Science : Des scientifiques ont créé des embryons mi-souris mi-humain
Dans la
revue Science Advances, des chercheurs affirment avoir
créé des embryons de souris composés jusqu’à 4 % de cellules humaines. Un
pourcentage important, inédit à ce jour.
Un peu
d’humain et beaucoup de souris : c’est la recette qui a permis la création
d’embryons d’un nouveau genre. L’initiative vient d’un groupe de chercheurs de
l’université de Buffalo, aux États-Unis, dont les résultats ont
été publiés le 13 mai dans la revue scientifique Science
Advances. Pour arriver à ce résultat, les scientifiques ont intégré des
cellules humaines dans un embryon de souris. Les cellules se sont développées
dans des tissus destinées à devenir le foie, le cœur, la moelle osseuse et le
sang de la future souris.
Au total,
l’embryon a survécu pendant dix-sept jours, son
développement ayant été interrompu par l’équipe de chercheurs - probablement
pour des raisons éthiques, la recherche sur les chimères n’étant
pas interdite par la loi fédérale américaine.
Répondre aux besoins en matière de greffes
Cette
expérience a vocation à être reproduite, indiquent les chercheurs dans leur étude, notamment
pour pallier à terme la pénurie de dons d’organes. Pour rappel, en 2019, on
dénombrait en France 5 901 personnes greffées et 26 116 patients encore en attente de greffe.
Pour
répondre à une telle demande, une poignée de chercheurs cherchent aujourd'hui à
développer des chimères, soit des animaux capables d’héberger des cellules
humaines. Ils estiment qu’à terme, on pourrait faire pousser différents types
d’organes en vue d’une transplantation, à l'image de l'expérience menée en 2016 à l'université de Tokyo sur
une souris « dotée » d’une oreille humaine.
Une oreille humaine cultivée sur une souris / University of Tokyo |
Un record
de cellules humaines
Les
nouveaux résultats des chercheurs de l'université de Buffalo posent la question
de la multiplication de ce type de recherches à l’avenir. Car cette fois, ils
ont réussi à passer un cap essentiel : la culture d'un pourcentage
relativement élevé de cellules humaines chez un animal. Habituellement,
celles-ci survivent assez mal dans ces conditions. Mais cette fois, les
chercheurs ont réussi à cultiver jusqu’à 4 % de cellules
humaines dans les embryons de souris, le taux le plus bas étant de 0,1 %.
« Cela
pourrait représenter une avancée majeure si d’autres scientifiques
reproduisaient l’expérience »
« Ce
niveau d’intégration de cellules humaines est très frappant, a commenté à Science News le
biologiste Juan Carlos Izpisua Belmonte, cela pourrait représenter une
avancée majeure si d’autres scientifiques reproduisaient l’expérience ».
S’il n’a pas participé à l’étude, ce dernier est notamment connu pour avoir créé en 2019 un embryon
mi-humain mi-singe, dont la croissance a été arrêtée pour des raisons
morales.
Ce taux
de 4 % a été atteint en reculant l’horloge biologique des cellules
humaines. Grâce à une protéine, les chercheurs les ont ramenées à un
« stade naïf », ce qui leur a permis de mieux se développer dans l’embryon
de souris.
Des recherches discutées
Les
progrès des biologistes sur le terrain des chimères suscitent de nombreux débats autour de la
moralité et de l'éthique de ces pratiques. Depuis le premier développement réussi d'une chimère entre
une chèvre et une brebis en 1984, les essais se sont multipliés. L’année 2019
fut assez emblématique de ce développement, avec l'exemple de la chimère
humain-singe créée par l’espagnol Juan Carlos Izpisua Belmonte,
mais aussi la naissance de chimères mi-cochon mi-singe en Chine, dont nous vous parlions en décembre dernier.
En 2019, deux chimères mi-cochon mi-singe sont nées en Chine |
Au cours
de cette même année 2019, la recherche sur les chimères a été autorisée au Japon, à condition que l’embryon
soit détruit après quatorze jours de développement in vitro, ce qui
constitue un premier obstacle. En France, la législation sur le sujet est plus
stricte. L’autorisation des recherches sur les embryons chimériques
- proposée à l’origine dans le projet de révision des lois bioéthiques du
gouvernement - a finalement été abrogée par le Sénat le 28 janvier
2020. On est donc encore (assez) loin de la possible création d’une banque
d’organes cultivés sur des animaux.
AGM
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