Et si on stockait le CO2 ?
Récupérer
le CO2 pour le stocker : c'est l'une des solutions pour limiter les
émissions de ce gaz à effet de serre. Mais les financements manquent.
Il
faut imaginer une roche poreuse, à quelque 1 000 mètres sous le niveau de
la mer. Elle est parcourue de fines veines, remplies d'eau saumurée. On y
injecte le CO2, récupéré sur terre à la sortie des cheminées d'usine, par
exemple. Ce gaz, liquéfié et comprimé, s'insère dans les veines, repoussant
l'eau emprisonnée. Il est alors stocké, pendant des centaines d'années, durée
de vie de la molécule. Il n'est plus dans l'air, il est sous terre. Pollue-t-il
les sous-sols, comme l'affirment quelques détracteurs du stockage du CO2 ?
Pas plus que le Perrier, qui est lui aussi un liquide rempli de gaz carbonique…
Cette
solution existera sans doute bientôt. Total participe à un projet
de transport et de stockage du CO2, qui devrait être enfoui dans des roches
situées au fond de la mer du Nord, d'ici à 2024. On pourrait y conserver
800 000 tonnes de CO2 produites chaque année par une cimenterie et
l'incinérateur de déchets d'Oslo. Le pétrolier a par ailleurs déjà testé avec
succès le stockage du CO2 en petites quantités à Lacq, dans les anciennes
poches souterraines qu'occupait le gaz du sud-ouest.
Tripler le prix du carbone
Mais
il s'agit d'accélérer la manœuvre. Lors d'une conférence organisée à Paris vendredi
15 novembre sous l'égide de l'IFP-Énergies Nouvelles, plusieurs experts
ont insisté sur la nécessité de passer à la vitesse supérieure. Selon plusieurs
rapports, les émissions de CO2 ne cessent d'augmenter (+ 1,7 %
entre 2017 et 2018 selon l'Agence internationale de l'énergie, qui
évoque un « pic historique »). À elles seules, les centrales à
charbon émettent chaque année, dans le monde, 10 milliards de tonnes de
CO2, notamment en Asie.
L'objectif de l'accord de Paris (limiter à 2 degrés maximum les
températures d'ici à 2100) ne pourra être atteint sans des soutiens massifs aux
industries, qui ne peuvent substituer rapidement les énergies fossiles
(charbon, pétrole…) qu'elles emploient. Là intervient le captage et le
stockage, ainsi que la réutilisation du CO2.
Baptisé
CCUS (Capture du carbone, utilisation et stockage), ce procédé revient sur le
devant de la scène dans la foulée de l'accord de Paris. Avant 2015, plusieurs
centres de recherches, dont l'IFP-EN, avaient planché sur le sujet, avant de
mettre de côté leurs travaux, faute de crédits. L'une des principales mannes
financières, le système de quotas d'émissions de carbone, ne fonctionne pas
assez bien. Son montant (environ 25 euros la tonne de CO2 produite) ne
dissuade pas assez les industriels, et ne procure pas assez de rentrées
d'argent pour financer la recherche et le développement. Selon les experts, il
faudrait donc tripler ce prix, et obtenir le soutien massif des gouvernements
et de l'Union européenne afin de promouvoir le CCUS.
Selon
le scénario « Développement durable » de l'Agence internationale de
l'énergie pour 2040, le CCUS peut participer pour 7 % à la réduction des
émissions de gaz carbonique. Il faudrait pour cela passer de 30 millions
de tonnes captées chaque année à 2 300 millions de tonnes. Mais,
assure Mechthild Wörsdörfer, responsable de ces questions à l'AIE, « il
faudra lancer beaucoup de projets, trouver les financements et s'assurer qu'il
y a assez de solutions de stockage ». L'IFP-EN estime à 2000 le
nombre de projets de captage et de stockage qu'il faudrait lancer en France d'ici à 2050, soit
dix fois plus qu'aujourd'hui.
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