Le
Rwanda a inauguré mi-mai 2016 une centrale électrique au méthane sur le lac Kivu à
l’ouest du pays. Celle-ci devrait augmenter significativement la production
électrique nationale et réduire la menace que ce gaz représente pour les
riverains du lac. Explications.
La présence de méthane dans les eaux profondes du lac Kivu a été découverte en 1936. Ici, la barge à partir de laquelle ce gaz est aujourd’hui pompé à plus de 300 m de profondeur (©ContourGlobal)
Une
ressource potentiellement dangereuse valorisée
Situé
entre le Rwanda et la République démocratique du Congo à 1 460 m au-dessus
du niveau de la mer, le lac Kivu fait partie des « Grands Lacs »
d’Afrique de l’Est. Il s’étend sur une surface supérieure à celle de l’île de
la Réunion (2 700 km2) et présente la particularité d’être
riche en méthane (CH4) et en dioxyde de carbone (CO2)
dissous dans l’eau(1).
D’importants volumes de ces gaz sont piégés sous haute pression à plus de 300 m
de profondeur et leur remontée éruptive brutale ferait courir des risques
d’asphyxie aux riverains (le méthane pouvant servir de « détonateur »
à ces remontées). En 1986, ce phénomène a entraîné la mort par asphyxie de plus
de 1 700 personnes en 1986 autour du lac Nyos au Cameroun(2).
Au-delà
de cette menace, le gisement en profondeur de méthane
(principal constituant du gaz naturel)présente un intérêt énergétique
important. Les ruptures de l’approvisionnement électrique sont encore
fréquentes au Rwanda, ce qui pénalise entre autres les activités économiques
autour du lac Kivu, notamment le tourisme et la production de thé.
Le
gisement potentiellement exploitable(3) de
méthane dans le lac Kivu a été évalué à près de 60 milliards de m3(4) et
il a été décidé de valoriser cette ressource plutôt que de l'évacuer par
d'autres moyens, par exemple par « torchage
». Sept ans de recherche ont toutefois été nécessaires à la société
américaine ContourGlobal pour achever ce projet baptisé « KivuWatt »
(notamment pour mettre au point les systèmes de collecte et de purification du
gaz).
Des
barges pour pomper le méthane
KivuWatt
consiste en deux principales installations : d’une part, une barge
implantée sur le lac à 13 km de la rive qui pompe le méthane à plus de 300 m de
profondeur et d’autre part une centrale électrique située en bord de lac à
Kibuye. Le méthane est séparé au niveau de la barge de l’eau, du CO2 et
d’autres gaz présents en plus faible quantité (diazote et traces d’hydrogène
sulfuré). Il est ensuite acheminé via un gazoduc jusqu’à la centrale électrique
tandis que le CO2 est réinjecté en profondeur.
Cette
centrale électrique délivre de l’électricité sur le réseau rwandais depuis fin
2015. Elle dispose actuellement d’une puissance installée de 26,2 MW mais il
est prévu d’implanter 3 autres barges d’ici 2019 et de porter ainsi à près de
100 MW la capacité de la centrale de Kibuye. Le projet KivuWatt a fait l’objet
d’un investissement d’environ 200 millions de dollars dont une partie sous la
forme de prêts d’institutions d’aide au développement comme la Banque africaine
de développement.
Une
augmentation de la production... et de l'accès à l'électricité
A
terme, la centrale électrique de KivuWatt doit permettre d’augmenter
significativement la production électrique du Rwanda. Le parc électrique
rwandais a actuellement une puissance installée d'environ 200 MW (dont près de
la moitié provient de centrales hydrauliques). Le Rwanda compte également
privilégier d’autres ressources disponibles localement en développant notamment
des fermes photovoltaïques(5) et
l’exploitation de ses réserves de tourbe.
L’électricité
ne satisfait actuellement qu’une très faible part des besoins énergétiques
rwandais qui sont encore couverts à près de 85% par le bois énergie (contre 99%
en 2000), ce qui pose des problèmes en matière de déforestation. Dans sa
« Vision 2020 »(6),
le Rwanda entend réduire à 50% la part du bois
énergiedans le mix énergétique national à l’horizon 2020.
Dans
le cadre de la seconde stratégie nationale de développement économique et de
réduction de la pauvreté, le gouvernement rwandais envisage de connecter 70%
des foyers à des réseaux électriques d’ici à fin 2018 contre près de 24%
actuellement(7).
Pour rappel, environ 625 millions de personnes en Afrique subsaharienne, soit
près des deux tiers de la population dans cette région du monde, n’ont toujours
pas accès à l’électricité selon l'AIE.
Sources
/ Notes
- Ces gaz seraient en partie
d’origine magmatique.
- Ces dégazages brutaux de gaz
volcaniques sont qualifiés d’ « éruptions
limniques ».
- A pression et température
constantes.
- Le lac Kivu contient près de 300
milliards de m3 de CO2.
- Comme le
projet de Gigawatt Global à l’est de Kigali.
- « Vision 2020 », Rwanda.
- La population rwandaise avoisine
11,7 millions d’habitants. Site de Rwanda Energy Group
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