Des pluies inhabituellement violentes ravagent l'Afrique de l'Est
Un
phénomène climatique centré sur l'océan Indien, d'une puissance jamais observée
depuis des années, a provoqué ces dernières semaines des pluies et inondations
dévastatrices en Afrique de l'Est, et les scientifiques estiment que le pire
pourrait encore être à venir.
De
violentes précipitations en octobre ont forcé des dizaines de milliers de
personnes à quitter leur foyer en Somalie, submergé des localités entières au
Soudan du Sud et causé des dizaines de morts dans des inondations ou des
glissements de terrain au Kenya, en Ethiopie et en Tanzanie.
La
crue des eaux a aussi décimé les troupeaux et détruit les récoltes dans de
grandes parties d'une région qui ne s'était pas encore relevée d'une sévère
sécheresse.
Près
d'un million de personnes pour le seul Soudan du Sud sont affectées, et les ONG
craignent que la faim et les épidémies ne fassent rapidement leur apparition.
"C'est
un désastre (...) Les gens se retrouvent sans rien", s'est inquiété
mercredi le ministre sud-soudanais des Affaires humanitaires, Hussein Mar Nyuot,
après que son gouvernement eut déclaré l'état d'urgence dans les zones
concernées.
Ces
conditions extrêmes sont mises sur le compte du Dipôle océan Indien, un
phénomène climatique créé par la différence de température à la surface de la
mer entre les zones est et ouest de l'océan Indien.
Actuellement,
les eaux bordant l'Afrique de l'Est sont plus chaudes que la normale à cette
période de l'année, ce qui provoque une évaporation accrue, l'air humide qui
circule vers le continent se transformant ainsi en pluie: toutes les
caractéristiques d'un dipôle "positif".
Les
scientifiques disent n'avoir pas observé un dipôle d'une telle intensité depuis
des années, voire peut-être des décennies.
Les
eaux situées près des côtes est-africaines sont en ce moment presque deux
degrés plus chaudes que celles de la partie est de l'océan Indien, près de
l'Australie, soit une différence bien supérieure à l'écart habituel.
Des intempéries anormalement violentes
Selon
le Bureau australien de la météorologie (BoM), ce dipôle est le plus puissant
depuis qu'il a commencé à enregistrer ces fluctuations de température en 2001.
D'autres données suggèrent un événement similaire en 1997, précise le BoM.
"C'est
bien plus fort que ce que les archives montrent pour les années précédentes",
a expliqué à l'AFP Maurine Ambani, météorologiste pour la Croix-Rouge. Le
dipôle actuel est "sans aucun doute significatif", fait-elle valoir.
L'Afrique
de l'Est a en conséquence connu des intempéries anormalement violentes pour la
courte saison des pluies, qui chaque octobre touche la région.
Au
Soudan du Sud, le personnel médical a été contraint d'utiliser des barques pour
se déplacer dans l'hôpital de Pibor (est), complètement inondé, a annoncé
Médecins sans frontières (MSF).
A
Maban (nord-est), un enfant placé sous oxygène est décédé quand un générateur a
été inondé, a ajouté MSF. Les humanitaires redoutent des crises de choléra ou
d'autres maladies transmises par l'eau.
En
Somalie, la ville de Beledweyne a été entièrement submergée, les habitants se
retrouvant coincés sur les toits ou les arbres. Près de 200.000 personnes ont
dû fuir, certaines sur des bateaux de fortune, a indiqué Save the Children.
Certains
endroits dans le nord du Kenya, où au moins 29 personnes ont été tuées selon le
Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), ont reçu en
quelques semaines l'équivalent d'une année de précipitations, ce qui a
déclenché d'importantes coulées de boue.
Un
éboulement dans le sud de l'Éthiopie a tué 22 personnes ce mois-ci, après 10
heures de pluies torrentielles.
'Ca pourrait empirer'
En
Tanzanie, les autorités ont annoncé que 45 personnes ont été tuées en octobre
dans des inondations.
Bien
que situé un peu plus au sud, le pays a aussi connu des pluies inhabituellement
fortes, qui s'expliquent très probablement également par le dipôle, a indiqué à
l'AFP Abubakr Salih Babiker, un climatologue auprès du Centre de prévision et
d'applications climatologiques (ICPAC) relevant de l'organisation régionale
Igad.
Mme
Ambani pense que le dipôle va s'intensifier en novembre, ce qui pourrait encore
aggraver la situation. "Ca pourrait empirer", prévient-elle, ajoutant
que le système climatique devrait se déplacer vers le sud dans les prochaine
semaines.
D'autres
mauvaises nouvelles s'annoncent aussi en Somalie, où un cyclone tropical est
attendu dans les prochaines heures sur les régions septentrionales du Puntland
et du Somaliland.
L'ICPAC
estime que ces pluies supérieures à la normale pourraient persister jusqu'en
décembre. Le dipôle positif en est, selon lui, "probablement" le
responsable.
Le
dernier dipôle positif important avait eu lieu en 2006, quand plus de 300
personnes avaient été tuées dans la région par des inondations d'une ampleur
inhabituelle.
A
contrario, un dipôle négatif, avec des eaux plus fraîches dans l'ouest de
l'océan Indien et plus chaudes dans l'est, avait provoqué une forte sécheresse
en 2016 en Afrique de l'Est. Et certaines parties de l'Australie connaissent
actuellement la sécheresse.
Avec
la montée de la température des eaux induite par le changement climatique, les
dipôles océan Indien pourraient, selon Mme Ambani, devenir plus fréquents et
violents.
©
2019 AFP
A.G.M
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