Tourisme: Au Honduras, les Garifunas luttent contre la convoitise de groupes hôteliers
El Triunfo
de la Cruz (Honduras) (AFP)
Des plages paradisiaques bordées de palmiers sur la côte
caraïbe du Honduras sont convoitées par des groupes hôteliers internationaux
avec le soutien du gouvernement. Mais leurs projets se heurtent à l'opposition
farouche de la communauté garifuna qui voit menacé son mode de vie ancestral.
A Triunfo de la Cruz, à quelques encablures de la petite ville
touristique de Puerto de Tela (à environ 220 km au nord de la capitale
Tegucigalpa), quelque 10.000 Garifunas, descendants d'esclaves africains naufragés
au XVIIe siècle mêlés aux indigènes caraïbes, vivent de la pêche et de
l'agriculture.
"Ici, nous luttons à mort" contre "ceux qui
veulent voler nos terres", prévient Santos Centeno, un pêcheur de Triunfo
de la Cruz.
Les Garifunas ont connu un premier succès en obtenant l'arrêt
du projet d'hôtel Las Villas, porté par des investisseurs espagnols.
L'opposition se concentre à présent sur un projet d'extension
du complexe hôtelier Indura Beach & Golf Resort, à Tornabé, commercialisé
par le groupe américain Hilton sous la marque d'établissements haut de gamme
Curio Collection.
Selon Edgardo Benedit, un dirigeant de la communauté, les
Garifunas de Triunfo de la Cruz vivent dans une angoisse perpétuelle depuis des
décennies car le gouvernement, la municipalité de Tela et les investisseurs
semblent déterminer à poursuivre leurs projets touristiques.
Sur les plages de sable blanc bordant la mer caraïbe aux eaux
allant du turquoise au bleu marine, la tension est montée d'un cran le 18
juillet, lorsque quatre membres de la communauté ont été enlevés par des hommes
vêtus d'uniformes de policiers.
Le président du Comité de défense des terres et les trois
autres hommes ne sont pas réapparus depuis lors. La communauté y voit la main
du gouvernement... ou de narcotrafiquants recrutés pour l'occasion.
- Patrimoine de l'Unesco -
Pourtant, les Garifunas de Triunfo de la Cruz bénéficient
théoriquement de la protection de la Cour interaméricaine des droits de l'homme
(CIDH), qui a ordonné en 2015 aux autorités de "délimiter les terres"
de la communauté et de délivrer aux Garifunas un titre de propriété
"collectif".
Mais la décision est restée lettre morte.
Cette fois, la CIDH a exigé de l'Etat hondurien "qu'il
adopte toutes les mesures nécessaires et pertinentes pour localiser les
disparus".
Pour le pasteur évangélique Omar Guzman, frère de l'un des
disparus, Suami Mejia, il ne fait aucun doute que l'enlèvement a été mené sur
l'ordre des autorités. Une douzaine d'hommes en uniforme de policiers ont
menotté son frère avant de l'emmener, assure-t-il à l'AFP.
Edgardo Benedit dénonce de son côté la diffusion de photos
d'Albert Centeno avec des armes par le gouvernement, qui a fait courir des
bruits diffamatoires sur son implication supposée avec le trafic de drogue afin
de le discréditer.
La presse locale, elle aussi, a insinué que l'enlèvement
serait lié au trafic de drogue.
Les Garifunas, présents au Honduras, au Nicaragua, au Belize
et au Guatemala sont réputés pour leur musique à base de tambours, leurs danses
et leur art dans l’accommodement des fruits de mer. Des membres de la
communauté ont aussi brillé sur les terrains de football.
En 2011, le Honduras comptait un total de 200.000 Garifunas,
selon l'ONG Organisation fraternelle noire.
Dès 2001, l'Unesco a même déclaré la langue, la danse et la
musique du peuple garifuna comme Patrimoine immatériel de l'humanité en
espérant protéger ainsi son mode de vie, ses us et ses coutumes.
Mais rien n'y fait: pour Edgardo Benedit, les persécutions et
les menaces contre les dirigeants de la communauté, à Triunfo de la Cruz et
ailleurs, font partie d'une "stratégie" pour les déloger.
Le Honduras est considéré par des organisations
internationales comme l'un des pays les plus dangereux du monde pour les
défenseurs des droits de l'homme et de la terre.
En mars 2016 a ainsi été assassinée Berta Caceres, de l'ethnie
lenca, dirigeante emblématique pour la défense des peuples autochtones qui
luttait contre un projet d'un barrage hydroélectrique sur un territoire
indigène. Sept hommes, accusés d'avoir participé à l'assassinat, ont été
condamnés à des peines allant jusqu'à 50 ans de prison.
© 2020 AFP
AGM
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