Dossier/Santé : Les règles… revers environnementaux et sociaux - Africa Green Magazine

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Dossier/Santé : Les règles… revers environnementaux et sociaux

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Dossier/Santé : Les règles… revers environnementaux et sociaux


Les saignements mensuels chez les femmes, aussi appelés menstrues ou règles, sont souvent source de stress pour elles à toutes âges. Le stress va des sensations douloureuses et d’inconfort (effets clinique), en passant par l’incapacité à se procurer des protections intimes adéquates, à la stigmatisation sociale ou encore l’incidence environnementale que ce phénomène naturel occasionne.

Il arrive un moment dans la vie d’une fille où elle commence à avoir ses règles, signe de sa maturité reproductive. Son corps déjà changeant (puberté) lui crée déjà de l’inconfort et lorsque ces saignements commencent, plusieurs ne savent pas toujours comment s’y prendre. En 2019, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), estime à 2,3 milliard de femmes âgées entre 15 et 69 ans qui doivent quotidiennement vivre avec les inconvénients des menstruations dans le monde.

Santé menstruelle


En moyenne, cette période s’étend de 3 à 7 jours. Avant, pendant et après les règles, les symptômes physiques normaux des menstruations que les femmes peuvent ressentir inclus : les seins sensibles, des ballonnements, la rétention d’eau, des douleurs musculaires, des douleurs articulaires, des maux de tête, de l’acné, des crampes abdominales, de la diarrhée ou constipation, des douleurs au bas du dos, des difficultés à dormir ou encore le manque d’énergie/fatigue.
Outres ces symptômes dites normales, les principales anomalies du cycle menstruel sont :
  • Aménorrhée (l’absence de règles) : L'aménorrhée est l’absence de menstruations chez une femme en âge de procréer. De 2 % à 5 % des femmes seraient touchées par l’aménorrhée. Il s’agit d’un symptôme dont il est important de connaître la cause si les menstrues surviennent en hors période de grossesse, d’allaitement ou à l’approche de la ménopause.
  • Dysménorrhée (les règles douloureuse) : Les douleurs menstruelles touchent de 50 % à 80 % des femmes fécondes, selon le groupe d’âge. De ce nombre, de 5 % à 15 % des femmes sont suffisamment incommodées pour devoir modifier leurs activités quotidiennes (repos forcé, absentéisme scolaire ou professionnel).
  • Endométriose : L’endométriose est une maladie gynécologique causée par la présence de cellules de l'endomètre en-dehors de l'utérus. L’endométriose est une maladie chronique qui touche 5 à 20% des femmes en âge de procréer, et 40% des femmes se plaignant de douleurs dans bas du ventre. La maladie peut être asymptomatique mais elle peut aussi causer des douleurs gynécologiques ponctuelles ou chroniques, et entraîner une infertilité ;
  • Fibromes utérins : Les fibromes utérins sont des tumeurs bénignes (non cancéreuses) situées sur la paroi de l’utérus, de façon isolée ou en groupe. Aussi appelés myomes, méiomyomes ou fibromyomes utérins, les fibromes apparaissent généralement chez les femmes après l’âge de 30 ans. Leur taille peut varier de la grosseur d’un pois à celle d’un pamplemousse, voire davantage. Dans la majorité des cas, les fibromes n’entraînent aucun symptôme mais ils peuvent parfois être très gênants et provoquer des saignements menstruels abondants, toutes sortes de douleurs et des envies fréquentes d’uriner. De plus, les fibromes occasionnent parfois des problèmes de fertilité.
  • Ménorragie (règles trop abondantes) : Les femmes atteintes d’hyperménorrhées correspondent à des menstruations anormalement abondantes et prolongées. Il s’agit du trouble menstruel le plus fréquemment rapporté par les femmes. En moyenne un la quantité de sang normalement perdu durant les menstruations est de 2 oz (4 c. à soupe) sur 3 à 7 jours contre 3 oz (6 c. à soupe) ou davantage sur parfois plus de 7 jours. Les ménorragies sont parfois accompagnées de douleurs abdominales altérant la qualité de vie des femmes qui en souffrent. Dans certains cas, elle peut être responsable d’une anémie. 

Incidence sociale


Dans plusieurs régions du monde, les menstruations sont considérées comme tabou basé sur certaines croyances culturelles ou religieuses. Dans plusieurs pays d’Afrique par exemple, reporté par l’UNICEF, les femmes sont considérées comme impures, souillées, pendant leurs menstruations. La sanction sociale peut aller de l’interdiction de toucher de la nourriture, le linge, ou les autres personnes, à l’exile.

De plus, selon une étude de l'OMS, le fait d'avoir leurs règles fait de nombreuses jeunes femmes et filles dans le monde entier des cibles de la violence sexuelle. Par ailleurs, "les complications de la grossesse et de l'accouchement sont la principale cause de décès chez les jeunes femmes de 15 à 19 ans au monde", déclare le Dr Flavia Bustreo, Sous-Directeur général de l'OMS chargé de la santé de la famille, des femmes et des enfants.

Selon l’UNESCO, au niveau mondial, 2,3 milliards de personnes ne disposent pas de services sanitaires de base et dans les pays les moins développés, seuls 27 % de la population disposent d'une installation de lavage des mains avec de l'eau et du savon à domicile. La gestion des règles à la maison est un défi majeur pour les femmes et les adolescentes qui ne disposent pas de ces installations de base à la maison.

Les pratiques d'élimination sont souvent influencées par des normes et des tabous socioculturels profondément ancrés. Les femmes jettent souvent les protections intimes dans des espaces ouverts déserts ou dans des latrines, ou encore avec le système habituel d'élimination des déchets.

Au Malawi, en l'absence de poubelles, les femmes gardent leurs serviettes/vêtements usagés avec elles, sous leur lit. "Au Swaziland, plus de la moitié des filles brûlent leurs serviettes ou les jettent dans les toilettes car elles pensent que c'est la seule façon d'éliminer toute trace de sang menstruel et de les aider à conserver leur intégrité", explique Ndumiso Cyprian Magagula, Inspecteur de l'environnement - gestion des déchets, Autorité environnementale d'Eswatini, au Swaziland.

Incidence occupationnelle


Un rapport de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) datant de 2014, indique qu’en Afrique subsaharienne, une fille sur dix ne va pas à l’école pendant son cycle menstruel, ce qui correspond, d’après certaines estimations, à 20 % du temps scolaire perdu sur une année. D’autres filles abandonnent complètement l’école lorsqu’elles commencent leurs règles.

"Les faibles infrastructures hydrauliques, sanitaires et d'hygiène pour filles, de même que le manque de dispositifs de collecte de protection intimes, rendent difficile pour les filles de gérer leur cycle menstruel, ce qui les soumet à l'anxiété et au stress", explique Martha Naigaga, coordinatrice de l'assainissement au ministère de l'eau et de l'environnement en Ouganda. En effet, dans une étude de l’UNICEF, plusieurs élèves dans les pays en développement déclarent ne pas avoir de lieu où changer leurs protections intimes.

D’autre part, la moitié de la population mondiale est composée de femmes, dont une grande partie travaille. Les symptômes physiques font vivre à certaines femmes des moments particulièrement difficiles. Et si certains métiers permettent de la flexibilité, d’autres demandent un engagement physique ou une position debout prolongée qui peuvent rapidement faire vivre un cauchemar à ces dernières.

Certaines études démontrent qu’il y a un lien entre la performance au travail des femmes et leurs règles. C’est un moment pendant lequel les femmes sont contraintes de ralentir et les variations d’hormones peuvent impacter le comportement de certaines femmes pendant cette période. Les résultats de ces études ont influencé la discrimination à l’embauche, les conditions de travail ou encore le traitement salarial.   

Incidence économique


En 2018, la valeur du marché mondial des serviettes hygiéniques s'élevait à 20,5 milliards de dollars américains et devrait atteindre environ 28 milliards de dollars d'ici 2022 (Statistica.com). Malgré ces chiffres, l’OMS rapporte que dans le monde, environ 100 millions de jeunes n'ont pas accès à des protections menstruelles adéquates. En France par exemple, 1,7 millions de femmes manquent de moyen pour se procurer des protections intimes (Les serviettes hygiéniques jetables et réutilisable, les protège-dessous, les tampons, la coupe menstruelle). Cette situation est appelé « précarité menstruelle ».

Une étude effectuée en Grande Bretagne dévoile qu’en moyenne les Anglaises dépensent au cours de leur vie à cause de leurs menstruations environ 18 000 £, soit 23 500 €. Ce chiffre prend en compte en plus du coût des protections hygiéniques, des antidouleurs, des grignotages que les femmes achètent pendant leurs règles, les sous-vêtements neufs achetés à cause de fuites... Cette même étude indique que s’il s’agit uniquement de protections hygiéniques, le coût s’élèverait à 8 100 €.

Incidence environnementale


Le plastique fait partie intégrante de la vie moderne et les protections hygiéniques n'y font pas exception. Depuis le milieu du 20e siècle, de nombreux tampons et serviettes hygiéniques contiennent entre un peu et beaucoup de plastique dans leur conception de base. Déterminer la quantité de déchets plastiques provenant des protections hygiéniques est difficile, en partie parce qu'elles sont considérées comme des déchets médicaux et n’ont pas besoin d’être suivies, et également parce que très peu de recherches se sont intéressées à l'ampleur du phénomène. Par conséquent, les protections intimes finissent soit dans des poubelles traitées au même titre que les déchets domestique ou dans les toilettes avec pour risque de les retrouver dans les océans.

Du fait que ces protections intimes soient à usage unique et ainsi produit en grande quantité, ce sont chaque année, plus de 45 milliards de serviettes hygiéniques qui sont jetées dans le monde. Il faudrait 500 à 800 ans à ces produits hygiéniques pour se dégrader, c'est-à-dire autant qu'une bouteille en plastique. Ce qui fait de l'industrie des protections hygiéniques l'une des plus polluantes au monde, selon Greenpeace. Selon la marque Natracare, chaque année, rien qu’en Grande-Bretagne, ils ont eu besoin de creuser un trou de 230 m de largeur sur 230 mètres de profondeur pour enterrer les serviettes hygiéniques et tampons usés jetés par les femmes.
De nombreuses protections hygiéniques finissent aussi en déchets sauvages. Elles se retrouvent alors dans les rivières puis dans les océans. Ces détritus ont des impacts. Comme beaucoup de déchets dans les océans, les animaux marins les consomment et ces ingestions peuvent bloquer leur système digestif et entraîner leur mort.

Toutes les marques conventionnelles utilisent plus ou moins les mêmes matières dans les différentes parties des tampons et des serviettes. A partir de bois, de coton, de pétrole et d’eau, les fabricants composent les différentes pièces des protections féminines. Au final, les composants sont en grande majorité des matières synthétiques ou plastiques (rayonne, polyéthylène, polyester, polypropylène) et du coton.

À elle seule, la culture du coton requiert 25% de tous les insecticides utilisés dans le monde. De plus, la culture du coton cause la dégradation des sols, l’érosion et la contamination de l’eau. Après le riz et le blé, la production du coton est la culture qui demande la plus grande quantité d’eau. En effet, alors que plusieurs centaines de millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, entre 7 000 et 29 000 litres d’eau sont utilisés pour produire 1 kilo de coton. De plus, les fibres synthétiques, notamment très utilisées dans les protections féminines, sont très énergivores, polluantes et contribuent aux changements climatiques.

La course à la matière la plus absorbante a obligé les fabricants à sophistiquer toujours plus leurs produits. Certaines serviettes contiennent des gels dits « super-absorbants ». Il s’agit de cristaux de polyacrylate de sodium (ceux-là mêmes présents dans les couches ou les lingettes pour bébés), un polymère absorbant qui devient gel une fois humide et peut absorber jusqu’à 800 fois son poids en eau, aussi présent dans les petits sachets blancs qui absorbent l’humidité. Ou encore de viscose (ou rayonne en anglais), une matière artificielle très absorbante, obtenue à partir de la pâte de cellulose des arbres. Malgré l’idée d’utiliser un produit dit « naturelle », la viscose est issue de la fibre de bois mais il faut beaucoup la transformer avant d’obtenir la matière finale, et donc pas si écolo que ça.

Une étude de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, en France) visant à étudier la composition des produits intimes et à définir si leur utilisation régulière pouvait présenter un danger pour la santé et publiée le 19 juillet 2018, n’a mis aucun dépassement des seuils sanitaires en évidence, mais révèle qu’« un certain nombre de substances trouvées dans les protections intimes sont des perturbateurs endocriniens suspectés (Lilial, HAP, DnOP, lindane, hexachlorobenzène, quintozène, dioxines et furanes)». Elle a également relevé d’autres substances considérées comme des sensibilisants cutanés connus ou suspectés (pouvant provoquer des réactions allergiques) et d’autre potentiellement cancérigène.

Difficile d’imaginer que d’un phénomène aussi naturelle et normale que les menstruations, puisse découler des enjeux environnementaux et sociaux aussi importants. Le manque d’options alternatives pour y remédier, rend la tâche encore plus ardue. Il faudrait revoir tous les maillons de la chaine de valeur et ça… à l’heure actuelle, c’est impossible.     



Par Nadia TIH
AGM

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