Fléaux agricoles: la maîtrise de la lutte biologique, une priorité nationale
ALGER
- La maîtrise de la lutte biologique contre les fléaux agricoles constitue
désormais une "priorité nationale" afin de réduire l’utilisation des
pesticides, dont l'impact négatif est avéré, a affirmé dimanche à Alger un
responsable de l'Institut national de la protection des végétaux (INPV).
Sans aucune incidence sur l'homme et son
environnement, la lutte biologique est "la meilleure arme contre les
ravageurs des cultures", a affirmé le directeur général adjoint de l'INPV,
Hamid Bensaad, dans un entretien à l'APS, soulignant avec satisfaction une
prise de conscience chez les agriculteurs algériens de l'importance de cette
nouvelle pratique.
Interrogé sur les avancées de l'Algérie en matière
de lutte biologique, Dr Bensaad a admis que le pays n'était pas encore dans la
"recherche scientifique pointilleuse", néanmoins, les cadres de
l'INPV sont "très au fait" des nouvelles pratiques grâce aux
formations à l'étranger, dans le cadre de la coopération avec les centres de
recherches notamment européens.
A titre illustratif, Dr Bensaad a cité la lutte
biologique et biotechnologique contre la mineuse de la tomate (MDT), un
papillon ravageur à l'origine de pertes colossales, allant parfois jusqu'à 100
% dans certaines serres.
"Pour y faire face, nous avons importé des
punaises prédatrices de ce papillon, appelées Nésidiocoris, que nous avons
introduites dans des centres d'élevage pour favoriser leur multiplication et faire
des lâchers dans les cultures de tomates, ce qui avait permis de réduire la
population de la MDT ", a-t-il expliqué.
En parallèle, a-t-il poursuivi, les techniciens et
les chercheurs de l'INPV avaient installé des pièges de phéromone aux endroits
stratégiques pour capter les mâles de façon massive ce qui a permis de diminuer
de façon significative la reproduction de cet insecte ravageur.
Actuellement, l’INPV dispose de trois centres
d’élevage de ces insectes utiles, a-t-il indiqué.
Tout en soulignant l'efficacité de la lutte
biologique, Dr Bensaad a affirmé que le recours aux pesticides dans les
opérations de lutte contre les fléaux agricoles est souvent imposé par
l'invasion ou la recrudescence de ces ennemis de l'agriculture.
Cet expert considère qu'il est préférable d'agir en
amont notamment à travers les campagnes de prévention qui consistent à
enseigner les bonnes pratiques aux agriculteurs et les inciter à respecter
scrupuleusement les techniques de lutte afin de préserver la santé humaine et
l'environnement.
Abondant dans le même sens, le directeur de la lutte
anti-acridienne à l'INPV, Mohamed Lazar, considère que la prévention permet de
traiter, à temps, sur des surfaces bien réduites et ciblées, limitant ainsi la
prolifération des insectes nuisibles sans recourir à l'utilisation massive des
produits chimiques en traitant toutes les cultures, avec tous les dégâts
écologiques et économiques que cela peut engendrer.
Les
TIC comme moyens de lutte
Pour étayer ses propos, Dr Lazar a évoqué les opérations
de prévention dans la lutte antiacridienne qui commence à donner ses fruits au
cours des dernières années: "Très peu de superficies ont été traitées par
les pesticides, entre 3.000 à 4.000 hectares ces dernières années, contre 5
millions d’hectares traités en 2005".
Selon lui, la gestion acridienne avait nécessité 30
milliards de dinars, sans compter l'impact négatif des pesticides utilisés
contre l'invasion du criquet à l'époque, alors que le coût des campagnes de
prévention ne dépasse pas 1 % de cette somme.
De son côté, la directrice de la lutte contre les
fléaux agricoles à l’INPV, Bouchra Boudaoud, a mis en exergue le rôle de la
lutte biologique dans la préservation des écosystèmes, évoquant dans ce sens un
projet de l’INPV avec la direction des forêts pour développer les prédateurs se
nourrissant de la mérione de Shaw, plus connue sous le nom du rat des champs.
Il s’agit de faire des lâchers de rapaces nocturnes
dans les zones reculées où il n’y a pas d’activité agricole du fait que ce
rongeur se reproduit en dehors des zones agricoles pour envahir les cultures
dès le début d’automne", a-t-elle expliqué.
Par ailleurs, elle a relevé que l’utilisation des
raticides contre les rongeurs, nuit à l'écosystème en entrainant souvent
l’empoisonnement les prédateurs des rats tels les chouettes et les hiboux.
Mme Boudaoud a assuré que la pullulation de ce
ravageur a enregistré une baisse significative, précisant que 35.000 hectares
en moyenne ont été ravagés durant la campagne 2017-2018, comparativement à celle
de 2004-2005, où ce fléau avait dévasté plus de 500.000 hectares de
cultures maraichers à travers 29 wilayas du pays entrainant des pertes de 30%
de la production.
Cette experte des fléaux agricoles a tenu à préciser
que la première invasion de ce rongeur, remontait aux années 1990, où la
pullulation avait atteint plus de 200.000 hectares à travers 20 wilayas,
notamment les wilayas céréalières des hauts plateaux.
Selon elle, beaucoup d’agriculteurs avaient fui
leurs terres durant la décennie noire en raison de la situation sécuritaire, et
tout au long de cette période les sols n'ont pas été travaillés. Ce qui
explique d'ailleurs la recrudescence de ce fléau qui a trouvé l'environnement
propice pour pulluler tranquillement.
Très nuisible, ce ravageur vit sous terre en
creusant 10 à 30 terriers à l’hectare voire plus, "sachant que chaque
terrier comporte un rongeur de 520 à 500 grammes, qui consomme10% de son poids
journellement sur une période de trois mois "ce qui entraine des dommages
considérables".
A ces pertes, s’ajoutent les réserves que ce rongeur
emmagasine en prévision de la saison hivernale (entre 20 et 30 kilos) pour
nourrir ses petits, sachant que dans une dizaine d’hectares de champs
céréaliers infesté, les pertes peuvent dépasser 1,5 tonnes.
D'autre part, cette responsable a évoqué le rôle des
nouvelles technologies de l’information et de la communication dans la lutte
contre les fléaux agricoles durant ces dernières années.
"Actuellement, nous disposons d'une base de
données numérique en temps réel sur la localisation des sites à surveiller et
les périodes à haut risque ce qui nous permet d'intervenir au moment opportun
contre la propagation des ennemis de l'Agriculture et de limiter sensiblement
les saccages qu'ils pourraient occasionner", a-t-elle fait valoir.
En ce qui concerne la lutte contre la mérione, elle
a indiqué que la l'INPV disposait d'un réseau de surveillance et de lutte
contre les fléaux agricoles composé d'inspecteurs phytosanitaires notamment
ainsi que les agriculteurs qui sont très impliqués dans la lutte contre ce
fléau.
"Ce sont eux qui nous alertent dès qu’ils
constatent une activité de ce rongeur, ce qui nous permet d'intervenir rapidement
avant sa propagation vers d'autres champs et ne épargner l'utilisation de
grandes quantités de raticides", a-t-encore expliqué.
Source : APS
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