Rallier l’Arctique à l’hydrogène, le défi de la mobilité durable
En
juin dernier, nous avions rencontré Victorien Erussard et Jérôme Delafosse,
respectivement capitaine et chef d’expédition d’Energy Observer, le premier
navire hydrogène autonome en énergie. Cet été, ils ont relevé un défi unique :
rallier l’Arctique uniquement grâce aux énergies renouvelables et à
l’hydrogène, et ainsi montrer la voie de la mobilité de demain. Retour sur cet
exploit à l’occasion de l’anniversaire des Objectifs de Développement Durable.
Le
bateau a donc atteint le Spitzberg en Arctique, la plus grande île de
l’archipel du Svalbard et lieu habité le plus septentrional au monde. Il a
glissé entre les glaciers, dans un silence poétique qu’aucun autre équipage
n’avait connu auparavant. Une expérience unique et une grande fierté : celle
d’avoir parcouru les 5700 kilomètres qui le séparaient de sa précédente escale,
à Saint-Pétersbourg, sans émettre de CO2 ni de particules fines, et sans
pollution sonore perturbante pour les écosystèmes.
Une
première donc : même les voiliers sont équipés de moteurs thermiques et les
expéditions polaires ont depuis toujours été très gourmandes en énergie
fossiles, qu’il s’agisse de charbon à leurs débuts ou de gasoil plus récemment.
Dans des conditions climatiques extrêmes et des eaux à 5°C, la performance
d’Energy Observer n’est pas anecdotique et a mobilisé à bord de sérieux efforts
de recherche et développement.
Un laboratoire flottant des clean tech
Le
navire, qui a entrepris son tour du monde en 2017, est en effet un laboratoire
flottant des clean tech. Pour parvenir jusqu’à cette lointaine destination au
climat polaire, il a fallu améliorer le fonctionnement des ailes de propulsion
éoliennes Oceanwings®, faire évoluer le système informatique afin d’optimiser
l’utilisation de l’énergie à bord, et se montrer fin stratège face aux vents
tournants, à un ensoleillement très faible et à des courants changeants. L’hydrogène
a joué un rôle clé en palliant l’intermittence des énergies renouvelables (ENR)
pour garantir l’autonomie énergétique du bateau quelles que soient les
conditions.
Arriver ainsi au Spitzberg était la démonstration que le mix
énergétique exploité à bord constitue une véritable alternative aux énergies
fossiles, et nous interroge sur notre manière de penser la mobilité. Au-delà
des considérations purement technologiques, la transition énergétique vers le
renouvelable induit un nouveau paradigme de cette mobilité, où l’on compose
avec les lois dictées par la nature.
L’urgence
de ralentir, c’est peut-être l’impératif qu’il va nous falloir admettre pour
tâcher de réduire de 45% d’ici à 2030 nos émissions de CO2
Ainsi
Energy Observer produit l’énergie qu’il consomme, se déplace à la vitesse que
les ENR lui permettent d’atteindre, et adapte son mix énergétique en fonction
des conditions météo. Une proposition pleine de bon sens dans ce monde où la
recherche obstinée de vitesse vient à bout des ressources de la planète, où
l’être humain utilise des ressources non-renouvelables comme si elles étaient
infinies. L’urgence de ralentir, c’est peut-être l’impératif qu’il va nous
falloir admettre pour tâcher de réduire de 45% d’ici à 2030 nos émissions de
CO2 pour tenter de rester sous la barre d’1,5°C d’augmentation de température
par rapport à l’ère préindustrielle.
Le Spitzberg, ground zero du changement climatique
Cette
performance technologique s’accompagne d’une symbolique forte. Car en
atteignant le Spitzberg, Energy Observer s’est rendu au « ground zero » du
changement climatique, particulièrement palpable dans cette région avec un
paradoxe : dans cette région très isolée du monde, les effets du changement
climatique sont plus visibles que n’importe où ailleurs. La température y a
augmenté deux fois plus vite que la moyenne mondiale.
C’est le fait de ce qu’on
appelle l’amplification polaire. En moins de 20 ans, l’Arctique a perdu 1,6
million de km2 de glace. Et les habitants du Spitzberg accusent le coup. Ils ne
traversent plus le fjord à pied sur la glace, où il n’y pas plus que de l’eau.
Certains se voient contraints de quitter leur maison, menacée par l’érosion.
Les glaciers fondent, accélérant la montée des eaux, et glissent anormalement
vite, à la dérive.
L’équipage
d’Energy Observer a accueilli à son bord la glaciologue Heïdi Sevestre. Dans
des vidéos mises en ligne par l’équipe, elle rappelle la fonction essentielle
des glaciers dans la chaîne alimentaire, dont ils sont même la base, en milieu
marin. Leur disparition entrainerait l’appauvrissement de toute la biodiversité
marine.
Autre
conséquence du réchauffement climatique sous ces latitudes : la fonte du
permafrost. À deux degrés de plus que les températures préindustrielles, c’est
ce sol millénaire gelé qui se mettrait à fondre, libérant le méthane qu’il
renferme, et avec lui l’équivalent de 130 à 160 gigatonnes de CO2.
De
quoi anéantir purement et simplement la totalité des espèces vivantes sur
terre. C’est pourquoi Victorien Erussard et Jérôme Delafosse se sont fait
l’écho de ce qu’ils ont pu observer au Spitzberg, lançant un appel au G7 qui se
tenait au même moment, et rappelant conjointement l’urgence d’agir sur fond
d’optimisme : les solutions existent, et il est temps de les mettre en œuvre.
Incarner les solutions
Ces
solutions, Energy Observer les incarne à son bord mais s’emploie également à
les débusquer aux quatre coins du globe, au gré de ses escales. Un média dédié,
Energy Observer Solutions, a vocation à les mettre en lumière. On peut y
découvrir, dans de courtes vidéos, une centrale solaire marocaine gigantesque,
un système de production d’énergie houlomotrice, des formations à l’apiculture
à destination des maltais ou encore une mini-station de stockage d’énergie
corse permettant de fournir des énergies renouvelables aux zones rurales
isolées.
Les solutions existent, faire un tour sur cette plateforme est éloquent
Les
solutions existent, faire un tour sur cette plateforme est éloquent. Partout
dans le monde, des pionniers innovent pour mettre en œuvre les 17 Objectifs de
développement durable établis par l’ONU. Car Energy Observer est le premier
ambassadeur français de ce programme, qui fête le 25 septembre son 4ème
anniversaire.
Agir
pour l’égalité des sexes, éradiquer la pauvreté, produire une énergie propre …
autant d’objectifs incarnés dans cette web-série qui comptera 1000 épisodes à
la fin du périple et dressera un vaste panorama des alternatives qui nous
permettront de faire face aux défis sociaux et environnementaux de l’époque.
Car une transition énergétique et écologique durable devra être accompagnée de
changements sociétaux et culturels profonds… ou ne sera pas.
A.G.M
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