Les économies africaines menacées par la crise du Covid-19 (CNUCED)
La crise sanitaire mondiale liée au Covid-19
s’accompagne d’ores et déjà de graves conséquences économiques pour l’Afrique,
alerte la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement
(CNUCED).
C’est le scénario tant redouté sur le continent
africain depuis le début de la propagation du coronavirus dans le monde. La
croissance du produit intérieur brut (PIB) de l'Afrique pourrait
passer de 3,2% à 1,8 % en 2020, estime la CNUCED. L’agence onusienne justifie
cette forte baisse par l’impact de la pandémie sur le commerce mondial et ses
répercussions pour les économies africaines.
Cette révision à la baisse du PIB en Afrique tient
toutefois compte de tous les impacts du ralentissement de l’économie mondiale
sur la croissance africaine, a précisé l’agence onusienne. « En revanche s’il y
une expansion importante de la pandémie en Afrique, ce qui n’est pas le cas
pour l’instant, les projections, voire une récession, pourraient s’aggraver »,
a déclaré Rolf Traeger, chef de la section sur les pays les moins avancés (PMA)
à la CNUCED, dans un entretien accordé à ONU Info.
Les pays africains producteurs d’hydrocarbures fragilisés par la chute des prix
Si les prévisions économiques initiales dans la
plupart des pays sont, en moyenne, revues à la baisse cette année en raison de
la pandémie de Covid-19, la CNUCED rappelle que la situation n’était pas déjà
favorable en Afrique.
« Etant donné qu’en 2019, la croissance économique
mondiale a été la plus faible depuis une décennie, on s’attendait à un
ralentissement de l’activité économique sur le continent », a rappelé M.
Traeger. « Maintenant, à la suite des conséquences de la pandémie sur la
récession mondiale qui se profile partout, pour l’année 2020 au moins pour le
deuxième et troisième trimestre, ça aurait un impact négatif très direct sur
les exportations, sur la croissance économique et sur les emplois en Afrique »,
a insisté l’économiste onusien.
Autre hypothèse avancée par la CNUCED, les pays
exportateurs de pétrole risquent d’être les plus durement affectés alors que
les cours de l’or noir sont en chute libre. « Il s’agit en particulier des pays
exportateurs de pétrole et en premier chef le Nigéria - premier exportateur de
pétrole en Afrique - mais aussi l’Algérie, l’Angola et la Libye », a précisé M.
Traeger.
La Commission économique des Nations Unies pour
l’Afrique (CEA) estime, pour sa part, que le Covid-19 pourrait entraîner une
baisse des recettes d’exportations de l’Afrique de plus 100 milliards de
dollars en 2020. Selon la CEA, rien que les pertes des exportations totales du
Nigéria de pétrole brut seraient estimées cette année entre 14 et 19 milliards
de dollars.
Le manque de diversification des économies africaines pourraient aggraver les pertes
La CNUCED estime que des pays africains comme la
Guinée équatoriale, la République du Congo et le Gabon - qui ne sont pas de
grands exportateurs en volume - risquent également d’être touchés par cette éventuelle
chute du commerce extérieur. « Ce ne sont pas de grands exportateurs de pétrole
mais leurs économies sont très fortement tributaires des exportations de
pétrole. Or la demande mondiale du pétrole et des produits énergétiques chute à
cause de la récession mondiale », a fait remarquer M. Traeger.
Avec le manque de diversification des économies
africaines, la CNUCED prévient que les pertes pourraient ne pas s’arrêter là.
Au-delà du pétrole, l’agence onusienne souligne que d’autres pays africains
sont tributaires des exportations d’autres produits de base et de métaux tels
que le cuivre. En Afrique de l’Ouest, des pays comme le Mali et le Burkina Faso
sont ainsi dépendantes de certaines exportations agricoles telles que le coton.
Pour tous ces pays, le Covid-19 rime aussi avec l’impact de la chute des cours
mondiaux des matières premières et de la réduction de la demande internationale
qui est provoquée par la récession mondiale. Une situation aggravée par la
chute de la production industrielle dans des pays fortement industrialisés
telle que les Etats-Unis, la Chine et ceux de l’Europe.
Si ces schémas ne semblent pas prometteurs, des pistes
sont avancées sur l’éventualité d’une reprise de l’activité économique en
Chine, premier importateur mondial de matières premières. « Ça peut limiter la
casse, mais du fait de la récession dans les pays industrialisés, ça aurait un
impact sur les prix des matières premières et la demande sur les produits de
base », a indiqué M. Traeger. D’autant que la CNUCED note qu’il faudra
plusieurs mois pour que la Chine revienne à son niveau d’activité d’avant
Covid-19. De plus, Beijing n’est pas à même de tirer seul l’économie mondiale
alors que « d’autres économies importantes telles que l’Amérique du nord et
l’Europe entrent en récession ». Pour l’agence onusienne, cela aura « un impact
négatif sur la Chine », et par ricochet pour « le reste du monde ».
Le Sénégal plaide pour l’annulation de la dette du continent africain
Dans la perspective d’un scénario rapprochant
l’Afrique de la « ligne rouge », certaines voix s’élèvent pour demander un
allégement ou une annulation de la dette africaine.
« L’Afrique, à l’image du monde, est gravement
atteinte par la pandémie du Covid-19 qui va durablement impacter son économie
», a alerté mercredi le Président du Sénégal, Macky Sall, sur Twitter. Le chef
d’Etat sénégalais a demandé aux partenaires bilatéraux et multilatéraux de
l’Afrique d’accompagner la résilience du continent en annulant sa dette. Un
appel qui trouve un écho favorable à la CNUCED qui se dit « complètement
d’accord ».
Plus largement, l’agence onusienne souscrit aux
mesures d’allégement de la dette car elle observait déjà bien avant le début de
la crise du Covid-19, une aggravation de la situation d’endettement dans
plusieurs africains et donc un alourdissement de la charge des services de la
dette.
En novembre dernier, la CNUCED estimait que l’encours
total de la dette extérieure des pays les moins avancés (PMA) a plus que doublé
entre 2007 et 2017, passant de 146 à 313 milliards de dollars. Or pour l’agence
onusienne, ces ressources, qui sont dédiées notamment au paiement d’intérêt de
la dette, « sont plus précieuses et encore plus importantes pour les budgets
nationaux ». Surtout que tous les pays devront faire face d’une part, à
l’augmentation des dépenses de santé et d’autre part aux besoins de simulation
fiscale de leur économie, vu la décélération de l’activité économique
internationale.
Pour la CNUCED, il est donc très important que la
communauté internationale réduise le fardeau du service de la dette et mette à
disposition des pays africains des financements en soutien aux activités
économiques.
La Banque mondiale et le FMI demandent au G20 d’alléger la dette des pays les plus pauvres
La Banque mondiale et le Fonds
monétaire international (FMI) ont appelé conjointement mercredi le G20 - forum
rassemblant les 19 premières écononies du monde et l’Union européenne - à
alléger la dette des pays les plus pauvres afin de les aider à surmonter les
défis posés par le Covid-19.
Mais pour la CNUCED, le meilleur scénario serait
évidemment « une annulation importante de la dette extérieure des pays
africains ainsi qu’une augmentation du financement, en mettant à disposition
des fonds, des nouveaux crédits ».
« Mais ce n’est pas le moment de mettre en place
certaines conditionnalités. Il est important de garantir l’accès à ces fonds
additionnels sans conditionnalité, notamment celles touchant à la
libéralisation du commerce extérieure », a précisé l’agence onusienne.
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