Vaca Muerta, le pari risqué de la fracturation hydraulique en Argentine
A
Sauzal Bonito, petit village de la Patagonie argentine, le sol n'arrête pas de
trembler et les maisons se fissurent. La faute au mégagisement d'hydrocarbures
non conventionnels de Vaca Muerta, assurent des habitants hostiles à la
fracturation hydraulique.
"Les
secousses ont commencé il y a trois ans. Ma maison a été touchée, il y a des
morceaux de mur qui tombent", raconte Marisol Sandoval, mère de trois
enfants. Trois habitations, déclarées inhabitables par le gouvernement local,
ont dû être reconstruites.
Sur
ces plaines semi-désertiques, au pied de la Cordillère argentine, cohabitent
des puits pétroliers et de gaz, des sites de fruiticulture et des restes de
dinosaures.
De
nombreuses compagnies pétrolières opèrent à Vaca Muerta, considéré par le
département américain de l'Energie comme la deuxième réserve mondiale de gaz de
schiste, et situé au quatrième rang mondial pour le pétrole de schiste.
Une
manne financière pour ce pays fréquemment secoué par des crises économiques et
constamment à la recherche de devises.
Mais
les habitants du coin mettent en garde depuis plusieurs années contre la
fracturation hydraulique.
Ce
procédé consiste à créer des fissures souterraines et y infiltrer un mélange
d'eau, de sable et de produits chimiques pour permettre l'extraction de gaz ou
de pétrole capturé dans la roche.
"Ils
disent que cette ressource leur appartient et que l'économie du pays en dépend.
Mais ils affectent l'écosystème. L'eau et l'air ont été contaminés, les plantes
se sont asséchées, des maladies sont apparues. Ils perforent, puis s'en vont.
Et nous, on reste", déplore Lorena Bravo, porte-parole de la communauté
locale des indiens Mapuche, opposés aux géants pétroliers.
Le
gisement de Vaca Muerta s'étend sur 30.000 kilomètres carrés en Patagonie, à
cheval sur les provinces de Neuquen, Rio Negro, la Pampa et Mendoza. Il
représente 43% de la production totale de pétrole du pays, qui était de 505.000
barils par jour en juillet, et 60% de celle de gaz, de 144 millions de mètres
cubes.
- "Illégal" -
Il
y a encore quelques années, Añelo était un hameau qui vivait de l'élevage des
chèvres et agneaux.
A
présent, quelque 8.000 personnes y vivent, la plupart travaillant dans les
hydrocarbures, au milieu des hôtels et d'un casino géant.
Aux
alentours, se sont installés des indiens Mapuche qui assurent avoir été
déplacés à cause des conséquences de la fracturation hydraulique.
"C'est
une activité illégale sur un territoire Mapuche. Nous n'avons pas été
consultés, alors que c'était notre droit", revendique Jorge Nahuel, une
des représentants de cette communauté à Neuquen.
D'autres
localités, comme Allen et Fernandez Oro, ont vu leurs champs d'arbres fruitiers
diminuer face à l'avancée des groupes pétroliers, qui achètent ou louent les
terrains pour les exploiter.
Cette
zone est la principale région de production de pommes et de poires du pays.
"L'activité
pétrolière existe depuis longtemps dans la région, mais elle se déroulait
toujours dans des zones inhabitées. Au-delà de la fracturation hydraulique, ces
dernières sept ou huit années, on a assisté à un changement: le rapprochement
des exploitations des centres de population et des zones de production
agricole", explique Agustin Gonzalez, de la faculté d'agronomie à Neuquen.
Selon
cet expert, 20.000 hectares de production ont été perdues en 30 ans. Et cela a
un impact sur le réchauffement climatique, assure-t-il, une exploitation
d'arbres fruitiers absorbant bien plus de CO2 qu'un sol désertique.
Mariano
Lavin, le maire de de Fernandez Oro, tente de contenir les géants des
hydrocarbures avec ses maigres moyens. Il s'apprête à approuver un nouveau
règlement local pour encadrer cette activité sur le territoire de sa commune.
"Après
l'exploitation pétrolière, la terre n'est plus utilisable", explique-t-il.
Bien
que les puits représentent une manne pour les provinces et les municipalités,
Mariano Lavin estime que ce n'est pas suffisant. "On préfère la poire, la
pomme, le vin et la bière", produits localement.
©
2019 AFP
A.G.M
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