Initié
par l’adolescente suédoise Greta Thunberg en août 2018, le Mouvement des jeunes
pour le climat continue de gagner du terrain dans le monde entier. Chaque
vendredi, des milliers d’enfants, adolescents, écoliers, étudiants et
activistes se mobilisent dans différentes villes de leurs pays : ils
exigent des réponses immédiates aux crises climatique et écologique pour
permettre aux futures générations d’humains, de plantes et d’animaux, de
pouvoir vivre sur Terre dans des conditions décentes.
Les
efforts de ces jeunes – comme ceux d’autres groupes comme Green Peace et Extinction Rebellion – ont déjà d’une
manière ou d’une autre poussé certains parlements à déclarer l’état d’urgence
climatique : en Écosse
et au Pays de Galles, au Royaume-Uni,
en Irlande et
dans la cité allemande de Konstanz.
Néanmoins,
la réception dudit mouvement des jeunes pour le climat varie de pays en pays et
de région en région. Et il ne cesse d’alimenter de vifs débats et commentaires
au sein des communautés intellectuelles.
Dans
un article du Monde Afrique paru le 24 mars 2019,
l’économiste camerounais Thierry Amougou tente ainsi d’expliquer pourquoi la
jeunesse africaine ne
se mobilise pas pour le climat. Il affirme dans son article que « les
écoliers, les lycéens, les étudiants, les chercheurs et les politiques ne
marchent pas pour le climat en Afrique, en Asie centrale et en Amérique
latine ». Ceci laisse croire que les jeunes Africains sont totalement
absents du mouvement.
Des
éléments tangibles montrent cependant que cette jeunesse commence à embrasser,
certes timidement, la cause climatique.
Quelques
figures médiatiques
Le
15 mars dernier, la Grève mondiale pour le climat a mobilisé plus
d’1,4 million de jeunes à travers le monde, y compris en Amérique
latine et en Afrique. Ce jour-là, des jeunes ont manifesté dans
plusieurs pays africains, en Afrique du Sud, au Kenya, à Madagascar, au
Ghana, en Tanzanie, en Namibie et en Ouganda. La marche des jeunes Africains à
Kampala a été filmée
et diffusée par le quotidien britannique The Guardian.
Notons
également que l’Afrique compte plusieurs jeunes figures qui œuvrent pour le
climat, la plupart d’entre eux s’étant lancées dans ce combat avant même
l’apparition de Greta sur la scène internationale. Inspirée par le Prix Nobel
Wangari Maathai, la jeune Ellyanne Wanjiku Chlystun, qui dès l’âge de
4 ans militait pour
la protection des arbres, a ainsi lancé au Kenya l’ONG Children with Nature.
En Ouganda
et au Nigeria, respectivement, la jeune Nakabuye Hilda F. fait de la
sensibilisation sur le climat et lutte contre la pollution plastique alors que
la jeune Oldaosu Adenike sensibilise et organise les marches des vendredis pour
le climat.
Des
mobilisations de faible ampleur
Depuis
novembre 2018, 18 pays africains ont connu des marches de jeunes pour le
climat, selon les statistiques
sur le site de Fridays for Future. Mais ces mobilisations sont généralement
marquées par une faible participation, et ne comptent souvent… qu’un seul
individu.
Comment
expliquer que la participation des jeunes Africains au mouvement demeure si
faible et timide ?
Prenant
le cas des régions en voie de développement, Afrique en tête, l’article de
Thierry Amougou analyse comment des facteurs tels que la pauvreté, la misère,
la faim, la guerre, et la crise migratoire empêchent les jeunes de se lancer
dans la lutte contre le dérèglement climatique. Le « ventre affamé n’a
point de climat ! », déclare-t-il. À cette liste, on peut ajouter
deux autres facteurs qui empêchent, probablement, les jeunes en Afrique et
ailleurs de se joindre à la cause climatique.
Dans
certains pays en voie de développement, Afrique subsaharienne notamment, les
régimes au pouvoir répriment violemment toute forme de manifestation politique.
Même s’il s’agit habituellement de manifestations adultes, cette menace peut
effrayer et décourager les jeunes de s’engager dans ce type d’action.
Au
Cameroun, par exemple, une vingtaine de militants du parti d’opposition
Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto ont été
interpellés et libérés quelques minutes plus tard le mardi 5 mars
2019 alors qu’ils s’investissaient
dans le nettoyage des rigoles au marché Mokolo dans le 2e arrondissement
de Yaoundé.
Dans
la même lancée, certains pays dits démocratiques essaient de réprimer les
manifestations écologiques ; ce fut le cas lorsque certains policiers
britanniques ont interpellés quelques activistes du mouvement
Extinction Rebellion qui manifestaient en bloquant le pont Waterloo au centre
de Londres le 16 avril 2019, date du lancement de leur semaine
internationale des manifestations.
Le
rôle des enfants en Afrique
Il
faut également souligner que certaines cultures africaines semblent encourager
les adultes à négliger ou à sous-estimer l’avis des plus jeunes au sujet de
certaines questions fondamentales.
La
littérature témoigne de cette réalité, comme je le souligne dans ma thèse de
doctorat (en cours) en m’appuyant sur des textes tels que Le Cri de la forêt (2015)
de Henri Djombo et Osée Collins Koagne, Les
Bénévoles(2015) de Henri Djombo, Beware (1993)
et The Hill
Barbers (2010) de Ekpe Inyang.
Dans Le
Cri de la forêt (2015), Kamona, chef traditionnel du village Mballa,
chasse son petit neveu Toubouli d’une réunion au motif que ce dernier se mêle
des « conversations des adultes » et qu’il aurait osé soutenir le
Fonctionnaire (un agent forestier) quand ce dernier expliquait aux villageois
qu’il ne fallait pas pratiquer l’abattage anarchique des arbres.
Et,
quelques minutes avant ces remontrances, les adultes villageois avaient
accueilli le geste du petit Toubouli par « un brouhaha de
mécontentement », signe de l’indignation collective vis-à-vis du petit
garçon à l’avis raisonné. Le petit Toubouli aura toutefois gain de cause :
parti à la ville et devenu docteur en écologie, il retournera dans son village
en proie à une sécheresse inédite.
Il
parviendra à expliquer aux villageois comment la déforestation anarchique a
causé la sécheresse ; et parviendra également à convaincre son oncle
Kamona d’obéir aux instructions de l’administration étatique en déplaçant tous
les habitants dans un nouveau village, plus au nord.
Dans The
Hill Barbers (2010), l’auteur Ekpe Inyang – en s’appuyant sur les
personnages du vieux Sangu Ngoe et du jeune Young Man – met en exergue l’importance
pour les décideurs d’écouter les jeunes pour pouvoir faire face aux crises
environnementales.
Dans
son rapport
de 2008, l’Unicef insiste aussi sur ce point :
« Dans
les pays en voie de développement, les enfants ont souvent un contact plus
étroit avec leur environnement physique, par rapport aux adultes et à leurs
pairs des pays industrialisés. Dans la plupart des communautés, les jeunes ont
un accès privilégié à la nature : ils jouent le long des rivières, sur les
terrains inoccupés et dans des aires isolées. Cette bonne connaissance de ce
qui les entoure est importante et bien plus difficile à trouver une fois
intégrés au monde adulte. »
Malgré
des comportements encore négligents, voire décourageants, de certains adultes
africains vis-à-vis des enfants et de leur rôle dans la lutte contre le
changement climatique, la prise de conscience de l’urgence est aujourd’hui bien
réelle au sein de la jeunesse africaine.
Source: theconversation.com
Source: theconversation.com
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