Le royaume du Lesotho, pionnier africain du cannabis thérapeutique
Le
cannabis qui y pousse est légal et dûment réglementé, rappelle l'AFP.
Il
y a deux ans, le Lesotho, petit royaume de 2,1 millions d'habitants enclavé au
cœur de l'Afrique du Sud, avait décidé de miser sur ce nouvel eldorado en
devenant le premier pays africain à autoriser la culture du
cannabis thérapeutique, rapportait alors franceinfo Afrique.
Selon
la loi, ses graines sont largement épurées : ce cannabis ne peut contenir
plus de 0,03% de tétrahydrocannabinol (THC), l'agent psychoactif de la plante.
Il contient quasiment uniquement du cannabidiol (CBD), substance non
psychoactive.
Installée
au Lesotho, l'entreprise Medigrow (en
partenariat avec le canadien Supreme Cannabis) a investi 17,4 millions
d'euros sur son site des environs de la capitale Maseru et construit
actuellement un héliport pour transporter son "or vert" de façon plus
rapide et plus sécurisée, affirme son chef des opérations, Relebohile Liphoto.
Un investissement important, en phase avec les perspectives de développement du
marché mondial du cannabis à usage médical, qui sont colossales. Aujourd'hui
estimé à 150 milliards de dollars (135 milliards d'euros), il pourrait
atteindre en 2028 les 272 milliards de dollars (248 milliards
d'euros), selon les calculs de la banque Barclays.
"Nous
allons produire plus de 1000 litres d'huile de CBD",
confie le chef des opérations de Medigrow à propos de son exploitation au
Lesotho. "Selon l'état du marché, on peut vendre un litre d'huile
de cannabis entre 6000 et 21 000 dollars" (entre 5446 et
19 062 euros), ajoute-t-il.
Priorité aux étrangers
"C'est
une énorme opportunité pour le pays", assure à l'AFP
la vice-ministre de la Santé, Manthabiseng Phohleli. Frappé par le chômage, par
une épidémie de sida qui touche 23 % de sa population et confronté à un
manque criant de services publics, le Lesotho fait partie des pays les plus
pauvres de la planète : il se trouve au 159e rang sur 189 du classement du développement humain de l'ONU.
Le
fait d'avoir autorisé la culture du cannabis thérapeutique "attire
les investisseurs" au Lesotho, se réjouit Manthabiseng Phohleli.
Elle souligne qu'"une dizaine d'entreprises œuvrent déjà sur le
territoire".
Cultiver
cet or vert a un prix : une licence annuelle de 30 000 euros à verser
à l'Etat, renouvelable chaque année. Cette somme, considérable pour les
entreprises du pays à l'aune de la fragile économie du Lesotho, a jusque-là
permis aux sociétés étrangères, notamment canadiennes et américaines, de
dominer le marché.
En
revanche, les agriculteurs locaux en sont largement exclu. Mothiba Thamae, 38
ans, cultive des pommes, des pêches et du raisin sur ses 7,5 hectares depuis
plus de 20 ans. Lui aussi aurait bien aimé profiter de cette manne. "Nous
pensions nous lancer dans le cannabis lorsqu'il a été légalisé. Mais la licence
est bien trop chère pour nous, raconte-t-il à l'AFP. On espérait
que le gouvernement donnerait une opportunité aux petits fermiers Basotho (l'ethnie
locale) d'en cultiver légalement. Malheureusement, non",
poursuit-il.
Déjà au XVIe siècle
Le
petit pays d'Afrique australe est surnommé "le Royaume du
Ciel" : il est le seul au monde dont toutes les terres se
trouvent à plus de 1400 mètres d'altitude. De plus, il bénéficie d'un
ensoleillement important réparti tout au long de l'année et de terres fertiles.
Autant de conditions idéales pour la culture du cannabis.
Dans
les campagnes, les habitants n'ont d'ailleurs pas attendu la légalisation:
depuis des siècles, ils font pousser la "matekoane", le
cannabis en langue sesotho. "La première trace historique de la
présence de'matekoane' remonte au XVIe siècle, selon le
chercheur Laurent Laniel, de l'European Monitoring
Centre for Drugs and Drug Addiction. "Les Koenas se
seraient installés au Lesotho vers 1550 en achetant des terres contre de la
marijuana." Encore aujourd'hui, cette culture assure une part
importante des revenus de nombre de petits agriculteurs.
Shasha
possède une plantation de maïs dans le centre du pays. Entre les épis, il
cultive illégalement du cannabis depuis une vingtaine d'années. "Les
légumes nourrissent ma famille. L'argent du cannabis, c'est du bonus, cela me
permet de survivre, de payer l'école à mes enfants", confie cet
agriculteur, sous le couvert de l'anonymat. Il peut compter sur de nombreux
contrebandiers pour écouler sa marchandise. "Tous les mois, je
peux passer jusqu'à 80 kilos de l'autre côté" de la frontière
avec l'Afrique du Sud, affirme l'un d'eux à l'AFP. "Cela
rapporte entre 400 et 500 euros", ajoute-t-il.
L'Office
des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) estime que 70% du cannabis en Afrique du Sud provient
des montagnes du "Royaume du Ciel". "La
marijuana est la troisième source de revenus", affirme l'organisation
onusienne.
A.G.M
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