Climat : fossé béant entre la rue et les négociations
Les
jeunes crient encore et encore leur colère, le patron de l'ONU martèle des
mises en garde toujours plus inquiétantes, mais à la COP25, les signaux d'une
réponse ambitieuse des pays les plus responsables du changement climatique sont
faibles.
Alors
que débute à Madrid la deuxième semaine de la 25e conférence de l'ONU sur le
changement climatique, l'écart semble toujours aussi grand entre les attentes
des défenseurs du climat et les intentions des pays les plus émetteurs de gaz à
effet de serre.
Il
a même "grandi", estime Jennifer Morgan, directrice de Greenpeace
International. "La paralysie des gouvernements est incroyablement
troublante".
Ainsi,
sauf surprise, aucun des plus gros émetteurs ne devrait faire d'annonce
significative concernant ses ambitions. Ni la Chine, ni l'Inde, ni même l'Union
européenne qui focalise tous les espoirs. Et encore moins les Etats-Unis qui
ont officialisé leur retrait du pacte climatique l'an prochain. Pour montrer
que les Américains sont malgré tout engagés pour le climat, Michael Bloomberg
qui vient de lancer sa campagne pour l'investiture démocrate sera à Madrid mardi.
Soulignant
l'urgence à agir, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a été plus
clair que jamais à l'ouverture de cette COP.
"Nous
attendons un mouvement profond de la part de la plupart des pays du G20, qui
représente trois-quarts des émissions mondiales", a-t-il lancé aux quelque
200 signataires de l'Accord de Paris, réclamant en particulier la fin des
subventions aux énergies fossiles et la décarbonation des secteurs clé de
l'énergie ou des transports.
Mais
l'Accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement à maximum +2°C, prévoit
que les Etats présentent une révision de leurs engagements de réduction des
émissions seulement en 2020, alors que la plupart d'entre eux se focalisent sur
la COP26 à Glasgow.
"Le
grand événement est la COP26 mais nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre
un jour de plus", a insisté la jeune combattante pour le climat Greta
Thunberg, arrivée à Madrid vendredi et qui a une nouvelle fois entraîné dans la
rue des milliers de manifestants.
"Nous
faisons grève depuis plus d'un an et en gros rien n'a changé", a-t-elle
dénoncé.
A
cinq jours de la fin de la réunion, effectivement "les signaux ne sont pas
très bons", commente Alden Meyer, de l'Union for Concerned Scientists,
observateur de longue date des négociations climatiques. Pour la Chine, l'Inde
ou le Japon, "s'ils décident de bouger, ce sera plus prêt de la
COP26", explique-t-il à l'AFP.
Quant
à l'UE, c'est à Bruxelles qu'elle pourrait faire avancer les choses lors d'un
sommet jeudi et vendredi, si elle parvient à adopter un objectif de neutralité
carbone pour 2050 qui ne fait pas encore l'unanimité.
"Recul"
En
attendant, quelque 70 pays qui représentent seulement 8% des émissions
mondiales et qui se sont engagés à rehausser leurs ambitions en 2020 se réunissent
à Madrid mercredi. De nouveaux membres pourraient les rejoindre, mais
probablement pas de grands émetteurs. "Nous aurons de bonnes nouvelles
l'année prochaine", résume Laurence Tubiana, architecte de l'accord de
Paris.
Mais
pour les régions en première ligne des impacts déjà dévastateurs des
dérèglements climatiques, c'est loin d'être suffisant. "Quelques partis
influents ont entravé les efforts pour répondre à l'urgence climatique", a
dénoncé lundi sur Twitter Janine Felson, représentante du groupe des 44 Etats
insulaires.
"Nous
avons vu des reculs de nos partenaires développés" sur le sujet des
"pertes et dommages", regrette de son côté Sonam P. Wangdi qui
préside le groupe des Pays les Moins Avancés.
Alors
que même si les engagements des Etats sont tenus, le mercure pourrait dépasser
les +3°C, les pays du Sud réclament une accélération des négociations sur le
financement des "pertes et dommages" qu'ils subissent.
Selon
un récent rapport de l'International Institute for Environment and development,
les familles rurales du Bangladesh dépensent 2 milliards de dollars par an pour
réparer les dommages causés par les cyclones et autres événements extrêmes.
Les
pays les plus pauvres s'inquiètent aussi des négociations sur les marchés
carbone, dernier reliquat des règles d'application de l'Accord de Paris qui
n'avait pas pu être adopté à la COP24.
Si
les nouvelles règles régulant les marchés carbone internationaux sont mal
conçues, elles risquent de saper les objectifs de l'Accord de Paris, selon les
experts. Alors "un mauvais résultat serait pire que pas de résultat du
tout", estime Kelly Levin, du World Resources Institute.
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