Gaz de schiste: Londres suspend la fracturation hydraulique par crainte des séismes
Le
gouvernement britannique a annoncé suspendre la fracturation hydraulique
destinée à extraire du sous-sol du gaz de schiste en raison des risques de
secousses sismiques, faisant marche arrière sur ce sujet impopulaire, au tout
début de la campagne des législatives.
Le
Royaume-Uni voulait à l'origine suivre l'exemple des Etats-Unis où l'industrie
du schiste a connu un boom spectaculaire renforçant l'indépendance énergétique
du pays, grâce à la technique de la fracturation hydraulique. Mais ce procédé
est critiqué, partout dans le monde, en raison de son impact environnemental,
et a été interdit en France et en Allemagne.
La
ministre chargée des Entreprises et de l'Energie, Andrea Leadsom, a expliqué
que le gouvernement est revenu sur sa position à la suite d'un rapport du
régulateur du secteur, The Oil and Gas Authority (OGA), ayant étudié l'activité
sismique survenue près d'un site où est pratiquée la fracturation hydraulique,
à Preston New Road, dans le Lancashire (nord-ouest de l'Angleterre).
"Après
avoir examiné le rapport de l'OGA (...), il est clair que nous ne pouvons pas
exclure de nouvelles conséquences inacceptables pour la population
locale", a déclaré dans un communiqué Mme Leadsom.
"Pour
cette raison, j'ai conclu que nous devrions instaurer un moratoire sur la
fracturation hydraulique en Angleterre avec effet immédiat", a-t-elle
ajouté.
Forte mobilisation
Le
gouvernement a expliqué qu'il ne donnerait pas son consentement à de nouveaux
projets de fracturation hydraulique "à moins que de nouvelles preuves
convaincantes ne soient fournies".
Le
procédé de fracturation hydraulique consiste à créer des fissures souterraines
et y infiltrer un mélange d'eau, de sable et de produits chimiques pour
permettre l'extraction de gaz ou de pétrole capturé dans la roche.
Le
développement de cette technique avait provoqué une forte mobilisation de la
part des populations concernées et des militants écologistes, qui ont accueilli
avec soulagement cette annonce.
Les
partis d'opposition l'ont en revanche jugée insuffisante, et prônent une
interdiction définitive.
En
ce début de campagne, Rebecca Long Bailey, chargée de l'Energie au sein du
Labour, a promis que s'il arrivait au pouvoir, son parti "interdira la
fracturation hydraulique alors que les conservateurs ne l'interrompront que
temporairement. Vous ne pouvez pas faire confiance au Premier ministre",
a-t-elle déclaré dans un communiqué.
Pourquoi
le gouvernement n'a pas opté pour une interdiction? "Parce que ça reste
une énorme opportunité pour le Royaume-Uni" a répondu Andrea Leadsom au
micro de la BBC samedi.
David contre Goliath
Le
Royaume-Uni avait soutenu la fracturation hydraulique dans l'espoir de réduire
sa dépendance envers le gaz, importé essentiellement de Norvège et du Qatar.
Le
gouvernement conservateur avait escompté en 2016 l'ouverture de 20 puits d'ici
à mi-2020.
AFP/Archives/Paul ELLIS |
Or,
à ce jour, seuls trois puits ont été forés, sans qu'aucune exploitation de gaz
de schiste ait débuté et sans que les pouvoirs publics sachent quelles
quantités pourraient être extraites à terme, a souligné récemment un rapport du
National Audit Office (NAO), organe chargé de contrôler les dépenses publiques.
Selon
le NAO, les professionnels du secteur expliquaient le retard pris par une
réglementation trop stricte au Royaume-Uni concernant les secousses sismiques
induites par la fracturation hydraulique.
Cette
réglementation prévoit, entre autres, de suspendre la fracturation
temporairement, lorsqu'un tremblement de terre supérieur à 0,5 sur l'échelle de
Richter intervient du fait des opérations d'extraction.
C'est
d'ailleurs à la suite d'une vive secousse en août dernier que la société
Cuadrilla avait décidé de suspendre indéfiniment son forage de Preston New
Road, près de Blackpool, qui était le seul projet en cours au Royaume-Uni.
Les
autres nations du Royaume-Uni, l'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord
sont opposés au développement de la fracturation hydraulique.
Rebecca
Newsom, cheffe de programme au sein de Greenpeace, a estimé dans un communiqué
que "le grand pari du gouvernement sur la fracturation hydraulique est un
fiasco".
Le
directeur exécutif de l'ONG environnementale Les Amis de la Terre, Craig
Bennett, a qualifié le moratoire de "victoire immense pour les populations
et pour l'environnement".
"Pendant
près d'une décennie, les populations locales partout dans le pays ont mené un
combat de David contre Goliath contre cette industrie puissante", a-t-il
souligné, espérant maintenant qu'une loi rendra l'interdiction de la
fracturation hydraulique permanente.
©
2019 AFP
A.G.M
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