Quand cuisiner présente encore un risque sanitaire et environnemental pour la moitié de la population mondiale
4
milliards de personnes, soit plus de la moitié de l’humanité, ne disposent pas
de moyens de cuisson propres, sûrs et abordables. Elles dépendent donc de
sources d’énergies polluantes, comme le charbon ou le bois, pour préparer leurs
repas. C’est ce qu’annonce le dernier rapport L’état
de l’accès aux services énergétiques modernes de cuisson de la
Banque Mondiale consacré à la manière de cuire les aliments, un sujet qui
pourrait sembler anodin s’il ne se répercutait pas directement sur
l’environnement, la santé ou encore l’égalité homme-femme.
Ces
foyers, n’ayant aucun accès à une source d’énergie propre et durable pour
cuisiner, sont fortement dépendants du bois ou du charbon. Dans la plupart des
cas, la cuisine se fait dans un endroit clos, à même le sol, sans aucune
isolation des flammes ni évacuation de la fumée en l’absence de cheminée. La
pollution de l’air intérieur que cela engendre est responsable de la mort
prématurée de 4 millions d’individus chaque année.
« Les
femmes et les enfants sont les principaux touchés par les 4 millions de décès
prématurés qui surviennent chaque année en raison de la pollution de l’air
intérieur liée à la cuisine avec des fourneaux et des combustibles
traditionnels. », écrivent les auteurs du rapport. Non seulement, les
femmes et les enfants, souvent responsables de la cuisine, sont les premiers
concernés par ce problème de santé publique, mais ils se retrouvent également
confrontés à des inégalités engendrées par cette corvée de cuisine. Il leur incombe
de prendre sur leur temps pour cuisiner ou collecter le bois, combustible le
plus utilisé. C’est une activité pénible, parfois dangereuse et chronophage, ce
qui laisse moins de place pour d’autres activités comme l’éducation ou un
travail rémunérateur.
De plus,
la coupe du bois pour répondre aux besoins en énergie est une cause majeure de
déforestation dans certaines régions. Par exemple, 77 % de l’approvisionnement
énergétique du Kenya provient du bois et la couverture forestière du pays n’est
aujourd’hui que de 1 ,7 % contre 6 % en 2010. La combustion de ces matières
fossiles s’accompagne également d’émissions importantes de gaz à effet de
serre.
Les pays
en voie de développement manquent d’accès à des moyens de cuisson propres.
Ainsi, seulement 10 % de la population d’Afrique subsaharienne dispose de
moyens de cuisson propres et modernes, 21 % de la population en Asie du Sud-Est
et 56 % en d’Amérique Latine sont équipées. Les zones rurales et les foyers les
moins aisés sont les plus touchés en raison du coût, de la faible
sensibilisation au problème et du peu de disponibilité de solutions
alternatives pour cuisiner sans s’intoxiquer.
Mesurer et évaluer les moyens de cuisson
Pour
améliorer l’accès à l’énergie pour la cuisson, la Banque Mondiale évalue la
situation des foyers n’ayant pas d’accès approprié à l’énergie. Ce cadre va
au-delà de l’unique évaluation technique des moyens de cuisson et inclut les
dimensions plus contextuelles d’expérience utilisateur, de sécurité,
d’accessibilité financière, de disponibilité du combustible utilisé et
d’exposition aux fumées et particules. Il présente différents paliers, allant
de 0 (aucun accès) à 5 (accès complet) dans le spectre de l’accès à l’énergie
pour la cuisine.
Un foyer
dispose de moyens de cuisson améliorés lorsqu’il a atteint le pallier 2 et de
moyens de cuisson propres et modernes lorsque le pallier 4 est atteint. Avec ce
système de mesure, 2,75 milliards de personnes restent en marge des progrès
technologiques et n’atteignent pas même le pallier 2. 1,25 milliards de
personnes sont entre les paliers 2 et 4 et sont considérées en transition.
Quels sont les leviers d’action pour accélérer la transition vers des moyens de cuisson propre ?
Deux
scénarios de transition vers de meilleures pratiques sont envisagés. Un premier
scénario d’accès universel à des moyens de cuisson modernes et propres (pallier
4 et plus) d’ici 2030, qui implique un investissement annuel d’environ 152
milliards de dollars pendant 10 ans. Un deuxième scénario, moins ambitieux mais
plus réaliste, visant un accès universel à des moyens de cuisson améliorés
(pallier 2 et plus) d’ici 2030, nécessite un investissement annuel dans le
secteur d’environ 10 milliards de dollars pendant les dix prochaines années.
Aussi importantes que les sommes à investir puissent paraître dans les deux
scénarios, le coût de l’inaction s’élève à 24 000 milliards de dollars, soit 16
fois le montant à investir dans le premier scénario. Ce coût correspond à tous
les coûts liés aux maladies occasionnées par la pollution de l’air intérieur et
au manque de sécurité de certaines méthodes de cuisson, à la perte de
productivité engendrée, à la dégradation environnementale et aux effets sur le
climat. Le statut quo n’est donc pas une option.
Ces
investissements doivent permettre la transition vers des sources d’énergie plus
respectueuses de la nature et de la santé, comme le biogaz, l’électricité ou
les briquettes fabriquées à partir de résidus agricoles ou de déchets.
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