Santé: Le sucre favoriserait la maladie d'Alzheimer
Si les prédispositions génétiques sont un facteur majeur du
risque de développer une démence liée à l'âge, en particulier la maladie
d'Alzheimer, les facteurs environnementaux, comme l'alimentation, ont également
un rôle important à jouer. Grâce au suivi sur 12 ans de près de 2.800 Français
de plus de 65 ans, une équipe de recherche de l'Inserm a cherché à comprendre
l'impact des repas riches en sucres sur le risque de développer une
démence. Ouvrant la voie vers une meilleure compréhension des liens entre facteurs
de risques environnementaux et génétiques, ces résultats pourraient
permettre d'améliorer les stratégies préventives des démences.
Selon les prévisions de l'OMS,
plus de 152 millions de personnes pourraient être atteintes d'une démence liée
à l'âge en 2050. Il n'existe actuellement pas de traitement pour guérir ni
ralentir la progression de ces maladies dont fait partie la maladie
d'Alzheimer. Il s'avère donc essentiel d'identifier les facteurs favorisant
leur apparition et sur lesquels il serait possible d'agir de façon préventive.
Depuis plusieurs années, la nutrition est reconnue comme un
facteur important dans le bon vieillissement du cerveau.
Plusieurs études chez l'animal ont notamment mis en lumière le
rôle d'une consommation importante des sucres -
qui incluent l'amidon et
les sucres ajoutés (saccharose,
sirops de glucose et
de fructose)
- dans l'aggravation des signes cliniques de la
maladie d’Alzheimer, et en particulier dans l'accélération de l'apparition
des dépôts amyloïdes (plaques séniles) caractéristiques de cette dernière.
Or, jusqu'à présent, aucune étude sur l'humain n'avait exploré
un potentiel lien entre prédispositions génétiques,
consommation des sucres et risques de démence.
Les aliments sucrés consommés au goûter favoriserait la démence chez les personnes ayant des prédisposition génétique. © beats, Fotolia |
Facteurs génétiques et environnementaux des démences
Mais si l'environnement joue sur la survenue de la maladie
d'Alzheimer, l'importance des facteurs génétiques n'est
pas négligeable. C'est le cas particulièrement du gène APOE qui
se présente sous trois formes (ou allèles)
: E2, E3 et E4. Les personnes porteuses de l'allèle E4 de ce gène présentent un
risque accru de développer la maladie d'Alzheimer.
Une équipe de recherche dirigée par la chercheuse Inserm
Sylvaine Artero au sein de l'unité 1061 Neuropsychiatrie : recherche
épidémiologique et clinique (Inserm/Université de Montpellier) a voulu mettre
en évidence les liens entre survenue de démences (en particulier la maladie
d’Alzheimer) chez l'humain, prédispositions génétiques liées à l'allèle E4
et consommation des sucres. Les chercheurs ont analysé les données sur 12 ans
de près de 2.800 participants de la cohorte française
des Trois Cités, qui suit depuis 1999 près de 10.000 Français de plus de 65
ans. Ses travaux ont été publiés dans la revue Alzheimer's and Dementia.
Ils ont étudié la survenue de 350 démences en lien avec les
habitudes alimentaires et plus particulièrement leur apport en charge
glycémique (la capacité de l'aliment à élever la glycémie en
fonction de la portion consommée) estimé sur quatre repas : petit
déjeuner, déjeuner, goûter, dîner. Chez les participants ne possédant pas
le génotype à
risque, l'équipe de recherche n'a décelé aucune association entre la survenue
de démences et la consommation des sucres lors des quatre repas quotidiens.
Le sucre au goûter augmente le risque de démence chez les personnes génétiquement prédisposées
Cependant, chez les participants possédant l'allèle E4 du
gène APOE, les chercheurs ont observé une association entre la
consommation des sucres lors du goûter et la survenue de démences.
Pour les personnes APOE4 ayant l'habitude de consommer un goûter, le
risque de développer la maladie d'Alzheimer était augmenté de 2 à 3 fois pour
chaque portion supplémentaire équivalente à la charge glycémique de 30 grammes de
baguette, et ce indépendamment de l'apport énergétique quotidien, de
l'activité physique,
de la présence de comorbidités ou
de l'adhésion à un régime alimentaire sain de type méditerranéen. En revanche,
aucune association de ce type n'a été révélée pour les autres repas de la
journée.
Mais, pour quelle raison la consommation des sucres
aurait-elle plus d'impact lors du goûter pour les personnes présentant des
dispositions génétiques ? Selon Sylvaine Artero, « une
hypothèse à envisager serait l'impact potentiel de l'insulinorésistance - pathologie impliquée
dans le diabète de
type 2 et favorisée par la consommation des sucres - sur le risque de
développer une démence ».
Le métabolisme du glucose chez les porteurs de l'allèle E4
En effet, il a déjà été montré chez l'animal que les porteurs
de l’allèle
E4 présentaient un métabolisme du
glucose moins performant. Ils seraient par conséquent plus susceptibles de
développer une insulinorésistance. Or, les aliments riches en sucres consommés
lors du goûter ont tendance à être pauvres en graisses et en fibres. Ils sont
consommés plus rapidement et sans être accompagnés d'autres types d'aliments
comme lors des principaux repas. Ils sont par conséquent absorbés beaucoup plus
rapidement dans le sang lors de la digestion,
déclenchant alors un pic d'insuline.
« Répété quotidiennement, ces pics d'insuline
pourraient induire à terme une insulinorésistance périphérique mais aussi
cérébrale (dans laquelle le cerveau est moins sensible à l’insuline et moins capable
d'utiliser le glucose) via le stress
oxydatif et l'inflammation,
ce qui favoriserait le développement des démences, des phénomènes auxquels les
porteurs de l'allèle E4 sont plus sensibles », précise Sylvaine
Artero.
« Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles
stratégies de prévention mais
doivent être confirmés par d'autres études en population et approfondis
par des études expérimentales afin de mieux comprendre les liens entre la
consommation des sucres, l'insulinorésistance et la survenue de démences », conclut-elle.
AGM
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