Carbios: la promesse d'un plastique recyclable à l'infini ou compostable dans son jardin
Et si le plastique n'était plus un déchet ? La société française
de chimie verte Carbios, installée dans le Puy-de-Dôme, a développé des
procédés à base d'enzymes pour repenser le cycle de vie des plastiques et les
rendre recyclables à l'infini.
Chez Carbios, la petite révolution technologique concerne le
recyclage du polyéthylène téréphtalate (PET), que l'on retrouve essentiellement
dans les bouteilles en plastique, emballages alimentaires et aussi dans les
textiles via le polyester.
Ce type de plastique contribue pour 75 millions de tonnes aux 335
millions de tonnes de plastiques produits chaque année dans le monde.
La méthode la plus courante pour le recycler est jusqu'ici un
procédé thermomécanique, consommateur d'énergie et soumettant le plastique à de
fortes températures qui réduisent ses performances.
"La grande innovation de Carbios est d'utiliser une enzyme,
un matériel biologique, qui va dépolymériser le plastique", explique Alain
Marty, directeur scientifique de l'entreprise installée près de
Clermont-Ferrand.
Pour comprendre comment ça marche, il faut imaginer l'enzyme (une
protéine) "comme un petit ciseau" qui va découper le polymère, une
grosse molécule formée par l'enchaînement de monomères, comme un collier
constitué de différentes perles, que l'enzyme va libérer.
Ainsi, "on peut dépolymériser "97% du PET en seulement
seize heures. On obtient un plastique zéro déchet", affirme le
scientifique.
Une fois libérées, les perles - ou monomères - constituant le PET,
vont être récupérées puis purifiées. "Les polyméristes pourront les
réutiliser pour refaire du PET puis une nouvelle bouteille ou un joli
chemisier", ajoute M. Marty.
- Cercle vertueux -
La jeune société de chimie verte garde secrète la nature exacte de
son enzyme, découverte dans la nature.
Une protéine devenue une pépite en laboratoire: "souvent les
enzymes n'ont pas les capacités suffisantes pour être des ciseaux efficaces.
Tout le travail de Carbios est d'optimiser ces enzymes pour les rendre plus
stables à la température ou plus performantes en terme de capacité de
coupure", détaille cet ancien chercheur de l'Insa Toulouse, dont le
laboratoire TBI (Toulouse Biotechnology Institute) travaille étroitement avec
Carbios.
"L'idée, ce n'est plus de se baser sur du pétrole pour
produire du plastique mais de produire du plastique à partir de déchets, à
l'infini. Ainsi, l'industrie du plastique va rentrer dans le cycle vertueux de
l'économie circulaire", poursuit M. Marty.
Une vision qui pourrait devenir rapidement réalité. Le groupe a en
effet annoncé fin juin avoir levé près de 14,5 millions d'euros lors d'une
augmentation de capital, dont le produit doit servir pour l'essentiel à
construire un démonstrateur industriel de ses technologies.
Sa mise en route dans la "Vallée de la chimie" lyonnaise
est prévue pour 2021.
Une promesse qui séduit jusqu'aux géants de l’industrie. Après
L'Oréal et Michelin, trois grands noms des boissons sans alcool - Nestlé
Waters, PepsiCo et Suntory Beverage & Food Europe (Orangina) - ont à leur
tour rejoint en avril le consortium mis sur pied par le groupe auvergnat.
100% recyclable mais aussi 100% compostable. Une filiale de
Carbios,Carbiolice, créée conjointement en 2016 avec le fonds d'investissement
SPI opéré par Bpifrance et le céréalier Limagrain Ingrédients, développe des
solutions pour accélérer le compostage de l'acide polylactique (PLA), un
plastique produit à partir de biomasse comme le maïs, la betterave sucrière ou
la canne à sucre.
Ce type de plastique est plus particulièrement utilisé dans la
fabrication de vaisselle jetable, des pots de yaourts ou capsules de café, ou
encore utilisé comme films pour la sacherie et le paillage agricole.
- Commercialisé l'an prochain -
"Carbiolice a introduit les enzymes développées au coeur d'un
additif facile à intégrer dans les métiers traditionnels de la plasturgie, sans
modifier les paramètres, les investissements et fonctionnalités des usines de
fabrication de plastique", détaille Nadia Auclair, directrice générale de
la start-up.
L'utilisateur pourra ainsi composter son PLA "en moins de six
mois dans des conditions industrielles et en moins d'un an" au fond du
jardin.
Pour se tailler une place de choix dans ce marché qui s'annonce
gigantesque, Carbiolice a signé un accord de co-développement avec le leader
mondial de la production d'enzymes, le Danois Novozymes.
Leur collaboration doit permettre la production et
l'approvisionnement d'enzymes destinées à la fabrication de cet additif
nouvelle génération, dont le lancement commercial est prévu l'an prochain.
© 2019 AFP
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