Il y a 12 ans, un rapport avait prédit la saison d'incendies qui ravage l'Australie
En
2008, un rapport sur l'impact du changement climatique commandé par le
gouvernement australien avait prédit que la saison des incendies démarrerait
plus tôt et deviendrait plus intense à l'horizon 2020.
Alors
que les
incendies gagnent de plus en plus de terrain en Australie et que de
nouvelles évacuations ont été décrétées, certains continuent à émettre des
doutes quant à leur origine. Dans un communiqué, la police de Nouvelles-Galles du Sud a
fait état de l'arrestation d'au moins 24 personnes soupçonnées d'avoir
déclenché des feux de façon délibérée.
Pourtant,
c'est un tout autre coupable que les spécialistes pointent du doigt depuis le
début de la saison des incendies : le
changement climatique. En favorisant la sécheresse et la
hausse des températures, ce dernier aurait contribué au déclenchement de
feux plus précoces et plus intenses. Un phénomène que les scientifiques avaient
prédit depuis longtemps.
Il
y a douze ans, un rapport commandé par le gouvernement australien l'avait en
effet déjà mentionné. Dirigée par l'économiste Ross Garnaut, cette étude
indépendante visait à évaluer l'impact du changement climatique sur l'économie
australienne. Elle avait conclu que les émissions de dioxyde de carbone
auraient des conséquences importantes et coûteuses sur l'agriculture, les
infrastructures, la biodiversité et les écosystèmes de l'Australie si elles
n'étaient pas réduites.
Le
document paru en 2008 et mis à jour en 2011 avait toutefois émis des projections bien plus détaillées. Il suggérait ainsi :
"les saisons des incendies démarreront plus tôt, s'achèveront
légèrement plus tard et seront globalement plus intense. Cet effet va
s'accroître au fil du temps, mais il devrait être directement observable dès
2020". Des affirmations qui résonnent dramatiquement face à la
situation actuelle.
2019, année la plus sèche et la plus chaude en Australie
Le Bureau
de météorologie australien a annoncé que 2019 avait été l'année la
plus sèche et la plus chaude jamais enregistrée en Australie. Le 18 décembre a
ainsi battu un
record de température depuis le début des relevés, avec une moyenne
nationale mesurée à 40,9°C. Les précipitations elles, ont atteint une moyenne
annuelle 10% plus basse que le précédent record enregistré en 1902.
Le
changement climatique global ne serait pas le seul facteur à avoir favorisé ces
conditions. D'autres phénomènes, dont un appelé dipôle de l'océan Indien,
auraient également joué un rôle. Mais la
sécheresse et la chaleur sont à l'origine du dangereux cocktail qui a
permis l'apparition des
incendies dévastateurs. En 2019, les feux ont démarré en septembre, soit un
mois plus tôt que la saison habituelle qui court généralement d'octobre à mars,
selon le Country Fire Service.
Les
incendies se sont également révélés plus intenses. D'après le dernier bilan
relayé par Reuters, ce sont désormais plus de 13 millions
d'hectares qui auraient disparu dans les flammes en Australie, dont cinq
millions rien qu'en Nouvelles-Galles du Sud. Cela représente une zone plus
vaste que celles brûlées par les feux de Californie en 2018 et les incendies
survenus en Amazonie en 2019.
"Je
suis triste de voir que j'ai été inefficace", a expliqué Ross Garnaut,
à la tête du rapport de 2008 interrogé par SBS News. Bien que "j'ai eu l'opportunité de
parler de ce problème aux Australiens, j'ai été incapable de les persuader que
c'était dans notre intérêt national de jouer un rôle positif dans l'effort
mondial visant à réduire les effets du changement climatique".
Des mesures jugées insuffisantes contre le changement climatique
Lors
de la publication du rapport en 2008, le gouvernement de l'époque a pris en
compte plusieurs des conclusions clés de l'étude mais il a échoué à prendre des
mesures à long terme pour réduire les
émissions de CO2 du pays. Depuis 2014, ces dernières augmentent même
de façon régulière. Entre mars 2018 et 2019, elles ont ainsi connu une hausse de 3,1 millions de tonnes, atteignant 538,9
millions de tonnes.
Face
aux feux qui continuent de progresser et menacent d'être ravivés par une
nouvelle vague de chaleur, de nombreux Australiens ont interpellé
le gouvernement sur son soutien à l'industrie du charbon très
polluante et son manque d'action contre le changement climatique. Le Premier
ministre, Scott Morrison, a répondu qu'il serait "irresponsable"
de tourner le dos à cette industrie, assurant que le pays atteindrait ses
objectifs de réduire de 26 à 28% ses émissions d'ici 2030.
Cette
réponse du Premier ministre déjà très critiqué n'a fait qu'attiser les
contestations et de nombreux internautes n'ont pas manqué de remettre en
lumière sur les réseaux sociaux les conclusions du rapport
publié en 2008. Des conclusions qui suggèrent un avenir encore plus sombre pour
l'avenir : d'ici 2067, le nombre de jours marqués par des incendies extrêmes
pourrait augmenter de 300%.
"Bien
que les choses aillent déjà mal, elles vont continuer de s'aggraver si les
concentrations d'émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère continuent
d'augmenter", a assuré Ross Garnaut. Et "l'Australie a un
intérêt [de réduire ses émissions] plus important que
n'importe quel autre pays développé parce que nous sommes le plus vulnérable
d'entre eux", a t-il jugé.
Plus de 800 millions d'animaux auraient déjà péri
Près
de 200 feux seraient encore recensés en Australie dont plus de la moitié ne
serait pas encore sous contrôle, selon le dernier bilan. Celui-ci fait
également état du décès d'au moins 28 personnes et de la destruction de près de
2.000 maisons en Nouvelles-Galles du Sud. Des milliers de pompiers et de
militaires continuent de s'affairer sur le terrain pour lutter contre les
flammes et venir en aide à la population.
Alors
que des centaines de personnes ont dû être évacuées, les incendies sont
également une catastrophe pour la biodiversité australienne. Une
estimation, doublée depuis, suggère que plus de 800 millions d'animaux auraient déjà péri dans
l'est de l'île-continent. Si l'arrivée de pluies le week-end dernier a offert
un peu de répit aux équipes de secours, elles redoutent que la chaleur et les
vents n'aggravent à nouveau la situation.
L'Australie
n'en est par ailleurs qu'au début de l'été, a souligné Andrew Watkins,
spécialiste du Bureau of Meteorology interrogé par le New Scientist. "Généralement, dans le sud de
l'Australie, les semaines les plus chaudes se produisent fin janvier et début
février, donc nous n'avons pas encore atteint notre période la plus chaude",
a-t-il conclu.
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