Côte d’Ivoire-Filière cacao/Économiste J.Morisset indique qu’il est urgent de reformer le secteur
Il
y a urgence à réformer le secteur du cacao et son mode de production en Côte
d’Ivoire. C’est ce qui ressort du dernier rapport de la Banque mondiale. La
Côte d’Ivoire pèse 40% de la production mondiale de cacao. Le secteur fait
vivre 5 millions de personne, soit un 5e de la population. Pourtant, le
million de producteurs ivoiriens vivent pour la plupart sous le seuil de
pauvreté. Urgence climatique, changement des modes de consommation…
L’économiste Jacques Morisset qui exerce à la Banque mondiale et auteur de ce
rapport donne des explications.
Le regroupement entre la Côte d’Ivoire et Ghana en matière de Cacao pour peser sur les cours, est-ce une bonne stratégie?
Je pense que c’est une bonne stratégie. On peut
peser sur les cours lorsqu’on a un pouvoir de marché de 65%, maintenant il faut
le faire de manière intelligente. Bien sûr, la difficulté, aussi, est que le
cacao est une matière différente que, par exemple, le pétrole. Tout de suite,
quand on pense de contrôler les cours, on pense au pétrole. Le pétrole est une
matière première qui est facile à contrôler. Vous fermez le robinet, vous
l’ouvrez, vous pouvez contrôler l’offre. La difficulté pour le cacao, c’est des
millions de petits producteurs qui sont difficiles à contrôler, c’est aussi un
produit agricole qui dépend des conditions climatiques. Donc d’influer sur
l’offre mondiale, sur les prix mondiaux, est difficile pour une denrée comme le
cacao.
La
Côte d’Ivoire peut-elle s’en sortir en continuant de miser sur le cacao ?
C’est le paradoxe. Vous avez multiplié par quatre
votre production de cacao pendant les 20 dernières années, c’est le premier
producteur mondial, mais vous avez un producteur sur deux de cacao qui vit en
état de pauvreté, donc avec moins de 1,2 dollar par jour. C’est le paradoxe.
Comment briser ce paradoxe ? Dans le rapport, on pense que, en fait, une
opportunité se dessine à cause de l’urgence. Jusqu’à présent, la réponse du
paysan ivoirien à la demande de cacao était d’augmenter ses surfaces
cultivables et donc de produire plus. On pense que cette approche arrive à son
terme. Premièrement, il n’y a plus de surface cultivable en Côte d’Ivoire.
Deuxièmement, il y a une demande, une exigence des consommateurs ou des pays
importateurs de cacao, pour du cacao durable qui ne détruit plus les forêts,
qui n’utilise plus des enfants dans la production. La solution n’est plus de
produire plus, mais de produire mieux, donc d’augmenter les rendements. D’une
part, sur une même surface, vous pouvez avoir plus de cacao, mais surtout si
vous cultivez sur une surface plus réduite cela vous permet de vous diversifier
vers des produits ou des activités non agricoles pour pouvoir avoir plus de
revenus et de moins dépendre des fluctuations de prix.
Est-ce
que le cacao ivoirien est trop taxé ?
Si vous comparez la fiscalité du cacao en Côte
d’Ivoire par rapport aux autres pays producteurs, oui, la réponse effectivement
est que le cacao est trop taxé en Côte d’Ivoire. Sur chaque exportation de
cacao, 22% sont prélevés par l’État. Ce qui explique pourquoi le cacao compte
pour 10% des recettes de l’État ivoirien, donc c’est très important comme
source de revenus pour l’État. Donc, est-ce que l’État doit continuer à taxer
autant son cacao ? S’il réduisait la fiscalité pour augmenter le prix aux
producteurs, ou alors, une autre solution, garder votre niveau de fiscalité
puisque vous passez une partie de votre fiscalité, du poids de cette fiscalité,
aux consommateurs, mais redistribuez une partie de ces recettes aux
producteurs. Et c’est d’autant plus important que ces recettes pourraient
servir à financer ces programmes de productivité pour augmenter les rendements.
Le cacao ivoirien a-t-il encore de l’avenir?
Oui. D’une part parce qu’il y a une urgence, il faut
absolument transformer le secteur. On a parlé de la révolution verte qui nous
paraît essentielle, on pense que toutes les techniques pour pouvoir multiplier
par quatre les rendements du cacao sont connues, donc il faut les mettre à
l’échelle. Et sur la transformation, il existe des niches à développer. L’idée,
c’est de passer de rien à un peu.
Vous avez trois niches. La première, il y a une
marche de progression pour la consommation locale et régionale, donc des
entreprises de chocolat peuvent mettre en place pour répondre à cette demande.
La deuxième, c’est qu’il y a une demande de plus en plus grande au niveau
international pour le chocolat de qualité.
Quand vous consommez du chocolat cher, vous voulez
savoir d’où il vient, donc il y a une opportunité pour la Côte d’Ivoire de
développer cette niche. Et la troisième, c’est faire partie de chaînes de
valeurs internationales puisque la liqueur, puisque la poudre de chocolat est
de plus en plus utilisée dans la composition d’autres produits alimentaires.
Donc il y a quelque part une possibilité pour la Côte d’Ivoire d’intégrer ces
chaînes de valeur.
Source:
rfi.fr
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