L’Afrique face aux ordures
AGM - Alors que l’Afrique reçoit déjà des déchets en provenance d’occident, le continent semble dépassé par les montagnes d'ordures qui ne cessent de croître devant ce qui paraît être une impuissance.
Que constate-t-on?
Le constat est
flagrant, particulièrement dans les capitales et autres grandes villes du
continent africain. Les décharges publiques sont saturées, regorgeant de
milliers de tonnes de déchets plastiques. Ces déchets dégagent des odeurs
nauséabondes, des fumées et particules toxiques, et exposent les populations à
toutes sortes de maladies, touchant généralement les plus démunis. C’est d’autant
plus inquiétant lorsqu’on sait que beaucoup de familles y affluent
quotidiennement dans l’espoir de trouver des vivres, aliments ou autres.
Les océans et les zones rurales ne sont pas épargnés, au plus grand malheur des pécheurs et autres éleveurs, ainsi que de celui des autres populations locales. Hama Abdoulaye, berger nigérien vivant près de Niamey s’indigne : « Ces sachet (en plastique) sont de vrais assassins (…) ils tuent nos animaux à petit feu lorsqu’ils broutent l’herbe mêlée aux plastiques ». Chaque année, environ 300 millions de tonnes de déchets plastiques sont produites dans le monde, dont 11 millions sont déversés dans les océans. Mais concernant l’Afrique, « le manque de statistiques (…) est un obstacle majeur ».
Mais d’où viennent tous ces déchets ? Est-ce véritablement les seules populations africaines qui les produisent ?
La réponse est non. L’Afrique est depuis bien longtemps la destination finale de nombreux produits toxiques, tels que les batteries ou les composants électriques et électroniques usagés, venus des autres continents.
Suivant une étude[1],
en 2019, 9,3 Mt de DEEE ont été officiellement enregistrés comme collectés et
recyclés, soit 17,4% de la quantité totale de DEEE produits. C'est 1,8 Mt de
plus qu'en 2014, ce qui représente une croissance annuelle de presque 0,4 Mt.
Or, la quantité totale de DEEE produits a augmenté de 9,2 Mt, soit une
croissance annuelle de presque 2 Mt. En Afrique selon la même étude 2,9 Mt ont été
produites soit 2,5 kg de DEEE par habitant.
Deviendra-t-elle aussi désormais la destination privilégiée des déchets plastiques ?
En 2018, la Chine et plusieurs autres états ont pris la décision d’interdire l’importation des déchets plastique. Ne faut-il pas redouter un revirement vers le continent africain ? Ne chercheront-ils pas à s’en débarrasser comme c’est déjà le cas pour d’autres types de déchets comme c’est le cas au Ghana et au Nigéria ? « Il n'y a pas de doute, si rien n'est fait dans quelques années, l'Afrique va être une véritable poubelle des sacs et déchets plastiques » c’est ce qu’affirme Ousmane Danbadji, dirigeant de l’ONG Réseau Nigérien pour l’Eau et l’Assainissement.
C’est autour de ces questions que discuteront les pays africains lors de la cinquième session de l'Assemblée des Nations pour l'environnement (UNEA-5) qui se tiendra du 28 février au 2 mars à Nairobi, au Kenya.
Depuis le début des
années 2000, plusieurs états d’Afrique subsaharienne ont adopté des lois interdisant
la production, l’importation, la commercialisation, l’utilisation et le
stockage des sachets et des emballages en plastique. Seulement ces lois sont
souvent ignorées, sinon mal appliquées « nous ne pouvons rien faire contre la prolifération (des déchets
plastiques), car les politiques ne s'engagent pas véritablement dans la lutte » déplore Ousmane Danbadji.
Certains pays comme l'Afrique du Sud et le Kenya, dans lesquels des solutions de recyclage sont déjà établies, la situation actuelle ne pose pas beaucoup de problèmes. Au contraire, en Afrique du Sud où le taux de chômage des jeunes est de 65%, le recyclage des matières plastiques est un secteur d'avenir, et emploie actuellement à peu près 65.000 personnes.
De ce fait, Barbara
Creecy, Ministre sud-africaine de l'Environnement, semble être d'avis de
traiter le sujet avec modération, déclarant que tout accord international doit
prendre en compte les responsabilités et capacités de chaque pays « à la lumière des circonstances nationales ».
Et de même pour les institutions de recyclage, l'importation de déchets
plastiques en Afrique ne représente pas un problème, pourvu qu'ils soient
initialement bien triés et classés, car « le recyclage participe à la création d'emplois et protège
l'environnement », comme l'assure Richard Kainika, Secrétaire général
de l'Association des recycleurs de déchets du Kenya.
Certains états en
effets, se mobilisent pour pallier au problème en attente d'une décision
définitive. À Abidjan, en collaboration avec l'Unesco et une entreprise privée
colombienne, une usine de recyclage a vu le jour en 2020 ayant pour but la
transformation, pour la construction de centaines d'écoles dans la capitale
ivoirienne.
Les déchets plastiques
feront-ils donc de l'Afrique "la poubelle du monde", ou représentent-ils
au contraire une mine d'or pour le continent africain avec l'essor du recyclage
?
Princesse PAMOUANDE
[1] Forti
V., Baldé C.P., Kuehr R. et Bel G. Suivi des déchets d'équipements électriques et
électroniques à l'échelle mondiale pour 2020: quantités, flux et possibilités offertes
par l'économie circulaire. Université des Nations Unies (UNU)/Institut des
Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) – Programme SCYCLE
co-administré par l'Union internationale des télécommunications (UIT) et l'Association
internationale des déchets solides (ISWA), Bonn/Genève/Rotterdam
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