Au Sahel, les pasteurs s'aident de satellites pour rechercher de l'eau
Dans
la région de Gao, au nord du Mali, Adoum regarde son téléphone. Il est temps
d'aller à la recherche de pâturages plus verts pour son troupeau. Il
a quelques idées en tête, mais il lui faut d'abord rassembler plus
d'informations avant de se lancer dans un voyage de plusieurs semaines.
Au
Sahel, le changement climatique s'est traduit par des périodes de sécheresse
plus fréquentes et plus longues qui menacent la capacité de
résistance des éleveurs de bétail nomades comme Adoum. Les
points d'eau douce sont rares pendant la saison sèche et de nombreux animaux
risquent de mourir avant d'atteindre la prochaine oasis.
En
cas de sécheresse, les éleveurs parcourent plusieurs centaines, voire
plusieurs milliers de kilomètres, avant de trouver un point d’eau adéquat,
offrant suffisamment d’eau et de végétation pour répondre aux besoins des
nombreux troupeaux qui y sont rassemblés.
«
Afin de décider où se rendre, les pasteurs paient généralement un
émissaire qui vérifié la région qu'ils ont en tête pour leur prochaine
destination et ce dernier leur fait un rapport de la situation.
Quelques jours au mieux sont nécessaires pour obtenir les
informations en moto, plusieurs semaines si le voyage est entrepris à dos de
chameau. C'est coûteux, lent et risqué », déclare Abdoul Aziz Ag Alwaly,
responsable des programmes de l'organisation non gouvernementale locale
TASSAGHT, qui travaille avec les pasteurs du Sahel. Il est également membre
fondateur du Réseau africain des pasteurs Bilital Maroobé.
Mais
grâce aux images satellitaires, les informations sur la couverture en eau
et en végétation sont disponibles en temps réel, ce qui représente un avantage
considérable pour les éleveurs, leur permettant d'économiser du temps, de
l'argent et, potentiellement, leur bétail.
Grâce
aux téléphones mobiles, cette information se trouve littéralement au bout
de leurs doigts. Adoum est l'un des 21 000 pasteurs utilisant le service
de téléphonie mobile Garbal qui leur permet de trouver des informations
sur les meilleures conditions pour déplacer leur troupeau. Garbal, un
service privé exploité par la société de télécommunications Orange Mali, a été
créé par le projet STAMP (adaptation technologique durable pour les pasteurs
maliens) en novembre 2017. Il vise à améliorer la résistance des pasteurs
au changement climatique grâce à l'accès et à l'utilisation de données
satellitaires.
Photo : SNV |
Téléphones, satellites et connaissances locales
Pour
accéder au service, les utilisateurs se connectent par téléphone à un centre
d'appels ou envoient une demande numérique à une base de données moyennant de
petits frais supplémentaires et reçoivent des informations telles que
la disponibilité des eaux de surface dans une zone choisie, la disponibilité et
la qualité de la biomasse, la concentration du bétail et les prix des
céréales et du bétail sur les marchés locaux.
Cependant,
les images satellite étant souvent incomplètes, le projet multipartenaire
financé par le gouvernement des Pays-Bas et exécuté par la SNV (organisation
néerlandaise de développement) a ancré la vérification des informations dans
les communautés, en invitant les villageois à vérifier la qualité et la
pertinence des informations fournies par les satellites. Par exemple, une
source d'eau qui apparaît sur la carte après les précipitations peut disparaître
après quelques jours, c'est à dire moins de temps que cela ne
prendrait un pasteur pour s'y rendre.
Le
projet d’adaptation technologique durable des pasteurs maliens n’est pas
un partenariat public-privé typique. C’est une entreprise commune entre le
gouvernement, une multinationale et une organisation locale.
Le
projet est financé par l'Agence spatiale néerlandaise par le biais de la
facilité Géodonnées pour l'agriculture et l'eau. Les Pays-Bas, via Hoefsloot
Spatial Solutions, fournissent les images satellite, Orange Mali gère le centre
d'appels et TASSAGHT, avec son équipe de pasteurs locaux, collecte et envoie
des informations actualisées pour compléter les données provenant de l'espace.
Photo : SNV |
«
Nous avons travaillé avec les dirigeants des communautés pour sélectionner
quelques personnes par site, puis nous les avons formées à la manière de
collecter des données puis de nous les envoyer pour validation avant de
les transmettre aux personnes du centre d’appels Orange Mali », explique
Alwaly.
«
Nous avons invité certains de ces pasteurs pour une formation à Bamako.
Certains d'entre eux n'étaient jamais allés dans la capitale. ils se sentaient
comme des pionniers marchant sur un territoire inexploré, découvrant de
nouvelles technologies », déclare Catherine Le Côme, coordinatrice du projet
Adaptation technologique durable pour les pasteurs maliens de la SNV Pays-Bas.
« Cela a été absolument incroyable de faire collaborer des personnes si
différentes pour atteindre un objectif commun. »
Lancé
à Gao il y a un an, le service Garbal a rencontré un vif succès : 98% des
utilisateurs sont satisfaits ou très satisfaits du service et 97,6%
saluent l'exactitude des informations.
«
La première phase du projet s'est achevée en décembre 2018, mais compte tenu de
son succès, nous cherchons maintenant à étendre le service à d'autres régions
du Mali et au-delà, puis ajouter des services pertinents pour les
pasteurs, tels que des conseils dans le domaine de la santé animale
et des produits financiers numériques. »
«
La pénurie d’eau est l’un des problèmes les plus pressants auxquels nous sommes
confrontés aujourd’hui. Assurer l’accès à des sources d’eau abondantes, sûres
et propres est un défi de taille, en particulier dans les environnements arides
et semi-arides », affirme Lis Mullin Bernhardt, experte en eau douce à ONU
Environnement. « Des projets comme celui-ci complètent parfaitement les travaux
d’ONU Environnement sur la gestion des écosystèmes d’eau douce et l’aide
aux communautés touchées par de graves sécheresses. En outre, nous considérons
que l'imagerie par satellite est un outil puissant pour aider les pays à
surveiller et à mettre en œuvre les objectifs de développement durable (ODD),
notamment en utilisant les observations de la Terre dans le contexte de
l'objectif 6 lié à l'eau. »
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Source: UNenvironment
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