Réchauffement climatique : trois questions sur la fonte accélérée des glaciers dans les Alpes
Alors
que le Giec dévoile son rapport sur l'état des glaciers ce mercredi, le
glaciologue Christian Vincent fait un état des lieux de la situation dans les
Alpes et analyse les évolutions probables dans le massif.
Les
conséquences du réchauffement climatique sur les glaciers sont irréversibles,
il faut s'y préparer. Dans un rapport rendu public mercredi 25 septembre, le
Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) alerte
sur les conséquences multiples de la hausse des températures, l'une d'entre
elles étant la fonte des glaciers à basse altitude.
Et
les Alpes françaises n'échappent pas à ce triste constat. Sans action pour
contenir le changement climatique, ces impacts seront de plus en plus
dévastateurs. Géants de glace en voie de disparition, dangers pour les
habitants, perspectives d'évolution... Voici ce qu'il faut retenir du rapport -
le quatrième en un an - rédigé par le groupe d'experts de l'ONU et adopté par
195 États .
Quel avenir pour les plus grands glaciers des Alpes ?
Sans
surprise, les glaciers des Alpes seront parmi les premières victimes de la
hausse des températures. Comme une preuve par l'exemple, on apprenait mardi
matin que le glacier de Planpincieux, dans le massif du Mont-Blanc, menace de
s'effondrer. Une portion de 250.000 mètres cubes pourrait se déverser dans une
vallée parallèle à celle de la célèbre station alpine de Courmayeur.
"On
ne sait pas comment ça va évoluer : la langue du glacier peut ralentir ou au
contraire accélérer, dans ce cas elle pourrait être complètement déstabilisée
et s'effondrer dans la vallée, analyse le glaciologue Christian Vincent. Mais ce
scénario n'est absolument pas sûr donc il faut continuer à surveiller."
Un
scénario climatique médian table sur une augmentation de 3°C d'ici à 2100, ce
qui aurait des conséquences dévastatrices sur les deux géants des Alpes
françaises : le glacier d'Argentière et la Mer de Glace. "Le glacier d'Argentière
risque de disparaître complètement d'ici 2100 et la Mer de Glace va être
diminué de 80%", explique Christian Vincent qui a établi des simulations
numériques pour prévoir l'évolution des deux plus grands glaciers du massif en
France.
Autre
géant de glace emblématique, au-dessus de l'Alpe-d'Huez, le glacier de Sarenne
est l'un des plus étudiés au monde. "Il est mesuré très en détail depuis
1949 et on voit d'année en année l'augmentation de la fonte, donc la perte de
masse de ce glacier", explique le scientifique, estimant sa disparition
totale d'ici "2 ou 3 ans."
Comment la fonte des glaciers va-t-elle évoluer ?
Les
glacier des Alpes perdent de leur volume depuis 150 ans environ, mais le
phénomène s'est terriblement accéléré au cours des 30 dernières années.
"La fonte a augmenté, c'est la cause de la perte de masse des glaciers, et
cette augmentation est directement liée au réchauffement climatique dans nos
Alpes", reprend Christian Vincent. Et quelle que soit l'évolution de la
situation, à moyen terme, "les glaciers vont continuer à reculer jusqu'en
2050", ajoute-t-il.
Des
experts avaient déjà prévu la disparition de près de 90% des quelque 4.000
glaciers des Alpes avant 2100 si les émissions de gaz à effet de serre se
poursuivent au rythme actuel. Le glacier d'Aletsch, le plus grand du massif
situé en Suisse, perdrait 50% de son volume et de sa longueur à cet horizon
d'après les scénarios les plus optimistes. Mais si la température augmente de
quatre à huit degrés d'ici à 2100, "seules deux misérables plaques de
glace" subsisteront.
"La
fonte des glaciers résulte de flux d'énergies en surface, la température est un
des composants de ces flux mais ce n'est pas le seul, il y a aussi le
rayonnement solaire", résume le glaciologue Christian Vincent. Dans les
Alpes, la température a augmenté de près de 2°C sur les trois dernières
décennies ce qui implique de gros bouleversements dans le massif : "Il y a
30 ans, à 1.800 mètres d'altitude, on avait 8,5 mètres de fonte par an alors
qu'aujourd'hui, on en a plus de 10 mètres".
Cette
évolution du milieu de haute montagne a déjà des conséquences : "Il faut
voir les glaciers comme un équilibre entre l'accumulation hivernale et la fonte
estivale. De cet équilibre dépend les fluctuations glacières. Lorsque
l'accumulation hivernale compense la fonte, le glacier est à peu près en état
d'équilibre", ce qui n'est plus le cas depuis une trentaine d'années, la
fonte excédant largement l'accumulation. La plupart des glaciers se retrouvent
donc dangereusement déstabilisés.
A quels conséquences faut-il se préparer ?
La
disparition progressive des glaciers aura de multiples impacts sur
l'environnement de montagne, mais aussi sur les populations humaines. Le recul
du glacier d'Argentière, situé dans le massif du Mont-Blanc, pourrait conduire
à la formation "d'un gigantesque lac d'une contenance d'environ 12
millions de mètres cubes" entre 2040 et 2050, poursuit le glaciologue
grenoblois, ce qui représentera "un danger potentiel" pour les
habitants qu'il n'est pas encore possible d'estimer avec précision.
Les
milieux naturels seront eux aussi chamboulés, à commencer par le débit des
torrents et des rivières : "Il y aura des conséquences hydrologiques,
alerte le scientifique. Au mois d'août, la contribution des glaciers au débit
des torrents est assez forte, donc leur fonte risque de diminuer leur débit
pendant l'été."
Parmi
les 4.000 glaciers des Alpes, certains sont dits de très haute altitude, leur
température étant négative toute l'année. Le réchauffement de la planète risque
également de les affecter, prévient Christian Vincent, car "beaucoup
d'entre eux sont situés sur des pentes très raides et s'ils atteignent 0°C, ils
risquent d'être déstabilisés et vont se mettre à déraper sur le lit
rocheux."
A.G.M
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