En Australie, des capsules de matières fécales pourraient aider à sauver les koalas
Des chercheurs australiens ont développé une méthode
pour réaliser des transplantations fécales chez les koalas. Ils pensent que
cette solution pourrait aider à sauver les animaux en leur permettant de
surmonter la raréfaction de leur nourriture favorite, une espèce particulière
d'eucalyptus.
Avec
le kangourou, le koala est sans aucun doute l'un des plus célèbres emblèmes
de l'Australie.
Malheureusement, il fait aussi partie des espèces qui déclinent peu à peu sur
notre planète. Il y a quelque 200 ans, plus de 10 millions de koalas sauvages
étaient répertoriés dans le pays. Aujourd'hui, ils ne
sont plus que 80.000 selon l’ONG Australian Koala Foundation (AKF).
Si ce chiffre continue de
décliner, le marsupial pourrait rejoindre la liste des animaux
en voie d'extinction, au grand dam de ses défenseurs qui
ne cessent de tirer la sonnette d'alarme sur la situation de
l'espèce Phascolarctos cinereus. Selon les estimations, 80% de son
habitat naturel a disparu en Australie. Le koala est également menacé par la
raréfaction de sa nourriture favorite, l'eucalyptus.
Aujourd'hui, des
scientifiques australiens pensent avoir trouvé une nouvelle arme pour sauver le
marsupial : des transplantations fécales. L'idée est née dans l'esprit du Dr
Michaela Blyton de l'University du Queensland après que la population de koalas
du Cap Otway dans l'Etat de Victoria a connu un déclin dramatique.
"En 2013, cette
population a atteint de très fortes densités, qui ont conduit les koalas à
défolier leur nourriture préférée", une espèce d'eucalyptus nommée
gommier blanc (Eucalyptus viminalis), a raconté le Dr Blyton
citée dans un communiqué. "Ceci a conduit à une mortalité
de 70%, c'était bouleversant". En étudiant le phénomène, les
chercheurs ont toutefois fait un constat important.
Eucalyptus et microbiome
Ils ont remarqué que même si
les koalas étaient affamés, ils ne se tournaient généralement pas vers une
autre espèce d'eucalyptus moins nutritive et moins appréciée connue sous le nom
de messmate (ou Eucalyptus obliqua). Pourtant, les
observations ont montré que certains koalas se nourrissent exclusivement de
cette espèce et non du gommier blanc comme les autres.
Comment expliquer une telle
différence ? C'est le mystère qu'ont voulu résoudre le Dr Blyton et ses
collègues et ils ont trouvé une réponse dans l'organisme même des koalas. Plus
précisément, dans leur système digestif. "Ceci nous a conduit à nous
demander si les micro-organismes présents dans les intestins des koalas - leurs
microbiomes - limitaient quelle espèce ils pouvaient manger", a
précisé la spécialiste.
De cette hypothèse, est née
une autre idée : si ce microbiome influence la nourriture des marsupiaux, en le
modifiant, il pourrait alors être possible de changer également leur
alimentation. Pour en avoir le coeur net, les scientifiques ont conduit une expérience
au Conservation Ecology Centre du Cap Otway avec des koalas sauvages se
nourrissant exclusivement de gommier blanc.
"Nous avons collecté
des excréments issus de koalas sauvages mangeant du messmate, concentré les
micro-organismes présents dans les fèces, emballé le tout dans des capsules
résistantes à l'acide puis nous les avons donnés aux koalas captifs"
mangeurs de gommier, a détaillé le Dr Blyton. Pendant dix-huit jours, les
sujets ont ensuite été scrupuleusement suivis.
Les chercheurs ont observé
quelle quantité de messmate les koalas acceptaient de manger et ont comparé
leur alimentation à celles de sujets "contrôles" ayant reçu des
micro-organismes de mangeurs de gommier. Ils ont également suivi comment le
microbiome des animaux évoluait après l'ingestion des capsules. Résultat : ils
ont constaté qu'ils avaient vu juste.
Une preuve de concept
Non seulement, les
transplantations fécales ont changé les microbiomes des marsupiaux mais elles
les ont également poussés à manger de l'eucalyptus messmate. "Nous
avons montré que des inoculations fécales peuvent aider les microbiomes
gasto-intestinaux des koalas à changer dans la mesure où ceux des koalas
traités sont devenus plus similaires à ceux des koalas sauvages se nourrissant
de messmate", écrivent les auteurs dans leur étude publiée par la revue Animal Microbiome.
Selon le Dr Blyton, cette
étude est une preuve de concept d'une solution qui pourrait affecter tous les
aspects de l'écologie des animaux, y compris leur alimentation, la sélection de
leur habitat ou encore leur utilisation des ressources. Elle pourrait ainsi
aider les koalas à s'adapter à un nouvel environnement ou une raréfaction de leur
nourriture favorite.
"A l'avenir, des
capsules pourraient être utilisées pour ajuster les microbiomes des koalas
avant de les déplacer vers des environnements plus sûrs ou plus riches",
a-t-elle précisé. Elles pourraient aussi être employées comme "probiotiques (des
micro-organismes qui exercent des effets positifs sur la santé, ndlr) pendant
ou après un traitement antibiotique".
Ces scientifiques ne sont
pas les seuls à tester les transplantations fécales comme nouvelle arme pour
aider des espèces menacées. Au zoo de San Diego en Californie, par exemple, une
équipe mène des recherches suggérant qu'une modification du
microbiome intestinale pourrait influencer la fertilité du rhinocéros
blanc du Sud (Ceratotherium simum simum) dont la reproduction
est complexe en captivité.
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