L'agriculture a commencé il y a 10.000 ans en Amazonie
Le mythe de la tribu de chasseurs-cueilleurs d'Amazonie a
du plomb dans l'aile : une nouvelle étude révèle des traces de culture de
manioc, de courges ou de maïs datant de l'Holocène. La région fait ainsi partie
des endroits du monde où l'agriculture aurait débuté le plus tôt dans
l'histoire humaine.
Entre 1970 et 2015, la forêt brésilienne a perdu 800.000 km2 de
surface, selon l'Institut national de recherche spatiale (INPE), soit
l'équivalent de la France et du Royaume-Uni réunis. Principale responsable de
cette déforestation massive :
l'agriculture,
les paysans et exploitants rasant les arbres pour cultiver
du soja ou élever des bovins. Cette pratique n'est pourtant pas
récente : les peuples d'Amazonie seraient même des précurseurs en matière d'agriculture,
révèle une nouvelle étude parue le 8 avril dans Nature.
« Dès leur arrivée, il y a 10.000 ans, les Hommes ont façonné le
paysage pour y cultiver des plantes domestiquées », assure Umberto
Lombardo, écologue à
l'université de Berne et principal auteur de l'étude. Ils ont aussi contribué à
modifier la végétation en apportant de nouvelles espèces au
cœur de la forêt.
Les débuts de l’agriculture
À cette époque, au début
de l’Holocène, plusieurs peuples pratiquent déjà l'agriculture dans
certaines parties du monde : du riz en Chine, des légumineuses et
des céréales au
Moyen-Orient, des pommes
de terre et du quinoa dans
les Andes ou du maïs en
Amérique centrale et au Mexique. L'Amazonie pourrait donc constituer l'un des
cinq premiers centres de domestication des
plantes au monde, d'après les conclusions de l'étude.
Un îlot forestier dans la région de Llanos de Moxos, au nord de la Bolivie. © Umberto Lombardo |
Lors des travaux précédents, les chercheurs avaient déjà
constaté des sortes de petits monticules forestiers de forme circulaire dans la
région de Llanos de Moxos, au nord de la Bolivie, qu'ils avaient attribués à
une construction anthropique.
Difficile cependant de confirmer une présence humaine, la zone étant une plaine
alluviale totalement dépourvue de rochers qui auraient pu apporter des preuves
archéologiques d'habitation. Pour leur nouvelle étude, l'équipe a donc
poursuivi la piste de la forme géométrique des parcelles de forêt et découvert
plus de 4.700 « îles forestières », des petites mottes de
terre rondes surélevées où étaient implantées les cultures et aujourd'hui
recouvertes d'arbres.
Manioc, courge et maïs : des glucides bienvenus dans l’alimentation
Pour confirmer leur thèse, les chercheurs ont prélevé
des carottes de
terre sur 30 de ces îlots pour détecter les concentrations de phytolithes,
de minuscules concrétions de silice qui
se forment à l'intérieur des plantes. Ils ont ainsi pu identifier le type de
plantes qui y poussaient il y a des milliers d'années. Ces phytolithes ont
révélé des restes de manioc datant de 10.350 ans, de courge d'il y a 10.250
ans, ainsi que du maïs, un peu plus tard (6.850 ans). Ces plantes ont été
choisies parce qu'elles étaient riches en glucides et
faciles à cuisiner, suggèrent les auteurs. Elles fournissaient probablement une
partie considérable des calories consommées
par les premiers habitants de la région, ces derniers complétant leur
alimentation en protéines par
du poisson et
un peu de viande.
Le manioc est l’une des toutes premières espèces cultivées par l’Homme. © Engdao, Adobe Stock |
Des conclusions somme toute logiques. « Les chercheurs
supposent depuis de nombreuses années que le sud-ouest de l'Amazonie était un
centre probable de domestication
précoce des plantes, car de nombreuses espèces qu'on y trouve aujourd'hui
comme le manioc, la courge, les arachides et
certaines variétés de piments et de haricots sont génétiquement très proches
des plantes sauvages qui vivent ici », rapporte Umberto Lombardo.
Contrairement aux espèces
invasives actuelles, l'importation de nouvelles plantes aurait ici
favorisé la biodiversité.
AGM
Source
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire