Cette bactérie génétiquement modifiée mange du CO2
Une
souche de la très célèbre bactérie Escherichia coli (E.
coli) a été modifiée génétiquement afin que son métabolisme se serve
principalement du dioxyde de carbone (C02) pour vivre.
Les
bactéries sont des organismes vivants qui,
pour vivre et se multiplier, utilisent principalement des sucres tels
que le glucose.
À l'inverse, les plantes et certaines
cyanobactéries tirent leur énergie de
la lumière du soleil via la photosynthèse à
des fins de fixation ou transformation du CO2. Les
bactéries comme E. coli émettent le CO2 en tant que déchet mais
leur génome est
relativement facile à modifier. Depuis une décennie, Ron Milo, biologiste des
systèmes à l'Institut scientifique Weizmann à Rehovot, en Israël, et son
équipe de scientifiques s'attèlent à créer une bactérie génétiquement
modifiée qui pourrait utiliser le CO2 comme substrat énergétique
principal.
Une bactérie OGM
C'est
en 2016 que Ron Milo et son équipe ont publié un article scientifique relatant
la création d'un souche capable de consommer du CO2 pour
son métabolisme mais
seulement en étant nourrie en même temps avec du pyruvate (le
produit final de la glycolyse).
Dans une nouvelle
publication très récente, la même équipe a progressé. Elle est
parvenue, grâce à plusieurs technologies
d'ingénierie génétique, à créer une souche qui peut fonctionner
uniquement grâce au CO2.
Pour
cela, les expérimentateurs ont greffé à la bactérie des gènes propres
aux organismes photosynthétiques. Comme cela n'était pas suffisant, ils ont
cultivé des générations
successives d’E. coli modifiées pendant un an en réduisant
progressivement leur apport en glucose. En revanche, l'apport en CO2 était 250
fois plus important que la quantité qu'on peut espérer trouver dans l'atmosphère terrestre
actuellement. Après environ 200 jours, les premières cellules capables
d'utiliser le CO2 comme seule source de carbone ont émergé. Et
après 300 jours, ces bactéries se sont développées plus rapidement dans les
conditions de laboratoire que celles qui ne pouvaient pas consommer de CO2.
Cette souche bactérienne n'est pas encore capable de survivre et d'être utilisée au sein de l'atmosphère terrestre. © Paweł Horacy, Adobe Stock |
Pas
encore d'applications réelles
Cette
souche, créée en laboratoire grâce à ces prouesses
technico-scientifiques est encore à la traîne en ce qui concerne la
multiplication comparé à une bactérie classique. En effet, il lui faut 18
heures pour se diviser et proliférer (contre 20 minutes pour une bactérie
classique) dans un environnement chargé à 10 % de CO2 (alors
que l'atmosphère terrestre contient actuellement 0,041 % de CO2).
Pourtant, l'équipe de chercheurs espère créer dans les années à
venir une bactérie capable de croître plus rapidement et de vivre
avec moins de CO2.
Dans
le futur, elle pourrait être exploitée pour fabriquer des molécules de
carbone organique qui pourraient être utilisées comme
biocarburants, ou pour produire des aliments. Les produits fabriqués
de cette manière réduiraient
les émissions par rapport aux méthodes de
production conventionnelles. Un de leur pairs, Tobias Erb, biochimiste et
biologiste à l'Institut Max-Planck de microbiologie terrestre de Marburg
(Allemagne), qui n'a pas participé à l'étude, tout en saluant les efforts
et la persévérance de cette équipe reste réaliste : « Il s'agit
d'un document de preuve de concept. Il faudra quelques années avant de
voir cet organisme appliqué. »
CE QU'IL FAUT RETENIR
- Des scientifiques ont réussi à
créer une souche bactérienne d'Escherichia coli capable de
tirer son énergie du CO2.
- Pour l'instant, la souche ne survit
qu'en laboratoire, dans un milieu avec 10 % de CO2 dans
l'air contre 0,041 % dans l'atmosphère terrestre actuelle.
- Les chercheurs veulent trouver des
moyens de les faire vivre et croître avec moins de CO2 afin
de créer des molécules de carbone organique «
propre ».
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