Photo : Vincent Tremeau/Banque mondiale
Longtemps, Yacine Dieng a vécu décemment de la pêche, dans son village de Bargny, au Sénégal. Comme les autres membres de la communauté Lebou, l’ethnie des pêcheurs, elle était fière de vivre sur la côte et de se nourrir des abondantes ressources marines. Mais depuis que la mer gagne chaque année un peu plus de terrain, avalant sur son passage sa maison, ses biens et sa fierté, Yacine ne parvient plus à nourrir sa famille.
Yacine a maintenant trouvé une nouvelle passion : aider les femmes de la côte à s'organiser et faire pression pour que l’on trouve des solutions qui peuvent améliorer leur vie. « La mer a pris le peu que nous avions. Mais nous n’avons pas d’autres choix que d’y faire face car nous n'avons nulle part ailleurs où aller », explique-t-elle.
Des milliers de personnes vivant le long des côtes de l’Afrique de l'Ouest partagent la même histoire que Yacine.
Yacine Dieng et quelques voisins devant des maisons détruites par l’érosion sur la côte de Bargny. Photo : Vincent Tremeau/Banque mondiale
Au-delà des vies brisées, cette dure conséquence de l'érosion, de la pollution et des inondations coûte très cher au Bénin, à la Côte d'Ivoire, au Sénégal et au Togo. C’est ce que révèle aujourd’hui un rapport de la Banque mondiale qui chiffre en termes économiques les dégâts causés dans ces quatre pays.
Intitulé Le coût de la dégradation des zones côtières en Afrique de l'Ouest, (a) l’étude dresse un bilan stupéfiant : rien qu'en 2017, les dommages dus à la dégradation des côtes ont été estimés à 3,8 milliards de dollars, soit 5,3 % du PIB des quatre pays. En outre, cette dégradation a causé le décès de plus de 13 000 personnes la même année, principalement dus aux inondations et à la pollution de l'air et de l'eau.
« Pour la première fois, il existe une approche cohérente pour calculer l’impact de la dégradation de l'environnement sur les zones côtières de l'Afrique de l'Ouest », souligne Benoît Bosquet, directeur du pôle ressources environnementales et naturelles à la Banque mondiale. « Les résultats montrent l’urgence financière et sociale de renforcer la résilience de millions de personnes vivant sur le littoral. Les pays doivent collaborer pour trouver des solutions communes et réunir les fonds nécessaires pour protéger leur littoral et éviter de futurs dégâts. »
L’étude estime qu’en Côte d'Ivoire, le pays le plus affecté par les inondations, la dégradation du littoral a coûté près de 2 milliards de dollars en 2017, soit l’équivalent de 4,9 % de son PIB . Au Bénin, pays le plus touché par l’érosion, cette dégradation a coûté 229 millions de dollars, soit l'équivalent de 2,5 % de son PIB. En outre, le changement climatique vient aggraver ce tableau en augmentant la vulnérabilité des communautés côtières.
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Ces populations subissent de plein fouet les inondations dues aux précipitations extrêmes et aux crues des rivières qui détruisent leurs biens, leurs maisons et les infrastructures. Des écosystèmes critiques comme les plages et mangroves ainsi que de nombreuses terres agricoles ont été dévastées.
Provoquée aussi bien par des facteurs naturels que par l’activité humaine, notamment un mauvais aménagement du territoire, l'érosion a coûté près de 1 milliard de dollars aux quatre pays. L’étude de la Banque mondiale note toutefois que le phénomène est très inégal selon les régions, avec certaines zones très dynamiques et préservées voire même qui ont gagné du terrain, tandis que d’autres endroits ont perdu du terrain. L'étude estime que 56 % du littoral du Bénin, de la Côte d'Ivoire, du Sénégal et du Togo est soumis à une érosion moyenne de 1,8 mètre par an. Particulièrement exposé à l’érosion, le Bénin perd en moyenne 4 mètres de rivage par an sur 65% de ses côtes.
Enfin, le rapport souligne que la pollution est également une préoccupation croissante pour de nombreux tronçons du littoral. L'effet combiné de la pollution atmosphérique, du manque d'approvisionnement en eau, d’un faible accès à l’assainissement et à une gestion appropriée des déchets pèse lourdement sur la santé et la qualité de vie des habitants. En 2017, cela a coûté environ 1,4 milliard de dollars aux quatre pays. Au Sénégal uniquement, la pollution de l'air et de l'eau est responsable d'environ 4 400 décès par an, principalement des enfants de moins de 5 ans.
Vue aérienne de Bargny, au Sénégal, où les habitants ont vu la mer éroder plus de 200 mètres de côte ces vingt dernières années. Photo : Vincent Tremeau/Banque mondiale
« Le littoral africain est magnifique et a un potentiel touristique énorme », explique Maria Sarraf, responsable du pôle environnement et ressources naturelles pour l’Afrique, à la Banque mondiale et coauteur du rapport. « Notre étude montre qu’investir aujourd’hui dans l’adaptation des côtes permettra de sauver des vies et d’éviter de perdre des milliards de dollars à l’avenir. »
Afin d’aider les pays à faire face à ces défis et à préserver leur littoral, la Banque mondiale a lancé en 2018, le programme de gestion des zones côtières d’Afrique de l'Ouest (WACA). Le programme finance notamment la construction de mesures de protection, la restauration des mangroves et le traitement de déchets pour restaurer l’écosystème et lutter contre la pollution de l’océan.
La dégradation des côtes ouest-africaines a déjà des conséquences dramatiques pour Yacine Dieng et bien d'autres. Investir dans la préservation des côtes aujourd’hui, c’est les aider à reconstruire leur vie.
Coût de la dégradation du littoral par pays en 2017
La Rédaction
Source: La Banque Mondiale
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