Climat: les forêts tropicales, un "poumon" qui s'essouffle
Particulièrement
vulnérables au changement climatique et victimes de déforestation massive, les
forêts des tropiques donnent des signes d’essoufflement, faisant craindre
qu'elles ne puissent plus jouer pleinement leur rôle de puits de carbone, vital
pour freiner le réchauffement.
Les
forêts, poumons de la planète avec les océans, absorbent entre 25 et 30% des
gaz à effet de serre émis par l'homme, proportion qui se maintient malgré la
hausse des émissions ces dernières décennies. En clair, sans elles, le
dérèglement climatique serait bien pire.
L'augmentation
du CO2 dans l'atmosphère est supposée stimuler la photosynthèse. En principe,
bonne nouvelle pour le climat: plus d'arbres et de feuilles qui absorbent à
leur tour plus de CO2 responsable du réchauffement.
Mais
dans les forêts tropicales, qui représenteraient environ un tiers des 3.000
milliards d'arbres du globe, d'autres facteurs, de la hausse des températures
au manque de nutriments, limitent la photosynthèse, selon une série d'études
publiées cet été.
"Pendant
longtemps, on a parlé des forêts tropicales comme de puits de carbone: les
stocks de biomasse augmentaient régulièrement", explique Jean-Pierre
Wigneron, de l'Institut national français de recherche agronomique. Mais
"aujourd'hui, la situation a changé: les stocks sont stables".
A
partir de données satellite, le chercheur et ses collègues ont estimé que la
biomasse végétale aérienne de la zone tropicale est restée stable depuis 2010,
selon une étude publiée fin juillet dans la revue Nature Plants.
Une
autre publication dans Nature Communication cette semaine, qui a également pris
en compte les émissions venant du sol, va plus loin: les Tropiques sont devenus
un contributeur net en CO2.
"Une
sécheresse étendue et des changements importants de l'utilisation des terres
dans une région où les sols sont riches en carbone sont des conditions qui
pourraient entraîner une libération du carbone du sol", commente son
auteur principal Paul Palmer.
En
2017, une étude dans Sciences avait déjà tiré la sonnette d'alarme, assurant
que les tropiques émettaient plus de CO2 qu'ils n'en capturaient, en raison de
la déforestation qui rejette le gaz dans l'atmosphère.
Mais
au delà de confirmer cette tendance, les deux nouvelles études montrent
l'intervention d'autres facteurs dans l'essoufflement des forêts tropicales: la
hausse des températures et la sécheresse, illustrées lors du fort épisode el
Niño de 2015-2016.
- Chaud, mais pas trop -
"Il
y a vraiment une différence, au moins sur le passé récent, entre les régions
arides plutôt habituées à la sécheresse et qui ont un bon taux de récupération,
et les forêts tropicales humides, en particulier en Afrique, qui sont plus
vulnérables à la sécheresse", commente Philippe Ciais, du Laboratoire des
sciences du climat et de l'environnement, qui avait mis en évidence dans une
autre étude au printemps l'existence d'une température "optimale"
pour la croissance des arbres.
Pour
une photosynthèse idéale, les arbres ont besoin de soleil et de chaleur, mais
pas trop. Et ils ont aussi besoin de suffisamment d'eau, note Jean-Pierre
Wigneron.
Sans
oublier les nutriments. Une récente étude dans Nature Geoscience estime ainsi
que l'appauvrissement en phosphore du sol de l'Amazonie limite la croissance
des arbres malgré l'apport supplémentaire en CO2.
Une
autre étude cette semaine dans Nature Climate Change est plus optimiste,
estimant que le CO2 "continuera à stimuler la biomasse végétale malgré les
effets contraignants des nutriments du sol", comme le phosphore et
l'azote. Ainsi, la biomasse végétale devrait croître de 12% d'ici 2100,
augmentant son absorption de carbone "de l'équivalent de 6 années
d'émissions" de CO2, explique à l'AFP Cesar Terrer, de l'université de
Stanford.
Les
conclusions de son équipe, qui concernent l'ensemble du monde, ne lèvent pas
pour autant les inquiétudes sur les forêts tropicales. "Dans l'hémisphère
nord, la séquestration du carbone dans les forêts est plus importante depuis
une trentaine d'années", souligne Philippe Ciais. Mais pourront-elles
compenser les faiblesses des tropiques ?
Dans
un rapport publié début août, les experts climat de l'ONU (Giec) s'inquiétaient
en tout cas de "l'incertitude liée à l'avenir du puit de carbone
terrestre".
Face
à cette menace, les opérations de plantation d'arbres à large échelle se
multiplient, soutenues par certains scientifiques qui y voient une opportunité
majeure de freiner le réchauffement.
"La
reforestation ne devrait pas être découragée, mais les forêts ne pourront
stocker qu'une petite partie des émissions liées aux énergies fossiles du
siècle", tempère Paul Palmer.
A.G.M
Source : AFP
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