Je pollue, tu tousses, elle suffoque !"
Où en sommes nous?
Aujourd'hui,
toutes les grandes villes du monde sont touchées par la pollution,
qu'elle soit dans l'air, dans l'eau ou dans la terre. Seul 12% de la
population mondiale respire un air dit "sain", et malheureusement, à
Dakar, nous ne sommes pas épargnés par ce phénomène mondial (en 2013, 2ème ville la plus polluée d'Afrique et 28ème
au classement mondial). En 40 ans, la population dakaroise a sextuplé.
Nous croyons, depuis tout petit, au grand nettoyage des Alizés en
période fraiche, et à l'utopie d'une ville restée à jamais épargnée par
la pollution. Aujourd'hui, nous avons grandi et sommes conscients de
vivre dans une capitale où l'air sent les pots d'échappement, où les
deux-roues ont appris à porter des masques, les automobilistes à
utiliser la climatisation même en période fraîche, et où les pédiatres
prescrivent à nos enfants dès leur plus jeune âge des anti allergiques
et de la cortisone.
Des
études américaines ont révélé en 2016 la présence de minuscules
particules, liées à la pollution industrielle, dans le cerveau humain
qui pourraient être responsables du développement de la maladie
d'Alzheimer chez certains individus.
Une
autre étude, effectuée en Inde, dénonce le risque élevé d'infertilité
chez les hommes, suite à une exposition aux particules fines PM 2,5
(métaux lourds et hydrocarbures aromatiques polycycliques).
En
Afrique Centrale et en Afrique de l'Ouest, ce sont 240 Millions
d'enfants qui respirent un air 6 fois plus pollué que les limites fixées
par l'OMS (contre 120 Millions en Europe et 620 Millions en Asie du
Sud). Au Sénégal, entre 2 et 5% des naissances sont prématurées à cause
de la concentration de ces particules fines dans l'air. De plus,
beaucoup d'enfants viennent au monde asthmatiques.
Connaissez-vous le centre de gestion de la qualité de l'Air (CGQA) à Dakar?
Cet
organisme assure la veille sur la pollution de l'air ambiant et fournit
des rapports à l'État dans le cadre de la prise de décisions. Il évalue
également les rejets de polluants à la source et favorise un
observatoire de la qualité de l'air. L'échelle établie comprend 4
indices: "Bon", "Moyen", "Mauvais", Très Mauvais". Cinq zones de la
presqu'île y sont répertoriées: Yoff, HLM, Bel Air, Médina, Cathédrale.
L'objectif est d'informer quotidiennement les populations sur les
niveaux de pollution à Dakar et permet également au corps médical
d'établir ou non des corrélations entre la pollution et les maladies
développées.
En
2016, le Ministère de l'Environnement et du Développement Durable
Sénégalais émet un rapport sur le suivi de la qualité de l'air à Dakar
qui met en avant la période de janvier à mars comme la plus polluée et
celle entre juillet et octobre comme la plus saine. La pollution
dakaroise est essentiellement due aux particules dont les origines sont
naturelles et humaines. Sur l'ensemble de l'année 2016, 49% des PM10***
ont dépassé l'ancienne valeur limite recommandée par l'OMS, soit 21% au
dessus du seuil fixé par la norme sénégalaise. Globalement, la qualité
de l'air est bonne pour 58% du temps, elle est considérée comme moyenne
pour 28%, mauvaise pour 11%, et très mauvaise pour 3% du temps annuel.

Le transport routier et la qualité de l'air
C'est
environs 350.000 nouveaux véhicules qui sont immatriculés au Sénégal
chaque année. Autant dire que l'industrie automobile se porte bien. Le
problème c'est qu'en 2009* déjà, 60% du parc avait plus de 10 ans
et c'est plus de 10 Millions de déplacements journaliers qui rythment
la capitale et ses habitants au quotidien. La même année, à Dakar, les
émissions de monoxyde de carbone (responsable de nausées, vertiges, maux de tête, troubles cardiaques)
étaient de 328kg par véhicule et par an (contre 52kg en Amérique et
135kg en Europe). De nouvelles directives ont ainsi été prises comme la
recherche de l'amélioration de la fluidité du trafic avec la
construction de nouveaux axes routiers ou encore la mise en place de
nouvelles planifications urbaines. Diminuer les déplacements quotidiens
de la population, c'est réduire le taux de pollution au Sénégal.
Le
docteur Mamadou Fall travaille à l'Université Cheick Anta Diop, au
laboratoire de toxicologie et d'hydrologie. En 2011, il émet un rapport
concentré sur l'état de santé des commerçants du Marché Sandaga, au
centre ville. Cette étude pilote vise à démontrer l'impact de la
pollution automobile sur la santé de la population. Sur un échantillon
de 76 marchands (majoritairement âgés de 20 à 30 ans, pour une
fréquentation hebdomadaire de 6 jours sur 7 pour un temps de travail de
10 à 12 heures) 95% de ces commerçants développeraient régulièrement des
maladies broncho pulmonaires (rhumes et bronchites) principalement dues
aux émissions de moteurs.
Et côté mer ?
Nous
sommes allés à la rencontre des riverains de la capitale pour qu'ils
nous confient leurs impressions sur la qualité de l'eau. En hivernage
(saison des pluies), ils se plaignent de ressentir des gènes
respiratoires comme des éternuements à répétition, des problèmes
gastriques notamment après une baignade prolongée, et des allergies
cutanées (plaques, démangeaisons, infections après des micro coupures,
difficultés à cicatriser). Selon certaines sources les résultats
d'études environnementales effectuées il y a deux ans par certaines ONG
seraient alarmants. On trouverait aujourd'hui dans la mer une
concentration importante de souches Escherichia Coli, Salmonelle et
Choléra. Les trois sites les plus touchés seraient ceux de Cambérène, de
Hann-Bel Air et de Soumbédioune où l'eau serait devenue impropre et
dangereuse pour l'homme à cause d'une très forte anthropisation**.
En ce qui concerne les Almadies, Ngor, la plage du Virage et celle de
Yoff, elles oscilleraient, selon les périodes, entre une qualité
acceptable et une qualité insalubre. Cet état serait accentué par les
nombreuses évacuations sauvages des eaux usées directement en mer.
Un
autre élément inquiétant est celui du taux de concentration de
particules de plastique contenu en mer qui s'élève à plus de 5.000
Milliards de particules plastiques flottantes dans les océans, ce qui
représente en poids à plus de 1.000 baleines bleues.

Et côté terre ?
Connaissez-vous
la décharge de Mbeubeuss ? Vous pouvez la contempler, vue du ciel, sur
la photo que nous avons choisi pour illustrer cet article. Cette
décharge sauvage et non balisée de 175 ha, ouverte en 1968, accueille
exclusivement des déchets produits par la région de Dakar, soit 500.000
tonnes de déchets par an. Elle se situe dans la Commune de Pikine, soit
80 km2, avec 800.000 habitants dont 67% de moins de 25 ans et un niveau
d'équipement considéré comme médiocre concernant la voirie,
l'alimentation en eau potable, l' évacuation des eaux usées et
pluviales.
Cette
dernière affecte négativement l'environnement et le cadre de vie des
populations de Diamalaye et de Darou Salam. 3.500 personnes travaillent
tous les jours autour des activités de cette décharge : récupérateurs,
acheteurs, revendeurs de matières récupérées. L'ensemble des puits
utilisés pour l'eau de boisson à Diamalaye et dans la décharge est
impropre à la consommation humaine car les sols sont contaminés par des
métaux lourds et des microorganismes pathogènes. Pourtant, 2/3 des
ménages de Diamalaye n'a d'autre solution que de consommer de l'eau des
puits, contaminée au Mercure.
En
2008, à Thiaroye Sur Mer, c'est le quartier de Ngagne Diaw qui fait
parler de lui dans la Presse : des dizaines de familles tombent malades
et 30 enfants décèdent de manière surprenantes. Il s'avère qu'ils ont
tous une forte concentration de plomb dans le sang. Après enquête, on
découvre que la responsable de ces décès est une société non déclarée de
recyclage de pilles et de batteries qui agissait dans l'ombre depuis
deux décennies, et qui, de par son activité, a contaminé tout
l'environnement de la Commune.
Qu'est-ce qu'on peut faire ?
Heureusement,
des citoyens qui estiment que la protection de l'environnement est
l'affaire de tous, refusent de voir ces phénomènes comme des fatalités
et cherchent à sensibiliser la population à une conduite éco-citoyenne.
Nous parlerons aujourd'hui de l'initiative #Save Dakar
qui, depuis un an et demi, dénonce, via les réseaux sociaux, les
incivilités de la population dakaroise et les dysfonctionnements
flagrants qui vont à l'encontre de la protection de l'environnement à
Dakar. Grâce à une application mise en place depuis quelques jours et
aux images postées sur Facebook, le collectif citoyen cherche à faire
prendre conscience aux populations les impacts de la dégradation de
l'environnement, "causés par un manque de citoyenneté et de civisme".
L'objectif de Mandione, photographe et fondateur de Save Dakar, est
d'éradiquer les maux de Dakar ; et pour lui "la solution sera humaine".
Nous citerons également le Collectif Dakar Éco-Citoyenneté,
qui dans le cadre du Groupe des Femmes de Dakar (Dakar Women's Group),
récompense les enfants et les jeunes pour leur créativité et leur
engagement à garder un quartier propre et respecté de façon durable.
L'objectif est "de développer la conscience environnementale et de
préserver le quartier des déchets solides".
Nous
parlerons de la société de transport Subito Taxi Dakar qui propose un
service de taxis partagés interurbains, dans tout le Sénégal, depuis
votre domicile; soit moins de véhicules sur les routes, moins
d'émissions de gaz à effet de serre, et moins de pollution.
Rappelons
que le 05 juin est la Journée Mondiale de l’environnent et le 08 juin,
celle des océans. A cette occasion, le Centre d'Information des Nations
Unies et le Ministère de l'Environnement Sénégalais organisent une
grande opération "Nettoyage / Set Setal" des plages du littoral, ouverte
à toutes et à tous. L'année dernière, c'est 1 tonne de déchets qui ont
été extraits des fonds marin, sans parler de tout ce qui a été ramassé
sur la plage.
Cette
liste reste exhaustive, mais si vous vous sentez concerné par ce sujet
et que vous avez envie de vous engagez dans le processus de la
protection de l'environnement et de ses habitants, nous vous invitons à
faire quelques recherches sur le net afin de trouver les actions qui
vous correspondront au mieux.
Publié par le Petitjournal.com
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