COP COMBIEN, DEJA ?
Par Alexis Jenni
Alors que s’est
ouverte la COP26 à Glasgow, Alexis Jenni s’inquiète du manque de contraintes
liées aux engagements pris dans ces conférences et de la persistance des
tricheries et des contournements pour éviter de les respecter.
Alexis Jenni, Ecrivain |
Tiens, voilà une
COP qui passe, elle vient de commencer. Quel numéro déjà ? Ah, 26. La COP26, donc, on s’y perd un peu. Remarquez, quand on en rate
une, on prend la suivante, c’est comme le métro. Sauf si c’est la dernière bien
sûr, et là on dit que c’est la dernière, que là tout se joue, après c’est
grille-pain pour tout le monde. Le JDD avait fait une belle
une le week-end d’avant : « Ils ont vingt jours pour sauver climat », avec
une photo de neuf dirigeants prise au G7 de juin dernier, en groupe mais avec
des distanciations, on croirait des super-héros qui posent avant l’action.
Laurent Fabius,
qui avait présidé la COP21, celle où avait été signé le traité de Paris par 195
pays, qu’il avait conclue d’un coup de marteau en disant « C’est un
petit marteau, mais je pense qu’il peut faire de grandes choses ! », déclare
que « de nombreux États doivent désormais passer à l’action ». Quelle
action ? Ce n’est pas très clair, il semblerait que ce soit de prendre des
engagements à faire quelque chose. C’était ça, la COP21, les 195 pays
rassemblés s’étaient engagés à faire baisser leurs émissions de façon
considérable. Tout le monde s’y était mis en des enchères fiévreuses, et le
coup de marteau du président avait déclenché une longue et bruyante ovation.
Je ne voudrais
pas être trop négatif, c’était bien de rassembler 195 pays, et de leur faire
signer un document, j’aimerais voir la page de signatures, ça doit être très
beau. Mais l’accord ne prévoyait aucune évaluation, et aucune sanction si les
promesses n’étaient pas tenues. C’était un accord sans douleur, avec
l’assurance qu’on n’y regarderait pas de trop près. Alors on signe, et on
applaudit. Demander d’autres engagements ? On peut. On parle aussi de
sensibiliser les enfants, d’informer, de conscientiser, comme si on n’en avait
pas assez de conscience, comme si on ne savait pas. On en est au point où
l’angoisse climatique devient un trouble répertorié chez les jeunes gens. Il
s’agirait de convaincre les climatosceptiques ? Mais il n’y a pas de
climatosceptiques, il n’y a que des managers indifférents et des lobbyistes,
qui continuent comme d’habitude parce qu’on ne va pas arrêter l’économie.
On sait que pour
agir vraiment, hors les mots, il faut transformer l’économie, donc dans un
premier temps la brider, et aucun État ne veut brider la sienne, aucune
entreprise ne veut se brider car cela la mettrait en difficulté si les autres
ne le font pas en même temps. On bricole.
On se souvient
du système de contournement des normes appliquées au diesel, ce logiciel qui
faisait tourner les moteurs d’une certaine façon dans les conditions du test,
de façon qu’ils respectent les normes. C’était prodigieusement habile et
prodigieusement malhonnête.
En octobre 2020,
on apprend que Total a œuvré pour le climatoscepticisme, avec d’autres
compagnies, Mobil, BP, Shell. En 1971, une revue interne publie un article qui
dit tout de l’évolution climatique : l’utilisation des combustibles fossiles
mène à une augmentation de température, la fonte des glaces, des conséquences
catastrophiques. Tout est dit. Et puis silence, et dès les années 1980,
contre-attaque. Total et les autres alimentent une stratégie du doute en finançant
les études qui minimisent le changement climatique. Le but explicite est de
contrer les « décisions hâtives », et empêcher l’adoption de toute mesure
dommageable à l’industrie. En même temps, l’entreprise se présente comme verte
en plantant quelques arbres. Total va bien, augmente même sa production de gaz.
Ils ne sont pas les seuls.
L’Arctique qui
fond aiguise les appétits, on explore, on prospecte, et on fore partout, 600
sites déjà, on commence à pomper dans ces zones fragiles qu’une marée noire
dévasterait, et qui participent à la régulation du climat mondial. On prétend
que c’est mieux que le charbon, et la production augmente.
C’est risqué,
c’est cher, les conditions y sont très rudes, cela nécessite des financements
et des assurances. Malgré des engagements des banques à ne pas financer les
projets pétrogaziers en Arctique, ils le sont grâce à des arguties. En
utilisant des définitions de l’Arctique restrictives qui excluent les zones de
prospection, ou refusant de financer une entreprise qui produit plus de 30 % de
son pétrole et gaz en Arctique, ce qu’aucune de ces multinationales ne fait.
Les activités
économiques sont tout à fait compatibles avec des engagements écologiques
forts, mais, avec un peu de mauvaise foi, c’est aux dépens de l’écologie.
La COP26 ? On ne
craint rien, on a des super-héros aux commandes, ils ont vingt jours.
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