Les émissions de méthane, un gaz 30 fois plus réchauffant que le CO2, ont été très sous-estimées
Le méthane est un puissant gaz à effet de serre.
Savoir d'où viennent les émissions et quelles sont leurs origines pourrait
aider à limiter efficacement le réchauffement climatique.
Il est moins médiatique que le CO2.
Pourtant le méthane (CH4) est un gaz à effet
de serre particulièrement puissant. Selon le dernier rapport du Groupe
d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC),
son Pouvoir de Réchauffement Global (PRG) à 100 ans est de l'ordre de 30 fois
celui du CO2.
Depuis 1750, la quantité de méthane présente dans
notre atmosphère a
augmenté d'environ 150 %. Et au total, le méthane est considéré comme
responsable d'un tiers environ de l'effet de serre actuel. Les scientifiques
savent qu'une part de ce méthane est d'origine naturelle. L'autre provient des
activités humaines. Mais il n'est pas si simple de les distinguer. Et
aujourd'hui, des chercheurs de
l'université de Rochester (États-Unis) affirment que leurs prédécesseurs ont
largement sous-estimé la quantité de méthane émise vers l'atmosphère du fait du
recours aux combustibles
fossiles.
Il faut savoir que le méthane peut être réparti en
deux catégories. Le méthane dit fossile a été séquestré pendant des millions
d'années dans des gisements d'hydrocarbures.
Il peut suinter naturellement ou être émis par l'extraction et l'utilisation
de combustibles fossiles,
du gaz, du pétrole ou
du charbon.
Le méthane dit biologique, quant à lui, peut être libéré naturellement à partir
de sources telles que les zones
humides ou encore via des sources anthropiques comme
les décharges, les rizières ou l'élevage. Ces deux grands types de méthane
peuvent être distingués par leur signature isotopique. Le premier ne contient
plus de carbone 14 alors que le second en contient toujours.
Dans l’atmosphère, plus de méthane anthropique que prévu
Les chercheurs de l'université de Rochester se sont
concentrés sur la question du méthane fossile. Pour distinguer le méthane
d'origine naturelle de celui d'origine anthropique, ils ont étudié des bulles
d'air contenues
dans des carottes
de glace extraites du Groenland. Objectif : établir la
composition de cet air, du début du XVIIIe siècle -- soit avant
le début de la Révolution
industrielle -- à nos jours. Comme les hommes n'ont commencé à
consommer massivement des énergies
fossiles qu'à partir du milieu du XIXe siècle, le
méthane présent avant, dans les échantillons, correspond à des émissions naturelles.
Une réduction des émissions peut avoir un réel impact en matière de limitation du réchauffement climatique
Et des mesures de carbone 14
montrent que ce méthane est, jusqu'en 1870, dans sa quasi-totalité, d'origine
biologique et non fossile. De quoi conclure que les niveaux de méthane fossile
naturellement libéré sont environ dix fois inférieurs à ce que de précédents
travaux avaient imaginé. Ce qui porterait finalement la composante fossile
anthropique de 25 à 40 % plus que ce que les experts pensaient. Un
résultat que les chercheurs tiennent à prendre du bon côté. « Si une
plus grande part du méthane dans notre atmosphère est issue des activités
humaines, cela signifie qu'une réduction des émissions peut avoir un réel
impact en matière de
limitation du réchauffement
climatique », explique Benjamin Hmiel, principal auteur de l'étude et
chercheur à l'université de Rochester.
Sur cette image, un lac d’origine thermokarstique formé par le dégel du pergélisol en Alaska. Un dégel responsable, entre autres, d’émissions de méthane. © JPL-Caltech, Nasa |
En Arctique, des millions de points chauds
En parallèle, des chercheurs de
la Nasa (États-Unis)
se sont intéressés aux émissions de CH4 du côté de l'Arctique.
Car dans cette région qui se réchauffe plus vite que le reste de la planète,
le pergélisol,
cette couche de sol en principe perpétuellement gelée, a commencé à se dégeler.
Et à libérer du méthane -- ainsi que d'autres gaz
à effet de serre -- issu de la putréfaction des matières organiques
autrefois prises au piège de la glace.
Pour comprendre dans quelle mesure ce méthane pourrait
influencer le réchauffement
climatique, les chercheurs ont équipé des avions d'une technologie infrarouge de
pointe baptisée Airborne Visible Infrared Imaging Spectrometer --Next
Generation (Aviris-NG). Puis, ils ont survolé 30.000 km2 de
la région arctique. Résultat : ils ont identifié deux millions de ce
qu'ils appellent des points
chauds. C'est-à-dire, des zones présentant un excès de CH4 de
3.000 parties par million entre leur capteur embarqué
et le sol.
Les chercheurs notent aussi que la plupart de ces
points chauds sont concentrés dans des zones s'étalant sur environ 40 mètres
autour de sources d'eau. À plus de 300 mètres, il n'en reste quasiment plus.
Les chercheurs n'expliquent pour l'instant pas ce schéma. Mais identifier les
facteurs qui y conduisent devrait aider à préciser les modèles d'émission de
méthane en Arctique et l'impact de la région sur le réchauffement climatique à
venir. Et vice versa.
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