Recycler de grandes quantités de batteries pour véhicules électriques s’annonce particulièrement difficile
AGM/ Entre 2019 et 2030, selon l’Agence
internationale de l’énergie, la demande de batteries lithium-ion pour les
véhicules électriques devrait être multipliée par 17. Compte tenu du coût de
fabrication et de la toxicité des métaux que contiennent ses batteries, leur
recyclage est indispensable. La filière est aujourd’hui, au mieux,
embryonnaire. La rendre efficace à grande échelle, économiquement et sur le
plan environnemental, s’annonce particulièrement compliquer. Et il ne faut pas
rêver non plus à une technologie miraculeuse de batterie propre, performante et
pas chère.
La
quantité de
batteries lithium-ion fabriquées a été multipliée par 80 entre 2000 et
2018. En 2018, 66%
d’entre elles étaient utilisés dans des véhicules électriques. Le
développement programmé de la mobilité électrique va accroître le besoin en
batterie et l’agence internationale de l’énergie estime qu’entre 2019 et 2030
le besoin en batterie va être multiplié par
17.
Cette situation
soulève de nombreuses questions en lien avec les matériaux utilisés dans leur fabrication
: quelles sont les ressources? Quels sont les impacts environnementaux de leur extraction
? Peut-on les recycler ?
Lorsque l’on
s’intéresse aux matériaux des
batteries lithium-ion utilisées aujourd’hui dans l’immense majorité
des véhicules électriques, il faut en premier lieu souligner qu’il existe
plusieurs technologies de batteries. Si toutes contiennent du lithium, les
autres constituants varient : les batteries présentes dans les téléphones où
les ordinateurs contiennent du cobalt, celles qui alimentent les véhicules
peuvent contenir soit du cobalt avec du nickel ou du manganèse, soit ne pas en
contenir du tout dans le cas des technologies au fer-phosphate.
La composition
chimique exacte de ces composants de stockage est difficile à identifier car
elle relève du secret industriel. De plus, des améliorations sont régulièrement
apportées aux batteries pour augmenter leurs performances : la composition
chimique des batteries évolue donc avec le temps. Quoi qu’il en soit, les
principaux matériaux impliqués dans la fabrication des batteries lithium-ion
sont le lithium, le cobalt, le nickel, le manganèse et le graphite. Tous sont
repérés comme des matériaux présentant des risques
de disponibilité et des risques environnementaux.
La question de
la disponibilité de ces matériaux est complexe à appréhender : d’une part, la
valeur des réserves est soumise à des considérations géopolitiques et aux
évolutions des techniques d’extraction; d’autre part, les besoins en matériaux
sont très sensibles aux hypothèses de prospectives (nombre de véhicules
électriques et taille de leur batterie).
Un impact environnemental élevé
La question des
impacts environnementaux de la fabrication des batteries est peut-être encore
plus importante. Même s’il existe suffisamment de matériaux, les impacts de
leur exploitation doivent être sérieusement pris en compte.
Les études
montrent que la fabrication des batteries peut avoir des impacts
élevés en matière de toxicité humaine ou de pollution des écosystèmes. Se
rajoute à cela le besoin de surveiller les conditions de
travail dans certains pays. De plus, l’analyse des impacts environnementaux
nécessite de connaître parfaitement la composition et les procédés de
fabrication des batteries, alors que ces informations sont difficiles
à obtenir pour d’évidentes raisons de propriété industrielle.
Le recyclage des matériaux est une nécessité
Il existe
principalement deux familles de
procédés de recyclage de batteries utilisées séparément ou en
combinaison. Le premier est la pyrométallurgie, qui détruit
les constituants organiques et plastiques en les portant à haute température et
ne conserve que les composés métalliques (nickel, cobalt, cuivre…) qui sont
ensuite séparés par voie chimique. Le second est l’hydrométallurgie qui
ne comprend pas d’étape à haute température, mais qui sépare les constituants
uniquement par différents bains de compositions adaptées chimiquement aux
matériaux que l’on souhaite récupérer.
Dans tous les
cas, les
batteries doivent tout d’abord être broyées pour obtenir des poudres.
Les deux procédés sont actuellement exploités industriellement dans le recyclage
des batteries lithium-ion des téléphones et des ordinateurs portables pour
récupérer le cobalt qu’elles contiennent. Ce dernier matériau est tellement
précieux que sa récupération assure la rentabilité économique de la filière
actuelle du recyclage de batteries lithium-ion.
Mais comme les
technologies de batteries lithium-ion utilisées du côté des véhicules
électriques ne contiennent pas toutes du cobalt, la question du modèle
économique de leur recyclage se pose toujours et il n’existe pas encore de réelle
filière industrielle de recyclage pour ces batteries. La raison principale est
l’absence de volume suffisant de batteries à traiter : le déploiement massif de
voitures électriques est relativement récent et leurs batteries ne sont pas
encore en « fin de vie ».
D’ailleurs, la
définition de cette fin de vie est elle-même soumise à discussion. Les
batteries « de traction » (qui permettent aux véhicules électriques
de rouler) sont par exemple considérées comme inaptes au service lorsqu’elles
ont perdu 20 ou 30 % de leur capacité – ce qui correspond à une perte
équivalente de l’autonomie du véhicule.
La seconde vie des batteries de véhicules électriques est théorique
Un débat existe
alors sur une possible « seconde vie » de ces batteries qui permettrait de
prolonger leur utilisation et ainsi de diminuer leurs impacts environnementaux.
Cette potentielle seconde vie soulève tout d’abord des défis liés à la
reconfiguration nécessaire des batteries et de leur dispositif électronique de
surveillance. Il faut ensuite identifier des applications pour ces batteries
aux performances « amoindries ». Une utilisation comme stockage d’énergie
connecté au réseau électrique est envisagée et de nombreuses
expérimentations existent.
Cependant, un
acteur majeur comme RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité
en France, estime que cette
utilisation n’est pas pertinente, fonctionnellement et économiquement, et
préconise plutôt de recycler les batteries de véhicules électriques en fin de
première vie.
Mettre en place une filière de recyclage adaptable à des technologies en évolution
La mise en place
d’une filière de recyclage devra également trouver un modèle économique capable
de s’adapter à la diversité des technologies de batteries sans avoir à
multiplier les procédés de recyclage.
Enfin, il faut
noter que ces problématiques d’impacts environnementaux et de recyclage ne sont
pas simples à traiter pour des technologies qui n’ont pas toujours atteint leur
maturité et dont la pérennité n’est pas assurée dans le long terme. Les
batteries lithium-ion évoluent très rapidement –les technologies de batteries
au lithium-métal par exemple– et on voit même apparaître des technologies
concurrentes sans lithium– comme le sodium-ion par
exemple.
Pour toutes ces
raisons, les impacts environnementaux, économiques et sociaux de la fabrication
et du recyclage des batteries de véhicules électriques et de leurs matériaux
doivent continuer à être étudiés. La pression
législative et citoyenne doit continuer pour obtenir une transparence
sur les procédés de fabrication afin de permettre la quantification des impacts
et d’identifier les moyens pour les limiter. Les prochains programmes de
recherche européens se positionnent d’ailleurs dans cette direction en incluant
la dimension environnementale dans le développement des nouvelles batteries.
Il ne faut cependant pas tout attendre d’une potentielle technologie miraculeuse de batterie propre, performante et pas chère –qui relève probablement de la chimère. Il est important de freiner la course à l’augmentation des tailles des batteries de véhicules électriques –et donc limiter la puissance, la masse et l’autonomie des véhicules eux-mêmes.
Cela demande de
repenser l’organisation de notre mobilité –sortir du « tout voiture » – plutôt
que de chercher à remplacer une technologie (le moteur thermique) par une autre
(le moteur électrique).
Serge
Pelissier Chercheur sur le stockage de l’énergie dans les
transports, Université Gustave Eiffel
Cet article
est republié à partir de The
Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article
original sur The Conversation.
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