Le premier vol habité de SpaceX pourrait accélérer le tourisme spatial
Une fusée
SpaceX avec à son sommet la capsule Crew Dragon décollera le 30 mai en
direction de la Station Spatiale Internationale (ISS). Si SpaceX remplit sa
mission, l’ère du tourisme spatial pourrait se préciser.
« Si
ça se passe bien, c'est grâce aux équipes de la Nasa et de SpaceX. Si ça se
passe mal, c'est ma faute » : au-delà de la mégalomanie à laquelle
nous a habitué Elon Musk, le patron de SpaceX, ces
mots lâchés au micro de CBS à quelques heures du lancement (prévu
initialement ce 27 mai à 22h33 heure française, et reporté) rappellent l’enjeu
du premier vol habité de SpaceX. Pour Elon Musk, mieux vaut que cela « se passe bien »
en effet : la crédibilité de SpaceX est en jeu.
Le
lancement est doublement historique : les États-Unis lanceront pour la première fois en neuf ans une fusée de
conception américaine sans dépendre des Russes qui, depuis 2011 et le retrait
des navettes Endeavour, Atlantis et Discovery, leur mettaient à disposition les
Soyouz ; Space X, de son côté, deviendra la première société privée à envoyer
dans l’espace des astronautes (Bob Behnken, 49 ans et Doug Hurley, 53 ans),
même si le programme est commandé par la Nasa qui a tout de même investi plus
de 3 milliards de dollars dans l'affaire.
« Si SpaceX réussit, cela pourrait signifier l’ouverture de l’espace au tourisme »
L’enjeu
est aussi économique. SpaceX a réussi à réduire les coûts du voyage spatial,
explique Wendy Whitman Cobb, analyste américaine spécialiste du marché spatial,
dans un article publié sur The Conversation, et les
implications sont nombreuses. D’une part, la Nasa a un accès à l’ISS et ne paie
« que » 55 millions de dollars pour un siège de la capsule Crew
Dragon, contre 86 millions auparavant pour un ticket aller-retour dans un
Soyouz au départ du Kazakhstan. D’autre part, « pendant que Space X et
Boeing (qui développe parallèlement pour la Nasa le véhicule
Starliner, ndlr) fournissent un accès à l’ISS, la Nasa peut se
concentrer sur sa mission Artemis, qui vise à mener une expédition humaine vers
la Lune en 2024 », et enfin, « si SpaceX réussit, cela pourrait
aussi signifier l’ouverture de l’espace au tourisme ».
Décollage de la fusée Falcon 9 de Space X avec à son sommet la capsule Crew Dragon |
SpaceX
n’a pas attendu ce 27 mai pour s’engager en ce sens puisque l’entreprise annonçait en mars dernier un partenariat avec Axiom
Space. Leur projet : envoyer, à bord de la capsule Crew Dragon, trois touristes
vers l’ISS, ce qui n’a pas été fait depuis onze ans (au total, huit touristes
de l’espace ont déjà effectué un voyage vers l’ISS, dans les fusées russes
Soyouz, de Dennis Tito en 2001 à Guy Laliberté en 2009). Le voyage est prévu
pour le deuxième trimestre de 2021. La Nasa avait annoncé à la surprise générale, en juin 2019,
qu’elle « ouvrait la Station spatiale internationale aux opportunités
commerciales » et donc aux touristes spatiaux.
En
février, SpaceX a également annoncé un autre partenariat avec la société
Space Adventures pour envoyer quatre touristes en orbite pour un vol au dessus
de l’ISS, là où aucun autre touriste spatial n’a jamais été. De son côté, la
Russie a signé un accord avec Space Adventures pour transporter deux
« touristes » dans l'ISS en 2021. Sans oublier les sociétés Virgin
Galactic (Richard Branson) et Blue Origin (Jeff Bezos), elles aussi impliquées
dans le tourisme spatial : toutes deux développent des vaisseaux capables
d’envoyer des passagers quelques minutes au-dessus de la frontière de l’espace
(80 ou 100 km), moyennant 250 000 dollars (ou plus dans le cas de
Virgin).
Les
promesses sont donc lancées depuis quelques mois, mais dépendent de la réussite
du lancement du 30 mai. « Avec la capsule Dragon de SpaceX, les
opportunités de tourisme spatial deviennent plus proches de la réalité »,
résume Wendy Whitman Cobb, sans oublier de mentionner que cette réalité sera
celle des millionnaires, et « restera loin de l’Américain moyen ».
« Mais pour que l’économie spatiale décolle réellement,
ajoute-t-elle, les États devront mettre en place des régulations et des
garanties de fiabilité, qu’il s’agisse de la sécurité des véhicules ou de
la réduction des débris spatiaux. Ainsi, ajouter des voyageurs
dans l’espace pourrait contraindre les États à réfléchir à deux fois avant de
s’engager dans des actions potentiellement dangereuses dans l’espace. »
Reste la
question fatidique : l'envol du tourisme spatial est-il souhaitable ? « Je
ne crois pas du tout à cette idée de "démocratisation" de l’espace,
rétorquait le directeur des publics de la Cité de l’espace de
Toulouse, quand nous l'interrogions en juin 2019 (...) Les gens prêts à
se payer un vol à 50 millions de dollars ne sont pas nombreux. Et même pour un
vol suborbital qui descendrait à 200 000 euros, ça reste extrêmement
cher. »
« Ce que nous montrent les satellites – grâce à la conquête spatiale – c’est une urgence climatique et pour la biodiversité »
Et
d'ajouter : « À la Cité de l’espace, nous sommes fermement opposés au
développement de cette industrie. Nous soutenons bien sûr les vols habités,
ceux de près de 560 astronautes qui sont déjà allés dans l’espace au nom de la
science, pour répondre à des besoins précis. Mais ce que nous montrent les
satellites – grâce à la conquête spatiale – c’est une urgence climatique et
pour la biodiversité. Ça questionne énormément la pertinence de développer
massivement des vols suborbitaux de loisir, leur coût écologique et éthique,
quand on voit déjà les problèmes que soulève l’industrie aéronautique en termes
d’émission de gaz à effet de serre et avec les perspectives d’explosion à venir
du trafic aérien. »
AGM
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