Le Mérou Goliath encore une espèce victime des activités anthropiques
Le mérou Goliath,
de son nom scientifique Epinephelus
itajara, est l’un des plus gros poissons du monde. Super prédateur lent et
massif, il était encore très répandu au début des années 1970. Notamment
victime de la pêche de loisir, ses effectifs ont ensuite diminué de 80 % en
l’espace de trois générations, ce qui a amené l’UICN à le classer « en danger
critique d’extinction ».
Un mérou Goliath
adulte affiche une taille moyenne de 2 mètres pour 225 kg, tandis que les plus
gros spécimens dépassent 250 cm pour 320 kg. Son corps est particulièrement
imposant : en termes de proportion, sa largeur peut atteindre la moitié de sa
longueur, notamment lorsqu’il dépasse l’âge de 20 ans. Il approche alors de sa
taille définitive, mais son poids peut continuer à augmenter durant plusieurs
années.
La peau
des mérous Goliath est épaisse et varie habituellement du gris au jaune foncé,
avec de petites taches sombres sur le corps et la tête qui est d’ailleurs très
large et dotée de petits yeux. Capable d’accélérations puissantes, Epinephelus itajara est un super
prédateur à la mâchoire immense : il lui suffit de l’ouvrir pour créer une
dépression et, ainsi, aspirer ses proies. Celles-ci sont alors retenues par de
multiples rangées de petites dents puis, la plupart du temps, sont avalées
entières, qu’il s’agisse de petits crustacés, d’octopodes (pieuvres), de
langoustes, de jeunes tortues de mer ou même, parfois, de petits requins.
Une fois
adulte, Epinephelus itajara ne craint
pratiquement aucun prédateur : dans les récifs coralliens, il est au sommet de
la chaîne alimentaire. Il peut cependant à l’occasion être victime d’attaques
du grand requin marteau.
Le mérou Goliath
se trouve uniquement dans les eaux tropicales et subtropicales de l’océan
Atlantique. Son aire de répartition historique est très grande : dans l’ouest
de l’Atlantique, elle s’étend de la Floride au sud du Brésil, incluant ainsi le
Golfe du Mexique et la mer des Caraïbes, tandis qu’elle s’étale du Sénégal au
Gabon sur la côte africaine.
Bien que
son déclin débute probablement dès la première moitié du XXème siècle, le mérou
Goliath est encore un poisson commun jusqu’aux années 1970. A partir de cette
période, deux décennies suffiront à voir ses effectifs s’effondrer.
Entre
1970 et 1990, la pêche cause d’importants dommages aux populations de mérous Goliath
car leurs effectifs semblent sans limite il n’existait aucune restriction. La
pêche de loisir, d’abord pratiquée au harpon puis à la ligne, est alors à son
apogée dans le Golfe du Mexique.
La pêche
commerciale, quant à elle, n’a initialement qu’un impact modéré sur les
populations car Epinephelus itajara
n’attire que peu de convoitises : à l’exception de la Floride, où il est
considéré comme un plat local. Rarement consommés par l’Homme sa chair était le
souvent transformer en nourriture pour chien ou pour chat.
Mais à
partir des années 1980, l’intérêt pour ce poisson évolue. Sa chair commence à
s’exporter, sa valeur augmente. Au Brésil, elle est bientôt considérée comme un
mets de grande qualité. Parallèlement, le mérou Goliath véhicule l’image d’un
prédateur important : il concurrence les pêcheurs, ce qui encourage ces
derniers à limiter leur nombre. D’année en année, les effectifs diminuent. En
1990, on estime que 90 % à 95 % des effectifs de l’espèce ont disparu de
Floride. Ce cas n’est par ailleurs pas isolé : Epinephelus itajara a également probablement disparu des côtes
africaines et est devenu très rare sur les côtes brésiliennes.
Imposant
et peu rapide, montrant une faible méfiance à l’égard des humains et une
certaine fidélité à son site de frai (lieu de ponte), se regroupant par
dizaines lors de la reproduction, le mérou Goliath est une proie facile pour
les pêcheurs. Ces caractéristiques, couplées à une croissance lente et une
maturité sexuelle tardive, font du mérou Goliath une espèce particulièrement
vulnérable à la surpêche.
Epinephelus itajara est
aussi confronté à d’autres menaces, à commencer par la dégradation ou
disparition de son habitat. Les mangroves, milieux dans lesquels le mérou
goliath évolue jusqu’à 4 ou 5 ans, se réduisent en effet d’année en année.
De plus,
la présence de polluants pose également problème ; de la surface des océans à
100 mètres de profondeur, le taux de mercure a par exemple triplé depuis le
début de la révolution industrielle. Le phénomène est très marqué dans
l’Atlantique Nord, probablement du fait de la pollution conjointe de l’Amérique
du Nord et de l’Europe. Ces concentrations élevées dans les organismes vivants se
traduit notamment par des perturbations neurologiques, une réduction du taux de
succès des reproductions et une limitation de la croissance.
Enfin,
parmi les nombreuses menaces pesant sur Epinephelus
itajara, il est possible de citer les marées rouges frappant périodiquement
le Golfe du Mexique, 1971 et 2003 étant les épisodes les plus marquants, ou
encore les activités pétrolières perturbant la faune marine.
Malgré
tout, les Etats-Unis, premier pays à œuvrer pour la protection de Epinephelus itajara : dès 1990, la pêche
en a été interdite dans les eaux américaines. En 1993, le Caribbean Fishery
Management Council (conseil de gestion de la pêche dans les Caraïbes) a à son
tour protégé l’espèce dans les eaux américaines autour de Porto Rico et des
îles Virgin, dans les Caraïbes. Ces seules mesures de protection ont rapidement
donné des résultats : une dizaine d’années plus tard, dans le Golfe du Mexique,
leur population a augmenté avec des individus nettement plus imposants.
Dans les
Bahamas, au Bélize et dans les Antilles néerlandaises, des aires protégées et
des zones où la pêche est strictement interdite ont été inaugurées. Au Brésil,
plusieurs réserves ont été créées afin de préserver l’espèce, et un plan de
cinq ans a été initié en 2002 par IBAMA, l’agence environnementale nationale.
Ce plan d’action a par ailleurs été renouvelé en 2012, puis à nouveau en 2015.
Une telle protection a mécaniquement entraîné une augmentation de la valeur de
la chair de mérou ; ainsi, près de 400 tonnes de mérous Goliath ont été
braconnées annuellement entre 2003 et 2011. Avec 8000 kilomètres de littoral et
l’un des plus vastes écosystèmes de mangroves du monde, le Brésil sait qu’il
détient un rôle clé dans la sauvegarde de Epinephelus
itajara et qu’il doit renforcer ses efforts.
La France
est à contre-courant des prises de positions de ces différents pays puisqu’en
Guyane ou dans les Antilles, la pêche au mérou Goliath est toujours
parfaitement légale, que ce soit à des fins de loisir ou de commerce. On
considère aujourd’hui que l’espèce a pratiquement disparu de Guadeloupe. En Guyane,
la situation est différente : de nombreux juvéniles évoluent dans les eaux des
mangroves mais aucun individu reproducteur n’a été recensé depuis plus d’une
décennie. Il est probable que ces jeunes spécimens naissent des accouplements
ayant lieu au Brésil, puis qu’ils migrent vers des eaux plus clémentes une fois
adultes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire