Bientôt sous l'eau, Jakarta ne sera prochainement plus la capitale politique de l'Indonésie
Alors que Jakarta sombre peu à peu dans l'eau, le
gouvernement indonésien a décidé que la ville ne serait bientôt plus la
capitale politique du pays. Beaucoup d'habitants resteront sur place.
Jakarta se noie. Ses sols se dérobent sous le poids
des constructions, ses fondations sont fragilisées par le pompage des nappes
phréatiques et la mer monte. Autant de raisons, parmi d'autres, pour le
gouvernement indonésien
de changer de capitale.
Jakarta ne serait plus une capitale politique
Mais une grande partie des 10 millions d'habitants de
Jakarta sont, eux, condamnés à rester au sein de la mégalopole engorgée et
menacée. Au rythme actuel, un tiers de la ville pourrait se retrouver sous les
eaux d'ici 2050, selon des experts environnementaux. En réponse à ces maux,
auxquels s'ajoutent les terribles embouteillages, la pollution et les risques
sismiques, le gouvernement a annoncé en mai 2019 qu'il déciderait en 2019 de
l'emplacement d'une nouvelle capitale politique. Le choix de sa localisation -
alors que Jakarta, sur l'île de Java, resterait la capitale économique -
pourrait être imminent, selon les médias indonésiens. "Le projet de
relocaliser la capitale est sérieux. C'est décidé", a déclaré en
juillet 2019 le président indonésien Joko Widodo.
Pas de réseaux d'adduction d'eau dans les quartiers nord
C'est le nord de la ville qui est le plus menacé. Là,
des quartiers entiers, qui longent la côte, s'affaissent sous le niveau de la
mer. "A chaque inondation, je me mets à trembler",
témoigne Rasdi, propriétaire d'un stand de nourriture. "J'ai failli me
noyer en 2007. Tout ce que je possédais a été emporté et j'ai dû tout
recommencer à zéro", poursuit-il, depuis sa maison près du port.
Bâties sur des marécages, près du confluent de 13 rivières, les fondations de
la ville ont été encore fragilisées par un développement fulgurant, avec de
nouveaux bâtiments et gratte-ciel, une circulation intense, et une mauvaise
planification urbaine. De plus, les quartiers nord de Jarkarta n'ont pas de
réseau d'adduction d'eau, aussi les industries locales et des millions
d'habitants puisent-elles dans les nappes phréatiques. En conséquence,
Jakarta s'affaisse de 25 cm par an dans certaines zones, soit le double de la
moyenne mondiale des grandes villes côtières. Certaines parties de la ville se
trouvent désormais à quatre mètres sous le niveau de la mer, et des millions de
personnes sont à la merci de catastrophes naturelles.
"Construire des murs n'est pas un solution pérenne"
Car si les inondations sont
déjà fréquentes à la saison des pluies, le phénomène devrait s'aggraver avec la
hausse du niveau des mers provoquée par le changement climatique. Un simple
regard permet de mesurer l'étendue du problème : sur le front de mer, il ne
reste que le squelette d'une mosquée abandonnée, en partie submergée. Les
routes sont jonchées de vastes flaques d'eau, le rez-de-chaussée de plusieurs
maisons n'est plus habitable, et de petites cabanes sur pilotis bordent le
front de mer jonché d'ordures. "Vous pouvez voir de vos propres yeux",
s'exclame Andri, 42 ans. Son bras désigne un point au loin. "Quand
j'étais enfant, j'avais l'habitude de nager là-bas". "Avec le
temps, l'eau n'a cessé de monter".
Les autorités locales cherchent désespérément des
solutions pour Jakarta : un projet de construction d'îles artificielles dans la
baie, qui servirait de tampon avec la mer de Java, et d'un vaste mur côtier a été
approuvé. Mais il n'y a aucun garantie que le projet, estimé à 40 milliards de
dollars, et qui a déjà des années de retard, résoudrait le problème. Des murs
de béton ont déjà été édifiés dans le district de Rasdi, et d'autres quartiers
à haut risque. Mais l'eau s'y infiltre déjà, se répandant dans le labyrinthe de
ruelles étroites et les masures des quartiers les plus pauvres. "Construire
des murs n'est pas un solution pérenne", assure Heri Andreas, géologue
à l'Institut de technologie de Bandung. "Nous devons repenser notre
gestion de l'eau". Pour lui, le principal coupable est l'extraction
excessive d'eau souterraine, et sans un réseau complet d'adduction, il n'y a
aucun moyen de résoudre le problème, assure-t-il.
Venise, Shanghai, la
Nouvelle-Orléans ou encore Bangkok sont aussi menacées par les eaux, mais la
capitale indonésienne a trop peu réagi, juge le géologue. Les autres
"ont pris des mesures pour atténuer le phénomène",
constate-t-il. "C'est cher", reconnaît-il, "mais si
nous regardons les conséquences, ça en vaudra la peine". En attendant,
la résignation est parfois la seule réponse. "Je suis inquiet, mais je
ne peux rien faire", résume Rastini, 40 ans, qui gratte la coque des
palourdes ramassées par les pêcheurs locaux. "Depuis que je suis enfant,
je vis ici. Et je resterai ici".
A.G.M
Source : © 2019 AFP
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire