Sécurité alimentaire au Tchad : quand réfugiés et communautés hôtes se lancent avec succès dans l’horticulture
Depuis quelque temps, l’entrée nord de la ville de
Goré campe un décor de plaines verdoyantes : choux, carottes, manioc, gombo et
autres légumes sont cultivés sur de vastes potagers. Ici, tout au sud du pays,
près de la frontière avec la Centrafrique, réfugiés et rapatriés partagent la
terre avec leurs communautés d’accueil pour profiter des semences maraîchères
mises à leur disposition.
Une culture plus rentable et moins étendue
En voyant les tiges robustes de ses plants
d’aubergines et de manioc, Malopi Decladore n’en revient toujours pas de ses
talents d’horticulteur. Pour lui, comme pour les quelque 70 000 habitants des
camps de réfugiés de la région de Goré qui ont fui la crise en Centrafrique,
manger à sa faim est une préoccupation permanente. « Notre plus
grand défi a été de convaincre les réfugiés et retournés, dont la majorité
étaient commerçants à l’origine, de cultiver et produire eux-mêmes de quoi se
nourrir afin de pas rester toujours dépendants de l’aide alimentaire »,
explique Emma Koningar, coordonnatrice du volet agriculture du Projet d’urgence
en réponse à la crise alimentaire et d’élevage (PURCAE).
Après quelques heures de formation, Malopi a vite pris
le pli : « Le maraîchage est plus simple que
l’agriculture et demande moins d’espace. Cette solution nous a donné le double
avantage de pallier l’insuffisance de terres dont nous souffrons et
d’avoir de meilleurs rendements que les grands travaux champêtres. »
Devant ce succès, de plus en plus de paysans locaux
préfèrent aussi contourner les difficultés d’accès aux terrains de grande
taille pour se consacrer à l’horticulture, moins vulnérables auxinondations ou
à la sècheresse.Et les chiffres leur donnent raison. Les 16 tonnes de semences
maraîchères et les 53 650 outils agricoles distribuées par le projet ont permis
de produire 29 664 tonnes de fruits et légumes.
255 tonnes de semences de riz et 6 250 000 boutures de
manioc ont également été distribuées et ont donné une récolte de 2 625 tonnes
de riz et 14 166 tonnes de manioc.
Des produits moins chers et disponibles en toute saison
Ceux qui connaissent les régions rurales du Tchad,
savent que la période de soudure n’évoque rien de bon en matière de nourriture.
De juin à septembre de nombreuses familles en font généralement les frais.
Leurs réserves s’épuisent et les carences alimentaires apparaissent, surtout
chez les enfants.
« Avant, les gens n’avaient pratiquement rien à manger
entre juillet et août », souligne Ngoundo Molengar, consultant à
l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO).
« Maintenant leurs potagers leurs permettent non seulement d’avoir de la
nourriture en toute saison mais aussi de gagner de l’argent en vendant leurs
produits. »
Surtout, dans cette région fragilisée par l’afflux
massif de réfugiés ces dernières années, « ce projet a eu l’énorme mérite
d’évoluer d’une approche humanitaire durant sa première phase à une approche de
renforcement de la résilience et de développement dans le cadre de son
financement additionnel », insiste Ngoundo Molengar.
Habitante de la communauté d’accueil, Goïdjé Eveline
sent la différence : « On ne panique plus à Goré pour faire le stock
de céréales en période de soudure ; les produits maraîchers sont abondants
sur le marché en toute saison et à des prix abordables. »
Apollinaire Nadji est d’accord. Pour ce cultivateur de
coton à Goré, « ces derniers temps, on ne sent pas la période de
soudure ; grâce aux groupements maraîchers qui travaillent dans les
plaines tout autour de la ville, le marché est bien pourvu en tomates, choux et
maïs si bien qu’on ne manque de rien sauf de l’argent pour en acheter. »
Mais, les prix aussi ont baissé depuis que les étals
de marchés se remplissent au rythme de ces nouvelles cultures. « Grâce à
la disponibilité des semences maraîchères, le prix de certaines denrées
alimentaires, qui était cher en période de soudure, chute aujourd’hui de
manière vertigineuse : un sac de sorgho se vendait généralement entre 14
500 et 15 000 francs CFA (environ 25 dollars) mais aujourd’hui, avec la
concurrence des produits maraîchers, il se vend maintenant à 9 000 francs
(environ 15 dollars). » constate Memadji Germaine animatrice d’antenne de la
FAO à Goré depuis 3 ans.
Mis en œuvre par le gouvernement tchadien avec un
financement de 16 millions millions de dollars de l’Association internationale
de développement (IDA), filiale de
la Banque mondiale qui soutient les pays les plus pauvres du monde, le PURCAE bénéficie
également de l’appui technique de la FAO, du Fonds des Nations unies pour
l'enfance (UNICEF) et de l’Organisation internationale pour les migrations
(OIM). Au total, 78 221 ménages locaux, refugiés et rapatriés en ont bénéficié,
soit environ 469 326 personnes.
« Dans l’ensemble, ce projet a obtenu des
résultats très encourageants mais encore fragiles », souligne François
Nankobogo, responsable des opérations de la Banque mondiale pour le Tchad. «
c’est pour cela que nous finançons maintenant un projet complémentaire, le
Projet d’appui aux réfugiés et aux communautés d’Accueil (PARCA) à
hauteur de 60 millions de dollars, dont la mise en œuvre commence tout juste et
qui devrait permettre de consolider ces acquis tout en développant l’accès à
des services sociaux de base ».
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