Le déclin des insectes dans la plus grande discrétion
Les
rumeurs d’un déclin de la population d’insectes courent depuis une vingtaine
d’années. Dans la recherche la plus fouillée à avoir été menée sur le terrain,
des chercheurs allemands viennent d’évaluer que, sur la base d’un suivi de 150
sites différents dans leur pays, la perte de biomasse moyenne serait d’environ
50% sur 10 ans. Le nombre d’espèces aurait décliné du tiers.
Ce
n’est pas un hasard si la recherche vient d’Allemagne: ce sont des études à plus petite échelle
qui avaient
tiré la sonnette d’alarme dans ce pays depuis les années 2000. Et qui
avaient poussé à la publication d’autres compilations régionales dans d’autres pays.
Le printemps dernier, une méta-analyse, c’est-à-dire une synthèse de la
littérature scientifique sur le sujet, avait
conclu que le recul des populations d’insectes était répandu chez un
très grand nombre d’espèces éloignées les unes des autres.
La nouvelle
recherche, parue le 30 octobre dans Nature, précise que sur les
2700 espèces d’arthropodes (ce qui inclut notamment les araignées
ou les mille-pattes) étudiées, le recul est généralisé, peu importe le degré
d’utilisation du territoire (urbanisation, routes ou agriculture). Mais il
semble plus élevé là où l’étendue de terres agricoles est la plus élevée. Dans
les forêts, la perte de biomasse n’est « que » de 40%. Les auteurs de l’étude soulignent à ce sujet qu’en
attendant d’avoir une certitude sur les pourcentages, la gestion des terres
agricoles devrait faire l’objet d’un virage majeur, ne serait-ce que pour que
les agriculteurs et les autorités locales se coordonnent avec les initiatives
de conservation de la nature qui sont entreprises dans leur propre voisinage.
Il
faut rappeler que si la disparition d’insectes touche moins de cordes sensibles
chez le public que la disparition d’oiseaux ou d’animaux « charismatiques »,
elle n’en est pas moins une source de préoccupation majeure: la disparition
d’insectes affecte les sources d’alimentation de quantité d’animaux, ils jouent
un rôle fondamental dans la reproduction des végétaux en transportant leur
pollen, et dans la régulation des écosystèmes en général. Rien qu’en terme de
biomasse, c’est-à-dire le « poids » total de la vie sur Terre, les
insectes dominent les autres espèces. S’il
devait s’avérer que le déclin est vraiment aussi élevé que ce que
cette étude révèle en Allemagne, ce serait l’équivalent d’une extinction de
masse, en cours dans la plus grande discrétion.
Source
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire