Énergie et climat : l'Afrique à la croisée des chemins
L'Afrique
est à la croisée des chemins : les choix énergétiques faits aujourd'hui pour sa
croissance économique détermineront non seulement son développement futur mais
aussi si le réchauffement climatique pourra être limité, ont averti diplomates
et experts participant à la COP25 à Madrid.
Deux
tiers de la population du continent africain vivent aujourd'hui sans électricité.
Si ses États ne s'orientent pas vers les énergies propres, ils risquent de
suivre la trajectoire basée sur des énergies polluantes empruntée par la Chine
et l'Inde, responsable de deux millions de morts prématurées par an dans ces
deux pays.
Une
croissance tirée par le pétrole, le gaz et spécialement le charbon pourrait
aussi conduire la planète en dehors des clous fixés par l'accord de Paris, soit
l'objectif d'un réchauffement climatique maintenu bien en dessous de 2°C, voire
à 1,5°C. La température moyenne mondiale a déjà augmenté de 1°C par rapport à
la période pré-industrielle.
L'Afrique
accueille 17% de la population mondiale, mais ne représente que 4% des
émissions de gaz à effet de serre mondiales. Sans l'Afrique du Sud et le
Maghreb, zone riche en hydrocarbures, ce pourcentage tombe à 1%.
"Les
Africains ne sont pas responsables du début de l'histoire dans la crise
climatique, mais ils vont avoir un grand impact sur la manière dont elle va se
terminer", dit à l'AFP Mohamed Adow, dirigeant du think tank Power shift
Africa et vétéran des négociations climatiques à l'ONU. "Le continent est
sur le point de basculer vers une voie de développement qui peut soit être
propre, soit basée sur les énergies fossiles", souligne-t-il.
L'Afrique
pourrait abriter au moins la moitié de la croissance de la population mondiale
au cours des 30 prochaines années, avec un doublement des habitants en zone
subsaharienne, selon l'ONU. Pour Tosi Mpanu Mpanu, négociateur pour la
République démocratique du Congo, la direction que va prendre l'Afrique
dépendra énormément de l'aide que le continent recevra d'autres régions et des
institutions internationales. "Si nous devons vivre dans un monde où le
réchauffement est contenu à 1,5°C, l'Afrique a un rôle à jouer", dit-il.
"Mais nous avons besoin de ressources financières, de transferts de
technologies, de moyens pour leurs mises en oeuvre, ce ne sont pas des demandes
extravagantes".
Énergies « propres » vs fossiles
Pour
l'Égyptien Mohamed Nasr, diplomate au ministère égyptien des Affaires
étrangères et actuel président d'un bloc de 54 nations africaines dans les
négociations climatiques, l'Afrique est face à un dilemme. "Nous voulons
agir contre le changement climatique. Mais la pauvreté est très élevée, il y a
des besoins dans l'éducation, la santé. La plupart des pays africains sont très
endettés", explique-t-il.
L'Egypte
offre un bon exemple de ces tiraillements. Le pays achève de construire le plus
grand parc solaire au monde, avec des financements de la Banque mondiale. Mais
sa capacité de 2 000 megawatts n'est rien à côté de la centrale à charbon dans
la zone de Hamrawein, en construction avec des financements chinois.
"La
Chine finance des projets basés sur le charbon représentant 30 gigawatts en
Afrique", indique à l'AFP Christine Shearer, du Global Energy Monitor.
"Nombre de ces projets entreront en service dans cinq ou dix ans,
enfermant les pays dans le charbon précisément au moment où les prix des
énergies solaire et éolienne devraient tomber bien en-dessous de ceux du charbon."
Aujourd'hui,
seule l'Afrique du Sud a une industrie du charbon développée, avec les problème
de santé afférents. "Dans le même temps, des projets et des secteurs
autour de l'énergie propre émergent en Ethiopie, au Kenya, au Maroc et en
Algérie", note Lauri Myllyvirta, analyste au Centre for Research on Energy
and Clean Air.
Il
faudra attendre plusieurs années pour savoir qui l'emportera dans cette lutte
acharnée entre énergies propres et fossiles. Pour que les énergies propres
l'emportent, il faut reconnaître le besoin d'éviter d'émettre des gaz à effet
de serre, pas seulement de les réduire, explique Mohamed Adow. "L'ONU doit
inciter l'Afrique à rester sur une voie +propre+", indique-t-il à l'AFP.
"Mais pour y arriver, il faut de l'argent et les technologies pour passer
à l'étape d'après les énergies fossiles."
A.G.M
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