Les eaux souterraines, une mine d’or pour l’Afrique
Les
résultats d’une étude publiée en août dans la revue Nature révèlent que les
réserves d’eaux souterraines en Afrique subsaharienne présentent une forte
résilience face aux changements climatiques.
Selon
le rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en
eau, publié en mars 2019, seulement 24% de la population mondiale a accès à une
source sûre d’eau potable en Afrique subsaharienne.
“Les projections actuelles qui concluent à une diminution des stocks d’eaux souterraines doivent être revues en prenant en compte les nouvelles connaissances sur le processus de renouvellement de cette ressource.”
Jean-Michel
Vouillamoz, hydrogéologue à l’IRD
L’étude
a été réalisée par un consortium de 32 chercheurs internationaux qui ont
recueilli des données sur le renouvellement des stocks d’eaux souterraines dans
neuf pays présentant une gamme de climats allant d’hyperaride à humide.
L’analyse
des données indique que le renouvellement des stocks d’eaux souterraines est
lié aux fortes pluies et inondations qui pourraient s’amplifier avec le
changement climatique.
Le
volume d’eaux renouvelées dans une zone est également tributaire de la géologie
du milieu. Ainsi, précisent les auteurs, une diminution de la pluviométrie
n’entraîne pas forcément une baisse du stock d’eaux souterraines.
Jean-Michel
Vouillamoz, hydrogéologue à l’IRD et co-auteur de l’étude, estime que ces
résultats ont permis de comprendre pour la première fois le rôle que joue le
climat dans le processus de renouvellement des eaux souterraines.
«
En termes d’accès à l’eau potable, les projections actuelles qui concluent à
une diminution des stocks d’eaux souterraines doivent être revues en prenant en
compte les nouvelles connaissances sur le processus de renouvellement de cette
ressource », a-t-il confié à SciDev.Net.
Sous-exploitation
D’après
les auteurs de l’étude, la disponibilité des réserves d’eaux souterraines
pourrait permettre de résoudre les problèmes d’accès à l’eau potable en Afrique
subsaharienne.
En
effet, les eaux souterraines constituent la principale source
d’approvisionnement en eau potable des populations.
Au
Sénégal, par exemple, elles représentent presque 100% des sources
d’approvisionnement en eau dans les milieux ruraux sous formes de forages ou de
puits traditionnels ; et 60% dans les milieux urbains, selon le Professeur
Serigne Faye, enseignant-chercheur à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar.
Le
chercheur estime que le faible taux d’accès à l’eau potable en Afrique
subsaharienne, malgré la disponibilité de la ressource, peut s’expliquer par un
déficit de planification, mais surtout par une sous-exploitation des ouvrages
d’eau potable, notamment les forages.
Généralement,
dans les pays africains, explique Serigne Faye, chaque village veut avoir le
contrôle sur son propre forage, alors que dans certaines zones, il est possible
de mettre un seul ouvrage et d’en faire profiter plusieurs villages à travers
des adductions d’eau.
«
Résultat, la majorité des ouvrages mis en place dans les milieux ruraux
tournent en sous-régime, alors qu’ils ont nécessité de lourds investissements
», regrette le chercheur, qui appelle à une meilleure planification des
politiques d’accès à l’eau.
Coopération
La
qualité de l’eau est également un obstacle à l’exploitation optimale des
réserves d’eaux souterraines, selon Serigne Faye. Certaines eaux souterraines
sont naturellement de mauvaise qualité ou polluées par les activités humaines,
compliquant ainsi leur exploitation, explique-t-il.
Jean-Michel
Vouillamoz propose, pour sa part, que des recherches supplémentaires soient
effectuées pour établir les liens entre les activités anthropiques et les
variations de stocks d’eaux souterraines.
Pour
lui, une gestion durable des réserves d’eaux souterraines passe également par
une amélioration des connaissances des stocks actuels.
«
Il existe clairement des déficits de connaissances qui demandent à être comblés
pour mieux valoriser les eaux souterraines. Il s’agit, par exemple, de la
quantification des stocks actuels ou encore de l’évaluation des liens entre les
changements d’occupation des sols et les variations des stocks d’eaux
souterraines », précise Jean-Michel Vouillamoz.
Serigne
Faye plaide, en outre, pour une collaboration entre les chercheurs africains
et, plus loin, entre les pays frontaliers, en vue d’optimiser l’exploitation
des eaux souterraines.
Car,
note-t-il, « les eaux n’ont pas de frontières. »
A.G.M
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