L’EPINEUSE PROBLÉMATIQUE DE L’URBANISATION DANS LA CAPITAL GABONAISE
L’urbanisation
est un processus maîtrisé ou subi d’extension des villes et de leur périphérie,
due à une forte croissance de la population en zone urbaine.
Constat général
Libreville, capitale gabonaise, abrite à elle
seule près de la moitié de la population nationale (703940 habitants en 2013),
soit 3700 habitants au km² selon la Direction Générale de la Statistique du
Gabon. Près de 87% de cette population est essentiellement urbaine et est
concentrée sur seulement 1,1% du territoire national. De 1960 à 2013 elle a
triplé et s’est accrue de 78% au cours des 20 dernières années. A noter
également l’évolution de la densité démographique dans la province de
3,0hbts/km² en 1960 à 43hbts/km² en 2013. L’accroissement de la population
urbaine est plus rapide que celui de la population totale (3,8% en moyenne par
an contre 2,9%).
Le
constat pratique de ces statistiques peut se faire à travers les quartiers
démesurément gonflés par des entassements désordonnés des maisons disparates,
dans lesquelles la population vit dans des conditions précaires. Le manque d’espaces
propices à la construction est le facteur majeur à l’origine des ‘’taudis’’ et
des ‘’mapanes’’. C’est le cas des quartiers tels que le pk7 et Plein Ciel. Ces
taudis qui ternissent l’image de la ville compromettent le développement
économique et social, en aggravant la dégradation de l’environnement.
Au
regard de ce malheureux constat, il est alors important de comprendre ce qui
est à l’origine de ce problème avant d’en mesurer les conséquences.
En Causes
La
première cause à l’origine des contrastes de l’habitat dans le paysage urbain
de Libreville est l’exode rural. En effet, nombreux sont ceux qui migrent à la
recherche d’une activité économique rentable en vue de subvenir à leurs besoins
et ceux de leur famille. Le potentiel économique de Libreville a ainsi
contribué à l'accroissement démographique de cette ville. Ainsi, l'exode rural
s'est accentué du fait que Libreville émet une force attractive qui se
manifeste par les possibilités très considérables d'emplois, les statuts très hiérarchisés
de la société urbaine et les séductions de la « culture urbaine » devenue
dominante.
D’autres, comme les jeunes élèves et étudiants vont à la capitale pour intégrer des
établissements secondaires et universitaires. Chaque année, l’intérieur du pays
subit un assèchement démographique car la majorité de la population remonte
vers Libreville où toutes les institutions administratives et académiques sont
concentrées. Aussi, les populations vivant à Libreville et dans sa partie sud
ont plus d'opportunité de trouver un service de santé, que celles qui vivent
dans les autres centres urbains du pays. Cet état de fait, explique pourquoi
les populations des autres villes convergent vers Libreville, à la recherche
des services de santé de qualité qu'elles n'en possèdent pas. Le plus souvent,
elles se déplacent pour consulter les services de traumatologie, de
gynécologie, stomatologie, de cancérologie, de cardiologie et scanner et aussi
pour des chirurgies très risquées.
C'est
donc dire que le processus d'urbanisation n'a pas réduit les déséquilibres
d'offre de santé entre Libreville et les autres villes. Malheureusement, étant
donnée la situation du pays depuis quelques années, ces populations se
retrouvent confrontées à des problèmes de logement, forcées ainsi à procéder à
une occupation anarchique du sol. On voit alors des maisons construites sur des
lits de rivières et sur des collines menacées par l’érosion, dans un total
non-respect des normes d’urbanisation. Par ailleurs, certains propriétaires ne
font aucune étude minutieuse de leurs terrains avant de s’engager dans des
travaux de constructions. Une autre cause telle que la pauvreté incontrôlée
de la population n’est pas à négliger. Tout le monde n’a pas les moyens de
s’approprier un logement décent dans les meilleures conditions
environnementales. Aussi, l’absence d’un plan d’urbanisation efficace remet en
cause l’engagement de l’Etat, d’où on a l’impression que le Ministère
de l’Urbanisme et de l’Habitat est inexistant.
Conséquences
Entre
l’exode rural, la pauvreté accrue de la population gabonaise, l’obstination de
certains propriétaires et manque d’implication de l’Etat, il faut dire que les
conséquences ne sont pas des moindres. Elles sont d’ordre social,
environnemental et sanitaire.
Social : l'augmentation de la
population dans les centres urbains de la province a eu comme effet la
saturation du réseau routier, le nombre d’habitants étant supérieur à
la capacité de transport. Les heures de fermeture groupées des bureaux, de
certains commerces, services et écoles à midi et le soir, concentrent fortement
les horaires de retour au domicile à partir des différents lieux d'activités :
de 6 h à 9 h et 16 h à 19 h, plusieurs milliers de déplacements s'effectuent
chaque jour entre les différents points du centre urbain et entre celui-ci et
la semi-périphérie. Dans les principales intersections, le carrefour des feux
tricolores de Nzeng-Ayong, celui de Rio et de l'échangeur du PK 5, de nombreux
véhicules individuels ou à usage de taxi (2000 environ) créent de longues files
d'embouteillage qui allongent les trajets des usagers parfois de plus d'une
heure.
· D’un autre côté, la surpopulation favorisant
également le phénomène d’insécurité dans plusieurs quartiers
tels que la Sorbonne ou Belle Vue où après avoir arraché un sac ou un téléphone
portable, les délinquants fuient généralement dans le quartier dont eux seuls
maitrisent l’architecture.
· Environnemental : le non-respect des
normes environnementales expose la population à plusieurs dangers dont les
inondations, les effondrements ; chaque année des familles se
retrouvent sinistrées et endeuillées après le passage des pluies. Les déchets
liquides et solides à Libreville obstruent les voies de canalisation et d'évacuation
des eaux. S'agissant de la dégradation des écosystèmes urbains, l'action
anthropique fragilise l'environnement de la ville.
Chaque
fois qu'il y a des précipitations dans la zone d'Oloumi, elles occasionnent des
inondations dans cette zone. Les populations urbaines de cette ville se
trouvent confrontées aux graves problèmes de l'assainissement des effluents
urbains et des ordures ménagères.
Sanitaire : l'influence manifeste de
l'eau sur les sites urbains (marécages, mangroves, zones inondables et
bas-fonds aux eaux stagnantes) est un élément connu de la dégradation de
l’environnement urbain. Dans ces milieux, l’insalubrité y est très développée
et toutes les conditions s'y retrouvent pour favoriser la prolifération de
certains vecteurs (moustiques, rats, cafards, choléra, …). D'après le Ministère
de la santé (Données statistiques Libreville et Owendo), les principales
maladies d'origine hydrique à Libreville en 2005 étaient, le paludisme, la
bilharziose, les parasitoses intestinales et les maladies diarrhéiques.
Cependant, une étude similaire avait déjà été menée au cours de la période 1999-2001
dans la ville. Cette étude montre incontestablement la primatie de l'endémie du
paludisme avec 41759 cas, soit 58,36% durant la période 1999 à 2001. Ensuite,
viennent respectivement les maladies diarrhéiques et les parasitoses
intestinales avec 17731 et 11186 cas, soit 25,55 et 16,07% durant la même
période.
Solutions
Au
regard de tous ces problèmes liés à l’urbanisation anarchique dans la capitale
gabonaise, plusieurs solutions peuvent être préconisées :
· Modernisation des villes des autres
provinces : considérant que la ville est un lieu par excellence où se concentrent
certains services rares et où partent des flux pour dynamiser son environnement
immédiat, il importe de mentionner comme exemple que le fait d'avoir créé les
nouvelles communes dans la province de l'Estuaire a eu comme effet, la
modernisation de ces régions ;
· Le développement du tourisme dans tout le
pays : dans une optique de développement durable, le tourisme permettra
aux populations autochtones des sites de s’impliquer dans l’activité et d’ainsi
générer des sources de revenues ;
· Délocalisation d’un certain nombre
d'activités économiques dans les autres localités du pays : cette action
de délocalisation va permettre à d'autres localités de bénéficier des effets
induits de l'implantation d'une entreprise. Ces délocalisations pourront
attirer des populations en quête d'un emploi.
- L’engagement
de l’Etat de façon pertinente dans ses responsabilités : il est
question ici de mettre en place de manière efficace, un schéma directeur
d’aménagement urbain et des stratégies d'assainissement adaptées aux sites
et au contexte économique ;
- Faciliter également l’accès aux études
topographiques pour les populations ;
- La responsabilisation des municipalités,
en particulier dans la gestion des ordures ménagères, le traitement des
déchets solides et liquides, la maintenance et l'entretien des ouvrages ;
- La réalisation des réseaux d'égouts ;
- L'assainissement
des quartiers urbains par le curage des canaux et caniveaux, les
opérations villes propres, la création de dépôts de matières de vidange,
etc. ;
- La
sensibilisation des populations sur la collecte et le ramassage des
déchets, les risques liés au rejet des ordures dans les cours d'eau et les
canaux et l'occupation des zones « non aedificandi » (vallées, bas-fonds,
marécages). La lutte contre la squattérisation, en développant l'urbanisme
opérationnel, la restructuration des quartiers de Libreville et en
revisitant certains textes d'urbanismes et mécanisme d'attribution des domaines ;
- Réactualiser
le projet des logements sociaux afin de venir en aide aux plus démunis et
aux victimes d’intempéries ;
En
2001, dans le cadre d’une évaluation réalisée sur la demande foncière urbaine
au Gabon, le PAPSUT * estimait qu’avec un taux d’accroissement annuel de sa
population urbaine de 2.5% par an, le Gabon devait produire 6 149 parcelles
chaque année pour y construire 7 682 logements. Un tel niveau de réalisation
aurait permis d’absorber la demande supplémentaire de logements enregistrée
dans les 3 principales villes du pays (Libreville, Port-Gentil et Franceville)
entre 2000 et 2014.
· Les actions complémentaires devront
intervenir dans les domaines de l'amélioration des voies de communication et de
l'adduction d'eau et de l'électricité.
La capitale gabonaise connait une forte croissance de sa population
depuis quelques années, entraînant ainsi plusieurs conséquences dont
l’insécurité, la dégradation de l’environnement urbain et la prolifération de
plusieurs maladies liées à l’insalubrité et l’insuffisance du système d'assainissement.
Des mesures telles que la sensibilisation
des populations sur les actes civiques (assainissement des foyers et des
quartiers), mais aussi le recours à une analyse topographique avant d’entamer
des travaux de construction, l’implication de l’Etat quant à la mise en place
d’un plan efficace d’aménagement durable du territoire. Autant de solutions pour
remédier à ce mal qui mine la ville de Libreville, la volonté et les moyens
sont deux armes dont ont besoin les principaux acteurs : l’Etat et la
population.
Par Ingrid Urcella NZIGOU NZIGOU
Spécialiste en éco-tourisme
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