Tourisme: Enjeux de l’écotourisme au Gabon
Par Ingrid NZIGOU
Le Gabon avec 1,9 million d’habitants en 2016, est un
pays dont l’économie repose sur le pétrole, les minerais et le bois. Depuis son
élection en 2009, le Président de la République Ali BONGO ODIMBA mène une
politique de développement de l’industrie, de l’environnement et des services ;
et depuis 2012 du littoral et de la mer. Cette politique appelée Plan
Stratégique Gabon Emergent (PSGE) repose sur 3 piliers fondamentaux : un
Gabon industriel, un Gabon vert et un Gabon des services. Le « Gabon
vert » en particulier, vise à préserver l’environnement en misant sur
un développement durable.
Au regard de cette perspective, une diversification de
l'économie aurait pour but le passage d'une économie de rente à une économie
diversifiée plus forte et indépendante où la production et la créativité sont
des éléments importants. Les autorités du pays en accord avec les conclusions
du DSCRP (Document de Stratégie de croissance et de Réduction de la Pauvreté)
ont décidé d'axer cette diversification de l'économie vers une meilleure mise
en valeur du potentiel du pays dont les moteurs de la croissance devraient être
la forêt et l'environnement, les mines et les hydrocarbures, le tourisme, l'agriculture
et l'élevage, la pêche et l'aquaculture. Parmi ces moteurs, le tourisme
constitue une industrie très prometteuse et le Gabon regorge d’un énorme
potentiel naturel dont il peut se vanter. Cette forte potentialité des
ressources naturelles a conduit le pays à opter pour l’écotourisme.
Ceci dit, l’écotourisme est un tourisme responsable
mettant l’accent sur la préservation de la nature, l’écologie, la biodiversité,
ainsi que les cultures des communautés autochtones et locales, en vue d’un
développement durable.
Malheureusement, ce secteur d’activité n’est pas
encore développé alors qu’il serait capital pour l’économie Gabonaise. En
effet, depuis la création des 13 parcs nationaux en 2002, représentant environ 11% du
territoire, suivi de la mise en place récente d’un réseau de 20 Aires Marines
Protégées (AMP), dont 9 parcs marins
et
11 réserves aquatiques
en 2017, représentant 26% de l’espace aquatique, le Gabon n’a jusque-là
pas adopté une Stratégie Nationale du Tourisme Durable (SNTD),
intégrant les outils
essentiels lui permettant
de promouvoir une
politique éco touristique
à base communautaire.
En 2007, le Gouvernement a adopté la loi sur les parcs
nationaux (Loi 003/2007), mais celle-ci ne présente pas de manière claire,
l’approche participative par l’écotourisme communautaire, en vue de contribuer à
la gestion durable des parcs nationaux.
La création des 13 parcs nationaux est donc une innovation qui s’inscrit dans le processus
d’une diversification de l’économie nationale, au moyen du développement et de
la promotion du géo tourisme qui soutient et met en valeur une destination
selon son caractère géographique, son environnement, sa culture et son
patrimoine pour le bien de ses habitants. En s’appuyant sur le pilier «
Gabon vert » et afin de préserver cet environnement unique, le Gabon refuse
de développer un tourisme de masse pour s’orienter vers un tourisme de qualité
et vers l’écotourisme.
Le contexte et problématique
Dans ce XXIe siècle, empreint du paradigme de la
durabilité, développer l’écotourisme demeure dans certains contextes un
véritable challenge.
13 ans après la création de 13 parcs nationaux, le
Gabon ajuste sa politique en matière de tourisme. Ainsi, au bénéfice du nouveau
Décret (N°00236/MMIT/PR du 2 avril 2015), le Ministère en charge du Tourisme
est renforcé par un nouveau Service Technique (Service Ecotourisme), notamment
chargé :
·
De suivre la mise en
œuvre de la politique du Gouvernement en matière d’écotourisme ;
·
De suivre la mise
en œuvre de la stratégie de développement de l’industrie écotouristique ;
·
D’identifier les
atouts et les contraintes en matière d’écotourisme.
Malgré cette initiative, le pays reste marginal dans
la dynamique du tourisme qui est devenu l’une des premières industries
mondiales avec pas moins de 100.000 arrivées par an (89300 arrivées en 2009) en
dépit de son réel potentiel. Faute de quoi, le Gabon risquerait d’être comme ce
géant affamé assis sur un tas de vivres.
Néanmoins, le Gabon apparaît particulièrement bien
placé pour être en mesure de profiter de cet essor annoncé de l’industrie
mondiale du tourisme avec une stratégie de développement bien appuyée.
Au surplus, au cours d'un séminaire atelier régional
consacré à l'écotourisme, Monsieur Francesco Frangialli, Secrétaire Général de
l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), aura mentionné qu'en 1990,
l'écotourisme avait attiré 25 millions de touristes dans le monde entier.
Quinze ans plus tard, ce chiffre est monté à 808 millions, soit un taux de
croissance annuel moyen de 65%.
Ce secteur connaît aujourd'hui, tous pays confondus,
la plus forte croissance mondiale dans l'activité touristique
Les atouts du tourisme au Gabon
L’inventaire des atouts touristiques met en évidence
son potentiel concurrentiel dans ce secteur. Nous pouvons ainsi citer parmi ces
atouts :
· Un milieu naturel
propice avec une faune et une flore très riches, des paysages attrayants, des
côtes et berges à en couper le souffle et ses 13 parcs nationaux. Cela dit, l’originalité et la diversité des
produits touristiques est envisageable ;
·
L’existence d’infrastructures
d’hébergement, de restauration et de loisirs ;
·
Une culture diversifiée
et de nombreux sites historiques ;
· L’importance de
richesses économiques capables de générer un tourisme d’affaire ;
· Un environnement
politique stable ;
· Une population
hospitalière susceptible de supporter les contraintes de la présence des visiteurs.
Les difficultés
Malgré ces potentialités considérables, le Gabon a du
mal à valoriser ce que le bon Dieu lui a donné. La liste des difficultés est
longue pour ne citer que certains dont :
§ Des problèmes d’ordre infrastructurel : l’enclavement de certains sites touristiques
tels que Minkebe, Monts de Cristal et Ivindo, rend leur accès difficile du fait
du mauvais état du réseau routier. Pour y accéder, on est quelquefois amené à
emprunter l’hélicoptère, ce qui rend très couteux l’exploitation desdits sites.
Par
ailleurs, dans l’arrière-pays, de façon générale, se pose avec acuité le
problème d’hébergement et de restauration pour les touristes. En effet, les
capacités hôtelières et de restauration de nombreux sites sont insuffisantes et
le coût de la "destination Gabon" est très élevé sur le marché
international en termes de transport,
hébergement et restauration par rapport aux pays de la sous-région.
§ Des problèmes humains : Le Gabon souffre d’une insuffisance en main d’œuvre
qualifiée dans le secteur touristique. Les agents bien
qu’adaptés aux réalités du terrain, rencontrent toutefois des difficultés dans
la réalisation de leur mission. En effet, ces difficultés sont liées aux
intempéries, l’insuffisance des équipements, l’inaccessibilité au réseau, le
budget alloué au site et aux missions semble restreint, et bien entendu les
conflits avec les populations environnantes. Le matériel logistique en lui-même
est une difficulté majeure car n’ayant pas assez d’engins de déplacements dans
certains parcs tels que l’Ivindo.
Par
ailleurs, le braconnage est le principal problème des agents du parc. Ils ont
du mal à maîtriser certaines zones à cause de la non limitation de celles-ci.
Les villageois en profitent donc pour pratiquer la chasse, ce qui menace la
survie des espèces protégées. Les
produits de cette chasse sont réservés à la consommation familiale et ou à la
vente. Ce qui enrichi l’alimentation des populations locales en protéines
animales et augmente leur pouvoir d’achat et leur qualité de vie. Chaque
année, plusieurs braconniers sont saisis dans l’enceinte des parcs et subissent
des sanctions selon les articles 58, 60 et 61 de la loi n°003/2007 du 27 août
2007 relative aux parcs nationaux ;
§ Des problèmes environnementaux : le milieu naturel est souvent hostile.
L’immense et épais couvert végétal rend quelques fois difficile l’observation
des espèces animales ainsi que les déplacements dans la forêt ;
§ Les problèmes politiques : la mise en place d’une politique de
développement du tourisme est assez timide ; la valorisation des littoraux
est toujours attendue à l’instar de la réalisation de la Marina de Libreville
qui semble être rangée au tiroir.
Les freins au
développement du secteur touristique sont nombreux et pourtant ce secteur
présente de nombreuses opportunités économiques et sociales.
Les enjeux
L’écotourisme est
un secteur générateur d’emplois. En effet, la valorisation du tourisme
au Gabon entraînera la création de milliers d’emplois directs et indirects
(notamment dans les secteurs de la restauration, transport, hébergement etc.) ;
ce qui peut contribuer à faire reculer la pauvreté au Gabon. Cet enjeu s’inscrit
dans le cadre du développement durable. Aussi, la mise en valeur des sites
touristiques favorisera la dynamisation du tissu économique local, soit une ouverture
du marché artisanal local au monde extérieur, et l’aménagement desdites régions
(construction des routes, des unités médicales, des écoles, structures
d’hébergement et de restauration, des unités de gendarmerie et administratives).
De plus, une intensification de l’activité touristique favoriserait le
développement d’autres secteurs d’activité tels que le transport, l’assurance,
la communication, l’artisanat, ce qui mettrait fin à la dépendance pétrolière
de l’économie.
Le Gabon de 2025, un espace de cohésion et de partage,
où les citoyens s’approprient de la durabilité et renforcent leurs capacités,
pour faire de l’écotourisme un moteur de croissance économique et une source de
bien-être, tant en préservant la qualité des écosystèmes, qu’en adaptant les
usages au changement climatique et le respect des instruments juridiques
nationaux et internationaux.
Les pistes de solutions
Au regard de toutes les difficultés et insuffisances
relevées au cours de notre analyse sur l’état des lieux de l’éco tourisme au
Gabon, quelques pistes de solutions sont à prendre en compte afin de pouvoir
répondre aux besoins du marché mondial du tourisme :
Ø Développer une image mondiale de qualité autour du Gabon
Vert. Il serait important de vendre d’avantage le Gabon en tant que
destination écotouristique en développant les moyens de communication, à
travers la diversification de sa publicité. Par exemple, on pourrait créer des
sites web pour chaque parc national dans lequel seront publiés non seulement
ses atouts, mais aussi créer des espaces de commentaires pour permettre aux
touristes de donner leurs appréciations afin d’attirer la curiosité de ceux qui
n’ont jamais tenté l’aventure. Des vidéos d’excursions pourront être publiées
pour que les autres aient un avant-goût de l’expérience qui les attend. Aussi,
faire des spots télévisés et créer des
prospectus qui pourraient être exposés dans les aéroports, les gares
ferroviaires, les agences de voyages terrestres et aériens. Ainsi, le plus
grand nombre de la cible serait atteint ;
Ø L’Etat devrait encourager les opérateurs touristiques
à développer leurs activités à travers le pays. La création des agences
touristiques, des compagnies de transport spécialement touristiques, des structures
d’accueil hôtelières dans le parc national serait favorable dans la mesure où
les touristes seront pris en charge depuis leur arrivée sur le sol gabonais
jusqu’à la fin de leur séjour ;
Ø Maximiser dans la formation des différentes filières
du tourisme pour assurer la qualité du personnel: renforcer les compétences en
ingénierie touristique et marketing, introduire le tourisme dans le programme
de toutes les écoles ;
Ø L’aménagement des sites et le développement de leurs
voies d’accès ;
Ø En ce qui concerne les loisirs, les activités dans les
différents parcs doivent en effet faire office d’un programme d’éco tourisme
conçu pour les adeptes de la nature
Ø Développer significativement les investissements en
hébergement de qualité ;
Ø Accroitre la promotion de la destination Gabon sur les
principaux marchés émetteurs de tourisme d’affaires et d’écotourisme : la
préservation et à l’utilisation durable des ressources naturelles ;
Ø Développer l’accès au Gabon au meilleur coût à travers
une offre aérienne compétitive et renforcer les services d’accueil.
Le tourisme reste encore un secteur marginalisé dans
l’économie gabonaise mais dispose pourtant d’atouts pour devenir un secteur
économique phare. S’il est concrètement planifié et géré, l’écotourisme peut constituer une
importante source d’avantages économiques, aussi bien pour le gouvernement que
pour les chefs d’entreprises privées et les collectivités locales. Il
est aussi un instrument efficace pour la préservation
du patrimoine naturel et culturel. C’est un secteur qui présente à la fois
l’avantage de générer des emplois, donc de participer à la lutte contre le
chômage, et de soutenir le budget de l’Etat.
Toutefois, l’analyse
de la société gabonaise laisse
entrevoir plusieurs faiblesses
(à la fois économiques, environnementales,
politiques et sociales) qui suscitent des interrogations sur les fondements de
ces nouvelles stratégies et leur fiabilité. La pauvreté observée dans certaines
zones périphériques aux parcs nationaux censés
être utilisées comme
zones de développement de
l’écotourisme, les lenteurs administratives, les conflits homme-faune, le
manque de cohésion entre les différents acteurs locaux, les promesses de
réalisations ne respectant pas toujours les délais, laissent perplexes les
habitants qui vivent dans des conditions sociales difficiles.
Par ailleurs, la pesanteur des mentalités héritées de
« l’argent facile » dû aux ressources pétrolières n’encourage pas les habitants
locaux à s’investir dans la recherche d’autres moyens de développement, ce qui limite
les perspectives de développement de l’écotourisme.
Par Ingrid NZIGOU,
Consultante en Écotourisme et
Gestion de l'Environnement
Super article 👏👏
RépondreSupprimerMerci de votre lecture
RépondreSupprimerCool mais il manque les atouts
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