Pour un commerce équitable du poisson
Une
étude a révélé que les prises locales de poisson pourraient aider à réduire les
carences en éléments nutritifs dans les pays en développement – sous réserve
qu’une plus grande partie soit distribuée à l'échelle régionale.
L’étude,
publiée le 25 septembre dans la revue Nature indique que les pays en
développement manquent de sources de nourriture cruciales, car la plus grande
partie de leurs prises est vendue à l’international.
Les
chercheurs estiment que cette pratique prive les populations situées à moins de
100 kilomètres de la côte, en particulier les enfants, d’éléments nutritifs
importants et facilement accessibles.
«
Si ces prises étaient plus accessibles localement, elles pourraient avoir un
impact considérable sur la sécurité alimentaire mondiale et aider à lutter
contre des maladies liées à la malnutrition chez des millions de personnes », a
déclaré Christina Hicks, auteure principale, professeur au Centre de
l'environnement de Lancaster, à la Lancaster University, dans le nord de
l'Angleterre.
“Ces
régimes alimentaires transformés aspirent le poisson vers les tables des plus
nantis, ce qui signifie que tous ceux qui pourraient bénéficier de la
consommation de poisson n’en profiteront pas”
Edward
Allison, professeur, École des affaires maritimes et environnementales,
Université de Washington.
L’équipe
internationale a étudié 367 espèces de poisson dans 43 pays et constaté que les
niveaux de calcium, de fer et de zinc - qui sont essentiels pour un
développement sain - étaient particulièrement élevés chez les espèces de
poissons tropicaux. Le poisson contient également des acides gras oméga-3, qui
favorisent le développement du cerveau et protègent contre les maladies
cardiaques.
L'étude
a montré qu'une seule portion de poisson pouvait fournir la moitié de la dose
recommandée de fer et de zinc à un enfant et presque tout le calcium dont il a
besoin.
Cependant,
plus de la moitié des pays côtiers étudiés présentaient des carences modérées à
graves en éléments. En effet, la plus grande part du poisson pêché dans les
pays en développement est soit envoyé directement à l'étranger, soit transformé
et vendu à des pays plus riches.
«
En Mauritanie, par exemple, environ 90% du poisson dans les eaux nationales est
pêché par des navires de pêche étrangers », a ajouté Christina Hicks. Il
n'entre même pas sur le marché local.
En
Namibie, autre exemple mentionné dans l’étude, l’essentiel du poisson est pêché
par des flottes locales, puis immédiatement exporté, tandis que 47% de la
population côtière du pays souffre d’une grave carence en fer.
«
La Mauritanie bénéficie des droits de licence, tandis que la Namibie bénéficie
des échanges commerciaux », a ajouté Christina Hicks.
Selon
les auteurs de l’étude, distribuer un petit pourcentage des prises de poisson
d’un pays aux communautés locales aurait un impact considérable sur la
nutrition. Les chercheurs ont constaté que le commerce de seulement 9% du
poisson pêché chaque année en Namibie permettrait de résoudre les problèmes de
carence en fer du pays.
La
situation est encore plus difficile à Kiribati, où seulement 1% de la pêche
permettrait de remédier aux carences en calcium affectant 82% des habitants de
ce pays insulaire du Pacifique, selon l’étude.
Selon
l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO),
près de la moitié de la population mondiale - 3,1 milliards de personnes - tire
au moins 20% de ses protéines du poisson. La consommation mondiale de poisson
est passée de 9 kilogrammes par personne en 1961 à 20 kilogrammes aujourd'hui,
mais une grande partie de cette croissance a eu lieu dans le Nord.
Simon
Funge-Smith, responsable régional chargé de l’aquaculture au bureau de la FAO
pour l’Asie et le Pacifique, recommande de mettre l’accent sur les politiques
en faveur de la pêche continentale par rapport au poisson pêché dans les
océans. Il a déclaré : « 30% du poisson pêché en Afrique provient de la pêche
continentale. Presque aucun poisson pêché dans les eaux intérieures ne fait
l'objet d'un commerce international. »
Mais
Edward Allison, professeur à la School of Marine and Environmental Affairs, de
l'Université de Washington, aux États-Unis, pointe du doigt les pratiques de
pêche non durables, qui ont fait baisser les prix pour les pays riches aux
régimes de plus en plus riches en protéines.
«
Ces régimes transformés aspirent le poisson vers les tables des nantis, ce qui
signifie que tous ceux qui pourraient bénéficier de la consommation de poisson
n’en profiteront pas », a-t-il déclaré.
Dans
cette étude, Mme Hicks et ses collègues ont formulé plusieurs recommandations
de politique visant à remédier à la disponibilité asymétrique du poisson dans
le monde. Celles-ci consistent notamment à soutenir les pêcheries locales à
petite échelle et à réorienter le commerce mondial du poisson vers une
distribution améliorée et plus équitable des prises.
A.G.M
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