qui ne servent plus à d’autres utilisations. En
effet, l’explosion démographique, l’accroissement des activités urbaines,
l’insuffisance des ressources financières des pouvoirs publics au niveau local
et la pauvreté de la population sont autant de facteurs qui expliquent la
présence des déchets le long des grandes artères des villes de l’Afrique subsaharienne.
Toutefois La gestion des déchets est
influencée par un système complexe de politiques et de régulations, ainsi que
par la diversité des acteurs impliqués, à savoir les producteurs des déchets,
le secteur privé, les décideurs publics et les organisations non
gouvernementales.
Alors que beaucoup de pays
industrialisés développent et appliquent des solutions techniques élaborées
pour assurer le recyclage, la gestion des déchets dans de nombreux pays en
développement se fonde le plus souvent sur le principe du « jeter - collecter –
déposer à la décharge ». Ainsi, l’absence de tri, l’inefficacité de la
collecte, le brûlage des déchets le long des routes, ainsi que leur élimination
incontrôlée demeurent des pratiques courantes.
Ces villes dont la croissance effrénée
de la population, exacerbées par des infrastructures et des méthodologies
insuffisantes, ont donné lieu au rejet de grandes quantités de déchets solides
et liquides non traités. La voie empruntée par ces villes a été et demeure la
mise en dépôt dans des décharges plus ou moins contrôlées. Actuellement, ces
décharges sont en général saturées, voire rattrapées par les zones bâties.
Elles posent alors d’énormes problèmes environnementaux (pollution de l’air,
des eaux, des sols, etc.).
Au Sénégal, Les industries, en
particulier agro-alimentaires, spécialisées dans la transformation des
productions animales et végétales, sont une source importante de pollution en
raison des rejets fortement chargés qu'elles génèrent. La concentration de ces
industries en zone urbaine entraîne systématiquement les rejets en mer. Ainsi,
c'est entre 13 et 38 millions de m3 d'eaux usées chargées de déchets
de natures diverses qui sont déversées annuellement dans la baie de Hann, ceci
est à l'origine de 1/3 de décès recensés.
Le gouvernement du Sénégal soucieux de
préserver l'environnement avait proposé le traitement des déchets d'abattoir
qui constituent un problème majeur pour la Société d'Exploitation des Ressources
Animales du Sénégal (SERAS) devenue aujourd'hui la SOGAS (Société de Gestion
des Abattoirs du Sénégal). La gestion des déchets d'abattoirs reste un défi
majeur pour l’environnement lorsqu'on constate que les abattoirs de Dakar ont
une capacité de 10 000 tonnes de carcasses par année.
Aux abattoirs de Dakar, hormis le
camion chargé de déchets divers (carcasses saisies, poils, soies, petits débuts
de peaux, papier etc…) qui va chaque jour déverser sa cargaison sur la décharge
publique, les déchets se retrouvent quasi-intégralement dans les eaux
résiduaires donc rejetés en mer puisqu'il n'existe pas de station de traitement
des eaux pour cette zone. Il s'ensuit donc une charge polluante considérable de
ces eaux résiduaires (environ 180 m3 d'eaux par jour) chargées de
divers déchets, additionnées des résidus de lavage des sols et des graisses. Il
faut noter que cette charge polluante est essentiellement organique, mis à part
la faible quantité de détergents utilisée pour le lavage des locaux et
l'arsénite provenant du traitement des cuirs et peaux.
La gestion des déchets est un service
public local dont la responsabilité incombe aux communes, le Décret n° 2015-1703 du 26 octobre 2015 portant transfert
du programme de gestion des déchets solides urbains de la Région de Dakar à
l’Unité de Coordination de la Gestion des Déchets solides du Ministère de la
Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du Territoire.
Le modèle de gestion des déchets
solides au Sénégal n’est pas inclusif pour les récupérateurs, dans la mesure où
ils ne sont pas associés dans la prise de décision et dans la conception des systèmes
: de collecte, d'acheminement, d’organisation de la décharge. Les véhicules de
collecte effectuent, en moyenne, deux rotations par jour entre leurs zones de
ramassage et la décharge, ce qui constitue à peu près : 334 déversements. 14
tonnes de déchets par véhicule, Soit une
estimation de 4676 tonnes de déchets. Le tout s’effectue sous le contrôle
d’agents affectés par l’Etat qui mesurent les quantités de déchets entrant à
l’aide d’un pont-bascule qui se trouve à l’entrée de la décharge.
La décharge de Mbeubeuss reçoit,
exclusivement, des déchets de nature solide et pour la plupart provenant : des
ménages de la capitale, des unités industrielles (entreprises, société), des
hôpitaux, des marchés et autres services. Les déchets acheminés à la décharge
de Mbeubeuss peuvent être catégorisés comme suit :
- les déchets plastiques( sachets, bouteilles, chaises, câbleries, chaussures, pneus …),
- les déchets métalliques (fer, aluminium, cuivre, plomb, bronze, pièces mécaniques …),
- les déchets électroniques (radios, télévisions, téléphones, ordinateurs…),
- les déchets organiques (riz, poissons, résidus alimentaires …) Ainsi qu’un large éventail de déchets particuliers (le verre, les cheveux artificiels, les chiffons…).
Le système de récupération se compose
de plusieurs étapes à savoir :
- le tri : les déchets ne sont pas triés lors de la collecte. Cette opération est effectuée par les récupérateurs. Le tri est fait manuellement à l’aide d’un crochet métallique. Ainsi, une séparation est effectuée selon la catégorisation citée ci-haut (plastiques, métaux, matières organiques).
- Le recyclage : les matières plastiques (chaussures, seaux, toiles imperméables) sont les plus recyclées. Les résidus alimentaires comme le riz sont récupérés par les femmes qui les reconditionnent afin de les revendre aux éleveurs de porcs.
- La vente : Il existe des filières selon les types de matériaux Les produits récupérés sont majoritairement vendus sur place, chaque récupérateur tient une petite échoppe où il revend les produits de son travail.
Certaines filières exportent même
jusque dans la sous-région, c’est le cas de la filière du verre. Les acheteurs
vont du simple particulier aux sociétés qui viennent acheter en gros. En outre,
les changements radicaux survenus sur le marché mondial de l'énergie au début
des années 70 ont accru l'intérêt porté sur les technologies nouvelles et les
ressources renouvelables.
La question des déchets ménagers
commence à se poser avec acuité à la faveur de la prise de conscience des
problèmes environnementaux. Les villes des pays développés ont plus de
ressources financières et humaines qualifiées et les consacrent plus à une
gestion efficace des déchets ménagers, tandis que les villes des pays en
développement et surtout celles de l’Afrique subsaharienne ne disposent pas
d’un plan adéquat de gestion des déchets ménagers.
Dans les villes de l’Afrique de
l’Ouest, l’explosion urbaine conjuguée à la crise économique accentuent les
difficultés des autorités locales à mettre en place des infrastructures et services
efficaces dans le domaine de la gestion des ordures ménagères.
La collecte et l’élimination appropriée
des déchets ménagers constituent une préoccupation quotidienne des autorités
locales. En effet faisant face à des difficultés économiques de taille, les
gestionnaires des villes sont obligés de procéder à une hiérarchisation dans le
choix des investissements sociaux et la priorité n’est toujours pas accordée à
la gestion des déchets ménagers.
En conséquence, divers outils
juridiques et institutionnels de gestion des déchets ont vu le jour sur la
scène internationale: convention de Bâle sur le contrôle des mouvements
transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination; convention de Stockholm
sur les polluants organiques persistants; convention sur la pollution
atmosphérique transfrontière à longue distance; Accord sur les mouvements
transfrontières de déchets dangereux et enfin le Chapitre 19 du Plan d'action
21 - Gestion écologiquement rationnelle des substances chimiques toxiques. Ces
consensus internationaux, donnant le pas, bon nombre de pays se sont dotés d'un
cadre réglementaire pour mettre en œuvre les engagements pris.
Dans les pays du Sud, l’intérêt
agronomique des matières organiques issues des déchets urbains et ruraux est
plus que jamais d’actualité : ces matières sont souvent devenues le principal
intrant des systèmes de production, avec le coût croissant des prix des engrais
chimiques et conditionnent la fertilité à long terme des sols et la sécurité
alimentaire. Cette utilisation agricole est aussi une réponse à la
prolifération des déchets ménagers en milieu urbain, qui pose un problème
crucial pour l’environnement et la santé publique. En amont du compostage, des
politiques adaptées de collecte et de tris doivent être mises en place pour
séparer les matières organiques compostables, non ou peu contaminées. De même,
bien que le champ de compétence en matière de gestion des déchets en Afrique
soit restreint, et en dehors du défi qu’elle
représente, la montagne de déchets solides qui croît ouvre également des
opportunités commerciales pour les « écopreneurs » qui convertissent
les matériaux bruts en produits utiles et en énergie.
La politique environnementale
représente aujourd’hui un domaine important dans l’action des pouvoirs publics
s’appliquant à toutes les questions environnementales : pollution
atmosphérique, qualité de l’eau, gestion des déchets, protection des sols et
pollution sonore.
Mais en pratique savoir si la politique
atteint ou non ses objectifs dépend en grande partie de l’étape de sa mise en
œuvre. Réduire les activités responsables des dommages environnementaux aurait
donc inévitablement des conséquences positives sur la réduction des atteintes à
l’environnement. La mise en œuvre des politiques environnementales aussi bien
dans les pays développés que ceux en développement retient aujourd’hui
l’attention des décideurs face à l’accroissement des dégâts environnementaux.
Si au cours des premières années de mise en œuvre de politique
environnementale, les préoccupations ont été focalisées sur l’élaboration des
règles relatives au respect de l’environnement, depuis lors, la mise en œuvre
des politiques environnementales est devenue un problème important eu égard à
des comportements de non-conformité des agents économiques responsables de la
dégradation de l’environnement.
Par Patrick Aurelien
AGM
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire