Incendies : les forêts boréales perdent leur capacité à absorber le carbone
Alors
que les incendies se font plus fréquents, une plus grande partie du carbone
« entreposé » dans les forêts part en fumée. Et les forêts qui
renaissent ensuite ne sont pas aussi efficaces pour séquestrer à leur tour le
carbone.
Pendant
des millénaires, les forêts boréales du Grand Nord ont aspiré du carbone et
réduit du même coup la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Mais
à présent, alors que la saison des grands feux semble devenir plus fréquente en
Alaska, au Canada, en Sibérie et en Scandinavie, les scientifiques préviennent
que ces vastes forêts pourraient passer de puits de carbone à émetteurs de
carbone.
Déjà,
un arbre qui brûle renvoie dans l’atmosphère tout le carbone qu’il avait
emmagasiné. Le risque lors de grands feux est aussi de relâcher le
« vieux » carbone qui s’était accumulé dans le sol, une quantité plus
importante que le carbone emmagasiné par les arbres eux-mêmes.
Dans
une étude publiée en août par la revue Nature, des
chercheurs écrivent que certains des incendies des forêts à dominance de
conifères, dans les Territoires du Nord-Ouest en 2014, ont émis du carbone qui
était auparavant séquestré dans le sol depuis des siècles.
La
fréquence des incendies influence le sort de ce « carbone en
héritage », conclut l’étude. Les zones de forêts brûlées les plus
susceptibles de relâcher ce vieux carbone étaient celles qui avaient également
subi un incendie au cours des 60 années précédentes.
Lorsque
l’intervalle entre deux grands incendies est plus grand, les couches de tourbe
et autres matériaux organiques sur le sol sont d’ordinaire assez épaisses pour
protéger le carbone des flammes, explique la chercheure au post-doctorat de
l’Université Northern Arizona, Xanthe Walker, auteure principale de l’étude.
« Mais si cet intervalle est très court, ce vieux carbone est plus près de
la surface. »
Des
années plus chaudes et plus sèches mettent de plus ce « carbone en
héritage » à risque, poursuit Walker. « Lorsque le sol s’assèche, le
feu peut évidemment brûler plus en profondeur. »
Ce
« carbone en héritage » était vieux de 118 à 1670 ans, dans les
différents échantillons de sols recueillis pour cette étude. Celle-ci a été
menée par des chercheurs de l’Université Northern Arizona, de l’Université de
l’Alaska à Fairbanks, du Centre de recherche Woods Hole et de quatre
universités canadiennes.
La
saison des feux 2014 avait battu un record pour les Territoires du Nord-Ouest,
avec 8,4 millions d’acres brûlés. De telles saisons sont censées devenir plus
fréquentes dans le futur, à mesure que le climat continue de se réchauffer.
Les
forêts boréales à travers tous les territoires circumpolaires emmagasinent de
30 à 40% du carbone basé sur la terre ferme et la grande majorité est
emmagasinée dans les sols. Une fréquence accrue d’incendies pourrait changer
ces chiffres, et les changer très tôt, prévient l’étude :
Un accroissement de la sévérité des incendies, avec une plus grande fréquence et davantage de jeunes peuplements brûlés, pourrait entraîner la destruction de sols organiques plus en profondeur et (…) transformer les forêts boréales d’un absorbeur net de carbone à une source nette de carbone.
Des
travaux précédents du même projet, le Arctic-Boreal Vulnerability Experiment, avaient
conclu que 90% du carbone brûlé dans les incendies de 2014 provenait de la
couche de sol organique, plutôt que des arbres au-dessus du sol. En tout, ces
incendies auraient émis 95,3 téragrammes de carbone, l’équivalent de près de la
moitié du carbone absorbé chaque année par les écosystèmes terrestres de
l’ensemble du Canada. Ces chiffres se retrouvent dans une étude parue l’an
dernier dans la revue Global Change Biology.
Les
incendies de cette année en Alaska et ailleurs dans le Grand Nord ont
probablement libéré aussi du carbone en héritage, selon Walker. En raison d’un
été exceptionnellement chaud et sec, les feux dans le centre-sud de l’Alaska
ont pénétré profondément dans le sol, selon la Division des forêts de
l’Alaska. Dans le Nord de la Russie, les incendies approchaient d’un nouveau record en août, selon les
autorités locales.
Une
autre étude parue en août dans Nature Plants prédit
qu’en Alaska, cette fréquence accrue d’incendies pourrait changer la végétation
d’une domination de forêts à feuilles persistantes à des forêts à feuilles
caduques. Ces dernières brûlent moins bien, mais emmagasinent typiquement moins
de carbone dans leur sol.
A.G.M
Source
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire