Sommeil : le 3e pilier d’une bonne santé
Difficultés à se réveiller, cerveau embrumé, envie de
se rendormir pendant la journée… Nous avons tendance à nous alarmer lorsque
nous faisons de l’insomnie, mais faudrait-il également s’inquiéter lorsque nous
souffrons d’hypersomnie, un endormissement diurne à répétition ?
Des chercheurs québécois le pensent. « Cette
difficulté à rester éveillé la journée touche 33% des participants de notre
étude. La bonne nouvelle, c’est que ça peut s’améliorer », assure le titulaire
de la Chaire de recherche du Canada sur la médecine comportementale du sommeil,
Charles M. Morin.
Sur les 2167 participants à cette récente étude, publiée dans Sleep Research Society, le
tiers (714) devaient composer avec ce trouble du sommeil. Précision : les
personnes recrutées ne devaient pas faire partie de celles chez qui
l’hypersomnie provoque des pathologies (apnée du sommeil, hypersomnie idiopathique ou narcolepsie).
Le suivi annuel, pendant cinq ans, montre toutefois
des améliorations: bien que pour près des deux tiers (62%) des participants, la
situation soit restée stable, les autres ont vu leur situation s’améliorer —ou
même une rémission chez 23% de ces derniers.
Les chercheurs l’expliquent par des changements des
habitudes de vie, comme le retour à un poids santé et à un bon niveau
d’hypertension, et de meilleures nuits de sommeil.
Il s’agit d’un trouble aux sources multiples, de sorte
que des changements hormonaux, la dépression, des problèmes de thyroïdes ou la
prise de médicaments, peuvent influencer la qualité de notre sommeil, et donc,
la journée du lendemain.
La place accordée au sommeil nocturne serait
d’ailleurs la clé pour lutter contre l’hypersomnolence. « Ce qui écope,
relève le chercheur, c’est toujours le sommeil lorsque nous manquons de temps
avec nos obligations professionnelles et familiales. Et pourtant, c’est l’un
des trois piliers d’une santé durable », les deux autres étant l’alimentation
et l’activité physique.
60% des Canadiens disent manquer de sommeil,
rappelle-t-il. Chez les adultes, le sommeil court et de piètre qualité ne
serait pas une exception et un tiers ne dort pas le nombre d’heures recommandées
pour assurer une santé optimale. Cela affecte la vigilance lors du travail et
des déplacements, et compromet la qualité de vie.
Trop dormir, c’est comme pas assez
Cette étude est « un portrait qui présente des
raisons claires pour ce type de troubles de sommeil, auxquelles nous pouvons
nous attaquer au niveau des politiques publiques », commente Julie
Carrier, chercheuse au Centre d'études avancées en médecine du sommeil au CIUSSS
du Nord-de-l’Île-de-Montréal.
L’objectif est de faire de la qualité du sommeil une
question de santé publique. « Les gens n’ont pas encore intégré le message
que de dormir est aussi important que de bien s’alimenter », répète la Pr
Carrier.. Elle a été l’une des instigatrices de la campagne nationale sur le
sommeil démarrée l’automne dernier, Dormez là-dessus!,
qui vise à informer les Canadiens, à démystifier le sommeil et ses troubles et
à mobiliser les connaissances scientifiques afin de bâtir des
partenariats.
Un signal d’alarme serait particulièrement important
chez les jeunes hyper-connectés, adeptes de la performance et du multitâches.
« Les 18-25 ans ont une vie trépidante et fantasment à l’idée de rester
productifs sans dormir beaucoup. Les écrans et les nouvelles technologies
envahissent souvent les chambres à coucher et perturbent la qualité de leur
sommeil. Résultat : ils s’endorment lorsqu’ils manquent de
stimulations », résume celle qui est également directrice du Réseau
canadien de sommeil et rythmes circadiens.
Une des solutions passerait par l’éducation, en
luttant contre les fausses croyances sur le sommeil. Une autre serait de revoir
les raisons de privations de sommeil par des mesures passives, comme
l’adaptation des horaires de cours en matinée pour retarder la rentrée des
classes et aider les plus jeunes à regagner un peu de sommeil. « Changer
nos habitudes s’avère difficile mais c’est aujourd’hui un projet de société,
comme l’ont été la saine alimentation ou l’exercice physique », ajoute la
Pre Carrier.
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