Plus de 90 % du marché des
services numériques pouvant soutenir les petits exploitants d’Afrique reste
inexploité. Il représente pourtant une valeur pouvant dépasser 2 milliards €
(ou 2,26 milliards $) souligne un nouveau rapport.
Ce rapport, réalisé par le CTA et Dalberg Advisors, a dénombré
près de 400 solutions d’agriculture numérique et 33 millions d’agriculteurs
inscrits dans toute l’Afrique subsaharienne.
Néanmoins, la taille
actuelle du marché de la « digitalisation pour l’agriculture » (D4Ag) ne serait
que la partie émergée de l’iceberg. En effet, la pénétration de ces solutions
numériques atteindrait à peine 6 % et générerait un chiffre d’affaires estimé à
127 millions € (ou 143 millions $), alors que le marché exploitable serait de
2,3 milliards € (2,6 milliards $).
Le
rapport 2018-2019 sur la digitalisation de l’agriculture africaine a
constaté une croissance annuelle de plus de 40 % du nombre d’agriculteurs
inscrits et du nombre de solutions numériques, donnant à penser que le marché
de la D4Ag en Afrique pourrait atteindre la majorité des agriculteurs de la
région d’ici 2030.
« Le virage numérique peut
changer la donne en modernisant et en transformant l’agriculture de l’Afrique,
en attirant les jeunes vers ce secteur et en permettant aux paysans d’optimiser
leur production tout devenant plus résilients face au changement climatique »,
anticipe Michael Hailu, directeur du CTA.
« Ce rapport montre que,
malgré les difficultés, les facteurs économiques s’améliorent rapidement et
qu’une poignée d’acteurs commencent à développer des entreprises viables à
grande échelle. Pour exploiter tout ce potentiel, ces entreprises devront
maintenant tâcher de transformer la pénétration auprès des clients en une
utilisation effective des solutions de ce modèle afin de générer des
rendements. »
Parmi les solutions
numériques suivies et analysées dans le rapport, on peut citer les services de
conseil pour agriculteurs, qui leur fournissent des informations sur la météo
ou les semailles via des SMS ou des applications sur smartphone, ainsi que les
services financiers, notamment les prêts et assurances pour agriculteurs.
D’autres solutions
consistent à établir des liens entre les paysans et les marchés d’intrants et
de produits agricoles, ou assurent une gestion des chaînes d’approvisionnement
pour améliorer la traçabilité et la logistique « du dernier kilomètre ».
Certains services
exploitent l’imagerie satellitaire, les données météorologiques, les puissants
outils analytiques de mégadonnées et les techniques d’apprentissage automatique
pour fournir en temps réel de précieux éclairages agricoles et des prévisions à
l’échelle nationale et régionale.
Plus d’un tiers des
participants à l’étude ont déclaré avoir déjà utilisé au moins une forme de
technologie avancée : drones, capteurs sur le terrain, mégadonnées,
apprentissage automatique, etc. Près de 60 % des répondants ont dit prévoir
d'intégrer ces types de technologies dans leurs activités au cours des trois
prochaines années.
Les premiers chiffres
montrent que les agriculteurs ayant utilisé ces solutions ont constaté des
augmentations de rendement situées entre 23 et 73 %, et des hausses de revenus
entre 18 et 37 %. Mieux, encore, les modèles qui regroupent plusieurs solutions
– des « super-plateformes » combinant les liaisons numériques de marché, la
finance numérique et les services de conseil numériques – sont associés à des
augmentations de rendement pouvant atteindre 168 %.
« Le virage numérique dans
l’agriculture a le potentiel non seulement d’appuyer la transformation agricole
en Afrique, mais aussi de le faire de façon durable et inclusive pour les 250
millions de petits exploitants et de gardiens de troupeaux de l’Afrique »,
explique Michael Tsan, partenaire chez Dalberg Advisors et coresponsable des
pratiques mondiales en matière de numérique et de données de cette société.
« Même si le potentiel est
énorme, les auteurs du rapport sont bien conscients des défis qui restent à
relever et du travail considérable que les entreprises agricoles, les
gouvernements, les donateurs et les investisseurs devront abattre pour
maximiser les effets transformateurs de l’agriculture numérique dans les
prochaines années. »
Le rapport a épinglé
plusieurs lacunes dans l’adoption de la D4Ag, en particulier par les femmes,
qui représentent plus de 40 % de la main-d’œuvre agricole, mais seulement un
quart des utilisateurs inscrits aux services numériques. Les fractures
numériques de cette nature et d’autres préoccupations, comme la confidentialité
et la sécurité des données des agriculteurs, restent des risques potentiels,
soulignent les auteurs.
« Ces dix dernières années
ont été l’âge d’or des technologies de l'information et de la communication
(TIC) pour l’agriculture. L’accent était mis sur le développement et
l’exploration du potentiel des solutions numériques pour l’agriculture »,
estime Benjamin Addom, chef d’équipe, TIC pour l'agriculture au CTA.
« Pour les dix prochaines
années, l’ère de la D4Ag, il s’agira de traduire ce potentiel en réalité et de
le faire de façon équitable et durable. »
Le rapport a formulé
plusieurs recommandations pour exploiter le potentiel du virage numérique de
l’agriculture africaine, notamment :
- création d’une alliance chargée de promouvoir les partenariats et
l’expansion des solutions ;
- renforcement de la confidentialité et de la sécurité des données des
agriculteurs ;
- intensification du travail de mesure des effets de la D4Ag ;
augmentation substantielle
des investissements en faveur des infrastructures de D4Ag, par exemple les
systèmes nationaux de données agricoles, la surveillance météorologique/climatique
et les infrastructures agronomiques numériques de terrain.
Par Axel Kenji
Source: CTA
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