Lacs asséchés au Honduras : un "crime contre l'environnement"
"Nous
étions ici environ 200 ou 300 personnes à vivre de la pêche", se lamente
Luis Gutierrez qui vit sur les rives de ce qui fut le lac Jucutuma, dans la
banlieue de San Pedro Sula, la principale ville industrielle du Honduras.
Le lac
Jucutuma, de 400 hectares, et de cinq mètres de profondeur, et celui, voisin,
de Ticamaya (317 hectares), à 180 km au nord de Tegucigalpa, la capitale, se
sont totalement asséchés en trois ans, victimes d'un "crime contre
l'environnement", selon des spécialistes.
Avec
l'étang d'El Carmen, également à sec, ils faisaient vivre plusieurs centaines
de pêcheurs et étaient un lieu prisé d'excursions.
La région
a été victime de sécheresses à répétition ces trois dernières années. Le
Honduras est considéré comme l'un des trois pays au monde les plus touchés par
le changement climatique qui provoque des sécheresses prolongées, ainsi que,
parfois, des pluies diluviennes dévastatrices.
Mais cela
ne suffit pas à expliquer le désastre des lacs asséchés : au phénomène
climatique du Niño se sont ajoutées irrigation intensive, pression
démographique et captation de sources.
Souvenirs de canotage
"Nous
pêchions des guapotes, des tilapias et toutes sortes de petits poissons",
se rappelle avec nostalgie Luis Gutierrez, qui maintenant tente de survivre en
vendant du bois de chauffage.
"Ici,
beaucoup de gens venaient le dimanche pour pêcher et pour s'amuser" en
canotant sur les lacs, regrette un autre pêcheur, Walter Villanueva.
"C'est
vraiment dommage, c'était un site touristique... où venaient des écoles pour
des excursions. Maintenant il n'y a plus d'eau", se lamente aussi Ana
Ramos, 42 ans, qui vivait sur les rives du lac Ticamaya avec son mari Victor
Lopez, 50 ans.
Les
paysans ont brûlé la végétation sur le fond des lacs asséchés pour y faire
pousser du maïs. "On a retrouvé des carapaces de tortues, les pauvres
bêtes carbonisées", raconte Ana Ramos.
Pour un
autre habitant, Juan Diego Orellana, 44 ans, la sécheresse, la captation de
sources dans la montagne, et le détournement des rivières Chotepeque et
Blanquito, qui alimentaient les lacs, ont eu raison des plans d'eau.
Pression démographique
Des
promoteurs disposant de soutiens en haut lieu ont en effet capté des sources
avec des murs pour assécher les lacs afin de pouvoir construire cinq nouveaux
quartiers. En outre, les rivières ont été polluées par les eaux usées de la
nouvelle agglomération, qui ne dispose pas de centre de traitement des eaux,
relève Juan Diego Orellana.
La ville
surpeuplée de San Pedro Sula (un million d'habitants) "n'a plus de terrain
pour s'étendre, et ici il y avait des terres domaniales" qui ont été
accaparées pour répondre à la pression démographique, explique-t-il à l'AFP
pendant une pause dans ses travaux sur son champ de maïs.
Les lacs
se sont asséchés "parce qu'ils ont construit des digues autour du lac
Ticamaya: le lac et ceux qui lui sont reliés se sont vidés peu à peu",
confirme le directeur pour la biodiversité au ministère de l'Environnement,
Elvis Rodas.
Pour lui,
ces digues ont servi pour détourner l'eau afin d'irriguer des champs de canne à
sucre. "Réellement il y a eu l'action d'une main criminelle, avec la
complicité des autorités municipales", dénonce-t-il.
Une
enquête judiciaire a été ouverte, indique le porte-parole du parquet de San
Pedro Sula, Elvis Guzman. "Nous attendons le rapport d'enquête, qui va
expliquer ce qui s'est passé, et tout va dépendre du rapport pour déterminer
des sanctions", ajoute-t-il.
© 2020
AFP
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