Le poumon vert de la planète suffoque
L’Amazonie absorbe de moins en moins le dioxyde de
carbone rejeté par l’homme
La forêt amazonienne va mal. Très mal. Et c’est une
mauvaise nouvelle pour le climat de la planète. Voici les principales
conclusions d’une étude gigantesque, publiée le 19 mars dans la dernière
édition de la revue Nature, et menée par une centaine de chercheurs sous la
direction de l’Université de Leeds.
«Depuis trois décennies, nous surveillons
l’évolution de la jungle amazonienne, raconte Jérôme Chave, chercheur au
laboratoire Evolution et diversité biologique à l’Université de Toulouse
(CNRS). C’est un véritable travail de fourmi. Nous observons plus de 320
parcelles de forêt, réparties sur six millions de kilomètres carrés. Pour
chacune de ces zones, nous mesurons à intervalle régulier la croissance des
végétaux, soit plus de 200 000 arbres surveillés.»
Mortalité végétale en forte hausse
Ces observations très précises montrent que la
mortalité de la végétation s’est envolé de plus d’un tiers depuis le milieu des
années 1980. «Deux raisons semblent expliquer ce phénomène, poursuit Jérôme
Chave. D’abord, deux sécheresses exceptionnelles ont frappé la région, en 2005
et 2010. Elles ont joué un rôle important dans cette augmentation de la
mortalité. Mais nos données montrent que ce processus était engagé bien avant
2005.»
Le deuxième suspect est bien évidemment le
réchauffement climatique et la croissance de la teneur atmosphérique en dioxyde
de carbone (CO2). «A priori, les arbres aiment bien le CO2. Via le processus de
photosynthèse, il leur permet de croître, souligne Jérôme Chave. Mais aux
concentrations actuelles, nous sommes parvenus à un seuil. C’est que j’appelle
l’effet Mc Do. Si vous en mangez un, vous êtes content. Deux, ça va. Mais si on
vous en donne 20 par jour, vous risquez d’en mourir.»
La concentration atmosphérique en CO2, qui a franchi
le seuil symbolique des 400 parties par million (ppm) en 2014, serait donc
devenue trop importante pour la végétation.
«Le problème, c’est que la forêt amazonienne joue un
rôle «de puits de carbone», en absorbant davantage de CO2 qu’elle n’en rejette,
poursuit le chercheur qui a participé à l’étude. Elle aide ainsi à limiter
l’impact du réchauffement global, en captant le CO2 émis par les activités
humaines.»
Aggravation du réchauffement
Dans les années 1990, l’Amazonie retirait ainsi de
l’atmosphère quelque 2 milliards de tonnes de dioxyde de carbone chaque année.
Selon l’étude publiée dans Nature, ce chiffre aurait chuté d’un tiers dans les
années 2000, pour atteindre aujourd’hui seulement un milliard de tonnes de CO2.
«La conséquence mécanique de cette diminution est que le carbone va s’accumuler
de plus en plus vite dans l’atmosphère, explique Jérôme Chave. Avec comme
résultat, une aggravation du réchauffement climatique.»
L’état de santé des deux autres grands bassins
forestiers tropicaux – en Asie du Sud et en Afrique équatoriale – devient du
coup une grande source d’inquiétude pour la communauté scientifique. «Nous ne
disposons pas de données pour ces régions, souligne Jérôme Chave. Mais tout
laisse à penser que le même phénomène est à l’œuvre.»
A.G.M
Source : www.tdg.ch
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