A Dakar, le changement climatique et les migrations à l'agenda d'une réunion du Conseil des droits de l’homme
Le
Président du Conseil des droits de l’homme, Coly Seck, estime que l’organe
onusien doit servir de « précurseur à l’échelle internationale » sur
ces deux questions « extrêmement importantes ».
Ambassadeur
du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève, Coly Seck entend faire de ces «
enjeux du présent et du futur », la grande cause de la fin du mandat de son
pays à la tête du Conseil des droits de l’homme, mais aussi de fil conducteur
pour son successeur qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2020.
Réunis
en séminaire à Dakar, les 47 membres du Conseil vont se pencher sur certains
sujets délicats débattus au sein de leur organe tels que l’environnement et le
changement climatique, les migrations de masse, les droits de l’homme à l’ère
du numérique, la responsabilité sociétale des entreprises dans le contexte des
droits de l’homme.
«
Cette rencontre informelle va permettre aux délégations de discuter de manière
tout à fait franche », a déclaré Coly Seck dans un entretien accordé à ONU
Info. Interrogé sur la pertinence d’un tel séminaire à deux mois de la fin
du mandat de la présidence sénégalaise, M. Seck insiste sur l’importance
d’avoir « un regard plus pressant, plus proactif » pour aider les pays,
notamment africains.
Le Conseil des droits de l’homme doit être plus visible
Pour
le Sénégal, la tenue de ce séminaire est une façon de rappeler que le
changement climatique est une question fondamentale de droits de l’homme et que
c’est grâce à au Conseil que des références sur les droits humains font partie
de l’Accord de Paris sur le climat.
«
Les changements climatiques vont dominer l’actualité du monde ces 50 prochaines
années » et si rien n’est fait, cela risque « de réduire à néant les efforts
qui ont été faits ces 50 dernières années pour promouvoir un développement
durable à l’échelle mondiale », a dit M. Seck.
Pour
l’Ambassadeur du Sénégal, le déplacement du Conseil des droits de l’homme à
Dakar s’inscrit dans une certaine logique : avoir un organe onusien plus
proche des peuples qu’il sert. « Nous avons estimé que le Conseil fait un
excellent travail, mais il n’est pas bien connu », a-t-il fait valoir. C’est
dans le cadre de ce travail de proximité, que le Président du Conseil s’est
déjà rendu à l’Université de Genève, au Club diplomatique mais a aussi rencontré
de jeunes écoliers d’un lycée français à Ferney Voltaire pour les sensibiliser
sur le travail de son organe et la façon dont les jeunes peuvent s’impliquer
personnellement. « Et donc le Conseil doit être plus visible », insiste-t-il.
Au-delà
de l’empreinte que Dakar souhaiterait laisser sur sa présidence du Conseil, M.
Seck tient à rappeler « l’universalité des droits de l’homme ». Selon lui, il
ne sert à rien de vouloir dicter une seule façon de voir les droits humains. «
Nous avons tous des cultures, des valeurs, des religions différentes. Il
convient à mon avis de faire en sorte que tous les pays puissent appliquer la
Déclaration universelle des droits de l’homme, mais sans renoncer à leur
religion, à leurs valeurs, à leur culture », a-t-il fait remarquer. « Par
exemple, nous le Sénégal, avons aboli la peine de mort qui est appliquée dans
beaucoup de pays qui se considèrent comme des champions en matière de promotion
et de protection des droits de l’homme », a-t-il dit.
« Il n’y a pas de question taboue au Conseil des droits de l’homme »
La
présidence sénégalaise du Conseil a été marquée au cours de ces trois dernières
sessions, par des débats sur les violations des droits de l’homme, le droit au
développement, l’environnement, les questions relatives à la peine de mort, les
questions sociétales de manière générale.
«
Ce sont des sessions relativement calmes fondées, un peu, sur le souci de
construire des consensus, de faire moins dans l’accusation », a martelé M.
Seck. Une stratégie qui, selon lui, a abouti à l’adoption de la plupart des
résolutions par consensus même si certaines ont été adoptées par vote. « Ce qui
est normal, parce qu’elles constituent des questions délicates et difficiles
qui ne font pas graviter autour d’elles un consensus fort », a-t-il indiqué.
Interrogé
sur le fait que cette quête de consensus ne cachait pas une volonté des Etats
membres d’éviter les questions qui fâchent, l’Ambassadeur du Sénégal a souligné
qu’il n’y avait pas « de question taboue au Conseil des droits de l’homme ».
Les Etats, sur la base notamment de leurs intérêts et sur la base de leurs
intérêts de groupe également, portent des questions qu’ils estiment
essentielles sur la table du Conseil. « Il en est ainsi des situations pays »,
a-t-il précisé, tout en rappelant que lors de la session d’automne, « la
question du Venezuela a été agitée ». « Il se passe dans un pays un moment où
le Conseil doit prendre ses responsabilités et veiller à ce que des mesures
soient prises pour faire cesser les violations constatées », a-t-il fait
remarquer.
Si
Coly Seck est le premier représentant du Sénégal à diriger le Conseil des
droits de l’homme des Nations Unies depuis sa création en 2006, d’autre
Sénégalais avaient déjà présidé la défunte Commission des droits de l’homme,
notamment le Dr. Ibrahima Boye en 1968, le juge Kéba Mbaye en 1978 et
l’Ambassadeur Alioune Sène en 1988.
Coopération avec le Conseil de sécurité
Dès
ses débuts, la présidence sénégalaise du Conseil des droits de l’homme a mis
l’accent sur la coopération avec les organisations régionales, notamment avec
l’Union africaine, et sur la place de l’Afrique dans le domaine des droits de
l’homme, non seulement pour porter la voix du continent africain au sein de
cette instance, mais également pour encourager tous les pays africains à
coopérer avec le Conseil.
«
Nous avons essayé de gérer le Conseil sur la base des orientations de politique
étrangère du Sénégal, mais en tenant compte également des intérêts et des
enjeux prioritaires, en matière des droits de l’homme de tous les Etats
membres, notamment des Etats africains », a dit M. Seck.
Selon
le Président, le Sénégal a voulu insuffler au Conseil « un esprit de respect
mutuel. On ne peut pas faire de droits de l’homme si nous ne nous respectons
pas, si nous ne privilégions pas l’écoute mutuelle, le respect des différences
», a-t-il dit.
A
travers cette présidence du Conseil, Dakar a également voulu montrer qu’en tant
que pays africain d’un continent qui fait de grands efforts dans le domaine de
la promotion et de la protection des droits de l’homme, il était possible de
contribuer au renforcement de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
« Mais c’est un idéal. Il n’y a pas d’un côté des pays maîtres, en matière de
droits de l’homme et d’un autre côté des élèves, qui sont plus ou moins bons »,
a-t-il tenu à préciser.
Dans
un esprit de dialogue, M. Seck a mené en février dernier des consultations
avec tous les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies pour discuter de
sa coopération avec le Conseil des droits de l’homme. « Parce que les
résolutions du Conseil (des droits de l’homme) ont une portée limitée. Et
n’oublions pas que la plupart des dossiers qui sont à l’agenda du Conseil de
sécurité proviennent initialement des violations des droits de l’homme »,
a-t-il souligné, insistant sur le fait que l’ONU est une seule organisation. «
Si nous voulons avoir des résultats, il nous faut combiner les forces de ces
organes-là, faire en sorte que nous puissions parler de la même voix et viser
les mêmes résultats », a-t-il conclu.
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